Recherche clinique : les sociétés sous-contrats renouent avec la croissance

Recherche clinique : les sociétés sous-contrats renouent avec la croissance
janvier 28 19:41 2013 Imprimer l'article

[singlepic id=660 w=300 h=220 float=left]Le 2ème salon européen de l’Association française des sociétés de recherche sous contrat (AFCROs) (1) présentes et exerçant en France,  s’est tenu le 22 janvier à Paris. La journée a été l’occasion de faire un point sur les activités de l’association, qui entend communiquer davantage pour accroître sa visibilité. Son président sortant, Gérard Sorba, est également revenu sur les mutations d’un secteur qui voit son activité rebondir avec la croissance forte des études de pharmaco-épidémiologie.

Après le succès de l’an passé, une nouvelle édition s’imposait. C’est désormais chose faite. Le 2ème salon de l’AFCROs vient de se tenir à Paris, avec plusieurs objectifs, soulignés par Gérard Sorba, son président depuis deux ans : « Dans un  milieu en pleine mutation, il s’agit de développer le savoir-faire et la visibilité des sociétés présentes en France, explique ce dernier.  Il y a une qualité du travail fait en France et il n’y a aucune raison d’aller faire des essais en Russie ou en Amérique latine ». La communication est un enjeu important pour l’AFCROs, qui souhaite faire entendre sa voix : en 2011, au moment des Assises du médicament, les prestataires de la recherche n’avaient même pas été contactés. Une page à tourner car, aujourd’hui, « on ne peut pas imaginer de développement de produits de santé sans prestataires. On est à 50% de sous-traitance sur tous les produits de santé (…) Nous voulons nous positionner en tiers de confiance ».

D’où le second objectif affiché : discuter avec les académiques. La recherche clinique française est à la fois publique et privée ; les CROs travaillent avec les deux acteurs, qui sont complémentaires : « la tendance de fond est au rapprochement des deux. Il est donc fondamental que l’on puisse discuter avec les organismes publics ». Les prestataires doivent en effet comprendre comment fonctionne le public, comment il est financé, quels sont ses objectifs ?

Changements dans une transparence accrue

Le secteur de la recherche clinique (RC), à l’instar du secteur pharmaceutique dans son ensemble, connaît de profondes mutations. Les affaires récentes (Mediator, PIP…) ont entraîné la nécessité de changer certaines pratiques et d’instaurer plus de transparence, plus d’informations sur les produits de santé, ainsi qu’une communication internationale accrue. Des lois ont été votées (Bertrand, Jardé), avec de nouveaux décrets d’application attendus en 2013/2014. Une nouvelle directive européenne est également en cours d’élaboration. « Notre métier sera différent demain, poursuit Gérard Sorba. Il y aura notamment beaucoup plus de transparence dans les liens entre les investigateurs, les services publics, les industriels, ainsi que dans les bases de données ».

Autre changement de taille : le médicament, depuis longtemps au cœur de la recherche clinique, perd de son poids au profit d’autres segments, qui requièrent désormais des essais : les biotechnologies, indispensables au développement de nouveaux médicaments (chimiques comme biologiques), sont en croissance, après une période de stand-by lié à la crise financière mondiale. De même, les dispositifs médicaux (DM) se développent : depuis mars 2010, une évaluation clinique est obligatoire pour les DM de classe 2b, 3 et les DM implantables actifs ; un changement majeur, avant comme après la mise sur le marché des produits. Denis Comet, vice-président de l’AFCROs, explique de son côté que « désormais, ces dispositifs doivent montrer leur efficacité. La France est un peu pionnière dans la demande mais cela va devenir européen assez vite ». Enfin, la nutrition évolue aussi de façon significative : le règlement européen CE n°1924/2006 stipule que les allégations doivent être démontrées et autorisées. Résultat de ces évolutions réglementaires, le médicament n’est plus la seule figure de proue de la recherche clinique et épidémiologique en France. La preuve par les chiffres : au niveau de l’ANSM, sur 871 études en 2011, 35 % concernaient le DM, alors que ce nombre n’était pas significatif il y a encore dix ans…

[singlepic id=661 w=280 h=200 float=left]Enfin, les études de pharmaco-épidémiologie (PE), effectuées quand le produit de santé est sur le marché pour évaluer sans « vraie vie », arrivent en force. Ces études vérifient la sécurité des conditions d’utilisation des produits, dans un environnement changeant ; elles analysent aussi les conditions de prescription, en prenant en compte la sécurité, les conditions réelles d’utilisation, l’efficacité chez un patient qui « bouge » et passe d’un contexte à un autre.

