Sécu : un projet de loi pour 2012 qui ne règle en rien les dettes !

Sécu : un projet de loi pour 2012 qui ne règle en rien les dettes !
septembre 25 23:50 2011 Imprimer l'article

[singlepic id=296 w=320 h=240 float=left]Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, prochainement en discussion au Parlement, prévoit de nouvelles économies pour tenter de réduire les déficits des diverses branches. La branche pharmaceutique sera lourdement taxée. Mais le projet de loi laisse entière la question du financement des déficits sur le long terme. Tôt ou tard, il faudra se résoudre à augmenter la CSG, seule alternative possible au cumul des déficits et à la baisse continue des prises en charge.

La question revient désormais à chaque présentation annuelle de la loi de financement de la Sécu. Comment faire pour réduire un peu plus les déficits des branches vieillesse et maladie de la Sécu en vue de ramener le déficit public global de 4,5 % en 2012 à 3 % en 2013, puis à 2 % en 2014, comme l’exigent les critères de Maastricht ? Si la branche vieillesse a déjà été sacrifiée sur l’autel des agences de notations financières – qui ont préparé une future paupérisation des générations du baby-boom en même temps que le gouvernement en place rallongeait la durée de vie au travail sans pour autant offrir d’emplois aux seniors en bout de course – la branche maladie se trouve plus que jamais sous pression du fait d’un autre « boom », celui des malades chroniques. Pour l’heure, le déficit du régime général de la Sécu, qui a atteint quelque 23,9 milliards d’euros en 2010, baissera à 18,1 milliards cette année, grâce à, nous explique le gouvernement lors de la présentation du PLFSS (1), une masse salariale « plus dynamique qu’anticipé (+3,7 %, au lieu de +2,9%) », selon ses prévisions initiales pour de 2011. Reste que cette même masse salariale, sur laquelle s’assoit l’essentiel des recettes de la Sécu, est en baisse tendancielle depuis 2009, et la récente remontée du chômage ne devrait guère contribuer à renflouer ces mêmes recettes. Et le même gouvernement de préciser, après révision de ses prévisions, que « la croissance de la masse salariale est, pour 2011, dorénavant anticipée à 3,7% au lieu de 4,5%. » (!)

Sur la trajectoire de retour à l’équilibre

« Le déficit du régime général sera néanmoins en forte réduction en 2012 par rapport aux années qui précèdent, puisqu’il sera de 13,9 milliards d’euros et sera ainsi réduit de 40 % par rapport à 2010″, ajoute encore le document remis à la presse. Méthode Coué ou excès d’optimisme préélectoral, la ministre du Budget ajoute par ailleurs qu' »après avoir assuré le redressement des comptes des régimes de retraite par la loi du 9 novembre 2010 et le retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2018, le gouvernement crédibilise la trajectoire de retour à l’équilibre de l’assurance maladie, dont le déficit s’établira à 5,9 milliards d’euros en 2012 et sera ainsi divisé par deux en deux ans. » Mais sur cette longue marche du retour à la vertu budgétaire, il faudra encore songer à résorber les déficits cumulés antérieurs, dont certaines tranches ont été transmises, via la CADES, aux générations futures (2) tandis que d’autres plombent toujours le service de la dette sociale qui atteint, fin 2010, le montant total de 136,2 milliards d’euros, soit 80 % du montant de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), fixé pour 2012 à 171,8 milliards d’euros, et autorisé à progresser de 2,8% (contre 2,9% en 2011).

Conserver les principes fondamentaux

Dans le domaine de l’assurance-maladie, pour faire respecter l’objectif d’une évolution maîtrisée de l’ONDAM à + 2,8 %, il faudra cependant réaliser 2,2 milliards d’euros d’économies « compte tenu du rythme de progression tendancielle des dépenses ». Ces mesures d’économies visent, nous est-il expliqué, « à renforcer l’efficacité et la performance du système de soins, en conservant les principes fondamentaux de notre système d’assurance maladie : un taux de remboursement d’autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses. » Pour ce qui est de « l’efficacité et la performance », la balle est dans le camp des Agences régionales de santé (ARS), chargées d’améliorer l’efficience du système de santé en réorganisant l’offre régionale des soins – un programme qui n’est toujours qu’en cours d’application -. Quant aux « principes fondamentaux de notre système d’assurance maladie », on sait qu’ils ont largement été remis en cause au fil des années avec les baisses progressives de prises en charge et les augmentations corrélatives de restes à charge des assurés sociaux. Aussi si les pathologies graves, lourdes et coûteuses – soignées à l’hôpital – resteront bien couvertes, il n’est pas sûr qu’il en sera de même pour les « petits risques » voire même pour certaines maladies chroniques d’ores et déjà dans le collimateur de la caisse nationale d’assurance-maladie.

