Quand le Covid fait du bien à la pharma

Quand le Covid fait du bien à la pharma
avril 01 13:15 2022 Imprimer l'article

Entre 2020 et 2021 la valeur boursière du laboratoire Pfizer, leader mondial de sa branche avec 81 milliards de dollars de chiffres d’affaire et 22 milliards de bénéfice net en 2021, est montée à plus de 300 milliards de dollars. Une performance qu’il doit à son partenaire, la biotech allemande BioNtech , et surtout au vaccin à ARNm contre le Covid-19 issu de la recherche de cette dernière.

Exit les ténors mondiaux du vaccin qui ont pour nom Sanofi, GSK ou MSD. Aucun de ces fleurons de la pharma n’a su ou pu tirer son épingle du jeu imposé par la pandémie dans la recherche d’une réponse rapide au Covid-19. Opportuniste de longue date, constamment à l’affut de nouvelles opportunité de croissance externe, le grand vainqueur de la bataille contre le virus qui continue à se répandre sur la planète aura été le laboratoire Pfizer. Mais il ne doit cette belle victoire qu’à une petite biotech allemande – BioNtech – qui disposait dans son portefeuille de recherche d’une pépite : un vaccin à ARN messager, que la Big Pharma Pfizer va vite transformer en un blockbuster bien dopé sous le nom commercial de Cominatry. Ce vaccin sera le premier à avoir été homologué en Europe et aux Etats-Unis dès 2020, alors que la pandémie bat son plein. En moins de huit mois, le fameux sérum affiche tous les records : avec 2,3 milliards de doses écoulées en 2021, le Comirnaty va devenir le médicament le plus vendu sur une année de toute l’histoire de l’industrie pharmaceutique. Aucun autre n’a réussi cet exploit. Il va conquérir des places de choix sur le marché américain où sa part s’élève à 60 % ainsi qu’en Europe où elle culmine à 80 %. Pas question pour autant de céder le brevet aux pays moins développés qui devront attendre que la générosité des plus nantis leur concède des doses gratuitement, avec ou sans l’aide de leur gouvernement.

En novembre 2020, Pfizer et BioNtech annoncent que leur vaccin est efficace à 90 %. et un mois plus tard, le Royaume-Un, les Etats-Unis et l’Union Européenne autorisent le vaccin. « « Toutes les entreprises engagées dans cette course ont investi dans leurs moyens de production sans attendre, mais Pfizer a été plus efficace car il avait déjà le réseau et le savoir-faire, contrairement à Moderna, une start-up qui n’avait jamais rien commercialisé avant son vaccin », note Julie Swann, professeure à la North Carolina State University et spécialiste de la logistique dans le médical, dans le journal La Croix de mars 2022. « Jamais un vaccin n’avait été produit aussi rapidement – quelques mois contre plusieurs années en temps normal – sur fond de crise sanitaire mondiale« , ajoute encore ce dernier.

A l’origine de cette success story, le Dr Ugur Sahin, co-fondateur du laboratoire allemand BioNTech qui étudie, en janvier 2020, avec son épouse, Özlem Türeci, plusieurs vaccins à ARN messager (ARNm). Au mois de mars suivant, il va joindre et échanger avec Kathrin Jansen, responsable recherche et développement des vaccins chez Pfizer, groupe avec lequel BioNTech collabore depuis 2018 sur un sérum contre la grippe. Le PDG du groupe, Albert Bourla, va donner le feu vert à ce qui constitue un défit sans équivalent dans l’histoire de la pharma : sortir un vaccin en quelques mois alors même qu’aucun vaccin à ARNm n’a été commercialisé jusqu’à présent. 17 000 des 78 000 employés de la firme vont être mobilisés par le vaccin. L’usine de Portage (Michigan), qui est la plus grande usine Pfizer aux États-Unis, va porter ce projet hors normes et produire les lipides nécessaires au vaccin. Les conditions de conservations sont drastiques, car le vaccin doit être conservé à – 70 °C. Des centaines de frigos vont ainsi être installés sur le site. Le lancement de Cominatry va être favorisé par les commandes publiques du gouvernement américain, qui s’en réserve 100 millions de doses dès juillet 2020. De son côté BioNTech va recevoir 375 millions d’euros du gouvernement Merkel. L’histoire ne dit pas si le laboratoire les a reversé à ce dernier !

Au total, le vaccin de Pfizer va rapidement devenir la star de toutes les campagnes de vaccination et répondre à une loi simple dans le registre du marketing pharmaceutique : le premier entré sur un marché rafle la mise. C’est donc chose faite depuis et les successeurs du Cominatry ne se partageront que les miettes. Ainsi, deux années après le début de la pandémie, le titre de Pfizer a presque doublé entre 2020 et 2021. Sa valeur boursière est estimée à plus de 300 milliards de dollars. Presque le triple de Sanofi. Avec un chiffre d’affaires de l’entreprise américaine qui a bondi de 95 % en 2021, à 81,3 milliards de dollars, le bénéfice net du champion mondial de la pharma a doublé en 2021, à 22 milliards de dollars. Pour l’année 2022, il prévoit de vendre 32 milliards de dollars de son vaccin co-développé avec BioNTech, et pour 22 milliards de sa pilule anti-Covid, commercialisé sous le nom de Paxlovid (autorisé fin décembre aux Etats-Unis). Soit 55 milliards de dollars de spécialités pharmaceutiques pour répondre à la seule pandémie, qui continue de courir dans le monde. Une cerise sur le gâteau, car les prévisions du chiffre d’affaires global sont comprises entre 98 et 102 milliards de dollars pour cette année. De quoi satisfaire très largement les actionnaires d’un groupe qui sera devenu le plus puissant de l’histoire de la pharma mondiale. Car de 60 dollars d’ici la fin de 2022, le cours des actions de Pfizer pourrait, selon les analystes grimper à 80 dollars d’ici le milieu de 2023, puis passer à 100 dollars d’ici 2024, 125 dollars en 2026, 150 dollars en 2027, pour atteindre 200 dollars en 2032.

J-J Cristofari

NB : Le marché pharmaceutique mondial devrait atteindre 1 700,97 milliards de dollars en 2025 avec un taux de croissance annuel moyen de 8 %.

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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