Faible qualité des sites d’investigation

Face à cet environnement changeant, les CROs évoluent. Comment ? Tout d’abord en se rapprochant des sites d’investigation. Gérard Sorba explique qu’ « aujourd’hui, si on veut de la recherche de qualité, clinique comme épidémiologique, il faut qu’on soit près des sites d’investigation ». Deux axes sont plus particulièrement concernés : la formation des investigateurs et la communication vis-à-vis des patients. L’AFCROs travaille ainsi au  rapprochement avec les sites, les autorités de tutelle et les syndicats d’industriels, tant au niveau du DM que du médicament. Le président de l’AFCRO explique que l’association s’intéresse aussi à la formation des investigateurs : « nous avons fait conjointement avec le Leem et l’ANSM un référentiel de formation des médecins investigateurs ».

Il rappelle à l’occasion qu’un des critères de « dysfonctionnement » de la recherche clinique en France est la faible qualité des sites d’investigation : « les services publics, les prestataires et les industriels doivent agir au niveau de cette qualité de travail des sites d’investigation ». Outre la décentralisation de la recherche hospitalière, qui rend difficile son organisation, la faible vitesse de recrutement des patients dans les études, liée pour partie à un déficit d’information et à un contexte médico-social particulier (en France, les patients ont souvent des alternatives thérapeutiques à la recherche), explique la mauvaise qualité des sites d’investigation. Mais ce n’est pas tout : Gérard Sorba pointe également le manque de formation des médecins à la recherche clinique, en particulier au management d’un essai clinique ou d’une équipe, au recrutement des patients : « je suis médecin, je n’ai jamais eu de formation à la RC dans mon cursus médical ». Il ajoute qu’à l’hôpital, les équipes soignantes sont surchargées : « quand vous arrivez avec un essai clinique ou une étude épidémiologique, vous avez du mal à emporter leur adhésion. Le médecin doit prendre en compte la RC dans sa charge de travail. Or, ce n’est pas le cas ». Enfin, la recherche clinique nécessite une organisation, des ressources.

La France accuse du retard[singlepic id=662 w=220 h=160 float=right]

Au final, toutes ces raisons expliquent la faible attractivité des sites d’investigation. Pourtant, les études cliniques représentent un grand marché. « La France est mise en concurrence, le nombre et la vitesse des recrutements dans un délai déterminé sont des critères importants. Il faut remporter cette compétition, car moins on fait de recherche clinique dans un pays, plus le patient met de temps à pouvoir bénéficier d’une nouvelle molécule. En France, aujourd’hui, nous sommes très en retard par rapport à des pays anglo-saxons ou à certains pays de l’Est. » (3)

Collaborations avec le public

Autre piste de travail (et objectif du salon) : les collaborations avec les organismes publics. « Nous développons de plus en plus une collaboration en amont des textes, aux niveaux français et européen. L’AFCROs est la plus grosse association de prestataires en Europe, elle est très active en travail et en membres». Plus concrètement, en matière de recherche académique, les structures publiques (DIRC, CRC, CIC, DRCD…) (2), financés par la DGOS et venant en soutien aux médecins qui ont des idées de protocole pour réaliser des études dans un cadre hospitalier, représentent plus de 50 % des protocoles déposés à l’ANSM en recherche. Problème : elles sont « over-bookées ». D’où la nécessité de les connaître, car elles font appel aux CROs, en cas d’afflux d’activité…

Enfin, l’association travaille sur les nouvelles technologies, au sein d’un de ses groupes de travail, pour valoriser le travail fait en France, ainsi que sur la qualité : un référentiel « qualité », véritable cahier des charges auquel une CRO doit répondre pour être en phase avec les exigences du métier, a ainsi été élaboré en 2012.

Valérie Moulle

(1) l’AFCROs fédère sur son site Internet 59 entreprises prestataires de services en recherche clinique et épidémiologique opérant en France, dénommées les CROs ou Contract Research Organizations.

(2) DIRC /Délégation Interrégionale à la Recherche Clinique ; CIC /Centre d’Investigation Clinique ; CRC/Centre de recherche clinique ; DCRD/Département de la Recherche Clinique et du Développement…

(3) En décembre 2012, le LEEM, dans son enquête sur « la Place de la France dans la recherche clinique internationale» a montré les difficultés de la France à maintenir sa position dans la compétition internationale dans le domaine des essais de médicaments. Si la recherche clinique française reste compétitive dans les aires thérapeutiques cancer et maladies rares, elle est en perte dans les aires du diabète et du cardiovasculaire. Biopharmanalyses dresse régulièrement le panorama des avancées de la France en la matière.