Les industriels de santé sacrifiées

Au final, les principales propositions émises en juin dernier par l’UNCAM auront été intégrées dans le PLFSS pour 2012 présenté de 22 septembre par le gouvernement. Les économies recherchées en 2012 porteront notamment sur les médicaments, « afin d’améliorer l’efficience de la prescription et de rapprocher la France de ses partenaires européens pour les prix et la prise en charge ». Les baisses des prix de médicaments et dispositifs médicaux devraient ainsi rapporter quelque 670 millions d’euros, presque 200 millions de plus qu’en 2011. Ce au grand dam des représentants des industries de santé qui, par la voix du LEEM, y voient une atteinte grave à la compétitivité industrielle française. « L’ensemble des mesures financières annoncées relèvent d’une logique de court terme, en contradiction totale avec l’ambition affichée ces dernières années au plus haut niveau de l’Etat, pour faire de la France un acteur mondial des sciences du vivant », commente Christian Lajoux, président du LEEM. Alors même qu’un nouveau Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) vient d’être annoncé pour le début 2012, il juge ces mesures « incohérentes »et de nature à « isoler le pays dans la compétition internationale. » Le PLFSS 2012 semble bien s’inscrire dans ce schéma de « rupture » cher au président de la République, mais cette fois avec un branche d’industrie profondément discréditée par l’affaire du Mediator, qui n’en finit pas de rebondir. Car comme le souligne toujours le LEEM, après onze prélèvements sectoriels, d’un montant de plus de 850 millions d’euros et représentant près de 4 % de leur chiffre d’affaires, « le projet de loi prévoit une majoration de 150 millions d’euros des prélèvements sur le chiffre d’affaires visant à faire financer par l’industrie la formation des professionnels de santé, tout en lui interdisant toute implication dans le dispositif. » Une mesure qui fait suite aux récentes Assises du médicament qui se proposaient de revoir le financement de la formation continue des médecins. Reste que nous sommes ici cependant encore loin de l’Allemagne qui multiplie depuis des mois les ponctions de toutes sortes sur les industriels du médicament – génériqueurs inclus – pour combler son trou de sa Sécu (1,9 milliard d’euros prélevés sur le seul 1er semestre 2011).

[singlepic id=297 w=320 h=240 float=right]260 milliards de dettes reprises

Si, sur toute la durée du quinquennat près de 20 milliards de recettes supplémentaires ont été affectées à la Sécurité sociale, comme l’a souligné Les Echos du 22 septembre, les problèmes de fond de la Sécu sont loin d’être réglés, malgré l’insistance mise chaque année à vouloir maîtriser des dépenses qui ne peuvent que filer à la hausse du fait du vieillissement de notre population. Fin 2011, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), qui a déjà repris depuis sa création en 1996 quelque 260 milliards d’euros de dettes de la Sécu, verra son endettement atteindre 143 milliards d’euros. « Les déficits sociaux auront engendré 30 milliards d’intérêts depuis 1996″, relève le député alsacien Yves Bur, rapporteur du Budget de la Sécurité sociale qui milite de longue date pour un relèvement de la CSG et craint qu’un « futur gouvernement veuille encore prolonger la durée de la vie de la Cades », nourrie par le prélèvement dit CRDS (0,5 % de tous les revenus). Pour l’heure, le seul horizon qui s’impose aux responsables politiques de tous bords est celui de la future présidentielle. Pour le long terme, ils s’en remettent au bon mot de J-Maynard Keynes

Jean-Jacques Cristofari

(1) PLFSS 2011 présenté par Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot-Narquin, le 22 septembre 2011

(2) Cf. PLFSS 2011, la dette sociale passe aux générations futures

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Les autres mesures du PLFSS :

– Déremboursement des médicaments dont le service médical est jugé insuffisant, aujourd’hui pris en charge à 15 %,

– Poursuite de la maîtrise médicalisée menée par l’assurance-maladie et les ARS (550 millions d’euros),

– Amélioration de la performance à l’hôpital (450 millions d’euros : poursuite de la convergence ciblées des tarifs des secteurs publics et privés – contrats de performance à l’hôpital – optimisation des achats à l’hôpital – mesure de lutte contre la fraude à l’hôpital et baisses de tarifs de la liste en sus),

– Baisse des tarifs de certains actes de biologie et de radiologie (170 millions d’euros), et harmonisation et la simplification des méthodes de calcul des indemnités journalières maladie et AT/MP qui seront désormais calculées sur la base du salaire net comme pour les IJ maternité en vue de la déclaration sociale nominative (220 millions d’euros).

– Mise en réserve de crédits, comme les années précédentes, pour un montant de 545 millions d’euros, qui garantira le respect de l’ONDAM en 2012. Des mesures favorables sont inscrites en faveur des familles monoparentales – création d’un plafond de ressources spécifique permettant aux parents isolés de bénéficier d’une prestation du complément de mode de garde et amélioration de l’aide versée par les CAF en cas de non versement ou de versement partiel d’une pension alimentaire. L’allocation versée lors d’un congé parental (CLCA) sera désormais assujettie à la CSG au taux de 6,2 %.

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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