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Gérard Sorba, président sortant (1) de l’AFCROs : « L’Europe redevient compétitive »[singlepic id=659 w=240 h=180 float=right]

Les laboratoires se tournent de plus en plus vers l’Asie, y compris pour la recherche. Y a-t-il un avenir pour la recherche clinique en France, et plus largement en Europe ?

Nous pensons que l’on est arrivé au bout de l’externalisation des patients pour des questions de coûts ou de rapidité d’exécution. Auparavant, pour 100 patients, vous en preniez 50 ou 60 en Russie, en Amérique du Sud et en Asie, et une quarantaine en Europe. Aujourd’hui, les choses changent : des pays qui étaient auparavant peu chers deviennent aussi chers que la France, qui a baissé ses coûts ; au départ, on était sur un différentiel de un à dix, aujourd’hui, on est sur un rapport de coûts de un pour deux, un pour trois. L’Europe redevient compétitive pour la recherche par rapport à des pays émergents.

Où en est-on des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie ? Combien sont en cours actuellement ?

Les études de pharmacovigilance (PV) sont demandées depuis de nombreuses années, elles font partie des plans de gestion de risque (PGR) et ont été systématisées il y a sept à huit ans. Les nouvelles études de pharmaco-épidémiologie (PE) sont proches des études de PV, mais on regarde en plus l’efficience, autrement dit l’efficacité dans la population générale, ainsi que le profil d’utilisation, de prescription, d’interactions médicamenteuses, au sens potentialité du terme. Ces études augmentent énormément. La HAS a publié des chiffres : il y avait une cinquantaine d’études de PE il y a cinq à six ans ; sur 2012, plus de 500 sont en cours. Il y en a 250 nouvelles par an, dont une grosse moitié demandée pour le dispositif médical. C’est le gros changement. Auparavant, seul le marquage CE était nécessaire pour de nombreux dispositifs, il n’y avait pas d’évaluation clinique pré-marché ; désormais, cela existe pour certains DM,  ainsi qu’en post-market.

Ces études de PE sont obligatoires ?

Elles sont demandées à des industriels afin de vérifier que les promesses attendues de leurs produits au départ sont bien tenues, sur la population concernée. Si ce n’est pas le cas, le produit peut être dévalorisé, voire retiré du marché. La majorité de ces études sont demandées par la Haute Autorité de Santé, l’ANSM, la DGS. Elles sont alors obligatoires. De plus en plus d’industriels les anticipent, car ils savent qu’ils auront des questions des autorités de santé.

Ces études représentent un segment porteur pour vous…  

C’est certain. Elles ne sont en effet pas délocalisables et le secteur public n’est pas présent sur ce créneau. Ces études sont par ailleurs beaucoup plus faibles en termes de moyens logistiques. Elles nécessitent moins de contrôles qualitatifs et sont plus faciles à mener. Vous avez un différentiel de budget de un pour trois entre une étude clinique et une étude épidémiologique. Ces études représentent 20 à 25 % de notre activité.

Quel est le chiffre d’affaires des CROs en France ?

Au niveau de l’association, nous représentons un chiffre d’affaires d’environ 600 millions d’euros en 2012, en croissance d’environ 7 à 8 %. L’année 2010 a été la plus dure pour nous, avec une croissance proche de zéro. Depuis deux éléments conjoints nous ont permis de croître : le budget R&D des labos est reparti à la hausse et la prestation est en croissance. En 2013, le CA des CROs devrait croître de 12 %. Aujourd’hui, 21 000 personnes travaillent dans la R&D pharmaceutique en France, dont la moitié en développement clinique. Les CROs représentent la moitié des effectifs de la recherche clinique, soit 5000 personnes. Nos sociétés comptent en moyenne 20 à 100 personnes, contre 5 à 30 pour les sociétés de biotech auxquelles on nous compare souvent.

Propos recueillis par Valérie Moulle

(1) Depuis cette rencontre de l’AFCROs, Denis Comet, président l’Axonal, a pris la présidence de l’AFCROs

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La sous-traitance française en recherche clinique, en quelques chiffres*

L’AFCROs regroupe 80 sociétés : de grosses sociétés internationales ayant des filiales en France, ainsi que des sociétés d’origine française, œuvrant en France et en Europe.

CA 2012 : environ 600 millions d’euros.

6 sociétés leaders se partagent 43 % du CA total.

CA moyen des CROs impliquées dans la recherche préclinique : 17,9 millions d’euros.

CA moyen des CROs impliquées sur les phases I et IIa de la RC : 11,6 millions d’euros.

CA moyen des CROs spécialisées dans l’épidémiologie et la biométrie : 1,8 million d’euros.

* Source : AFCROs

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Jean-Jacques Cristofari
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