Réforme de la visite médicale à l’hôpital : les praticiens hospitaliers restent dubitatifs

Réforme de la visite médicale à l’hôpital : les praticiens hospitaliers restent dubitatifs
octobre 13 10:48 2011 Imprimer l'article

[singlepic id=309 w=320 h=240 float=left]Quel sera l’avenir de l’information sur les spécialités pharmaceutiques à l’hôpital ? La loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, votée par l’Assemblée nationale et désormais en débat au Sénat, redéfinit, en son article 19, les conditions relatives à l’information par démarchage ou la prospection pour les produits de santé dans les établissements de santé, conditions qui devront encore être fixée par arrêté, après avis de la Haute Autorité de Santé. Sans attendre les conclusions des débats parlementaires, l’Association Qualité et information médicale (AQIM) a interrogé les praticiens hospitaliers. Des PH qui ne se montrent pas vraiment convaincus par les bénéfices attendus d’une réforme de la visite médicale.

L’information sur le médicament diffusée par les visiteurs médicaux sera à l’avenir encadrée pour ce qui concerne sa diffusion dans les établissements de santé. Elle fera, nous précise l’article 19 de la loi désormais en discussion au Sénat, l’objet d’une « convention conclue entre chaque établissement de santé et l’employeur de la personne concernée », c’est à dire du laboratoire pharmaceutique employant le visiteur médical. De plus, un bilan de l’expérimentation de cette promotion sous contrôle sera présenté avant le 1er janvier 2013 par le gouvernement [qui sera alors en place à cette époque] au Parlement, en proposant « les évolutions législatives découlant du bilan, notamment en ce qui concerne la pérennisation des dispositions en cause ainsi que leur éventuelle adaptation à la médecine de ville. » Ajouté à ces mesures le Comité économique des produits de santé (CEPS), présidé depuis peu par Gilles Johanet, énarque et ancien directeur de la CNAMTS, sera en mesure de « fixer des objectifs annuels chiffrés d’évolution de ces pratiques, le cas échéant pour certaines classes pharmaco-thérapeutiques. » Voici donc pour le cadre réglementaire nouveau d’une activité qui aura été ces derniers mois l’objet d’attaques aussi brutales que ciblées et qui aura, de justesse, échappé à une disparition pure et simple en évitant de justesse de passer par pertes et profits le quotidien de quelques 18 000 salariés. A la lecture finale du texte de loi adopté par les députés en septembre dernier, les syndicats de salariés (UNSA, CFE/CGC, CFDT, CFTC) et d’employeurs (LEEM) ont, une fois n’est pas coutume, dans un bel élan consensuel commun, interpellé les pouvoirs publics et les parlementaires pour faire part de leurs souhaits au regard du projet de loi. Notamment que ce dernier intègre « le rôle majeur joué par le délégué médical en matière de sécurité sanitaire et de pharmacovigilance à l’hôpital », en soulignant que ce dernier « participe de manière responsable et éthique à la diffusion du progrès thérapeutique et à la sécurité du patient. » Pas question donc de lâcher un métier bien ancré dans le paysage sanitaire, qui bénéficie de surcroît d’une charte qui fixe les règles du jeu et a largement contribué à moraliser des pratiques décriées par les Cassandre, mais qui n’ont plus cours, nous expliquent ses plus ardents défenseurs.

« La loi n’aura aucun impact sur les prescriptions hospitalières »

« Une information objective et impartiale sur les médicaments est indispensable », a déclaré la secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra, en septembre dernier aux députés lors de la présentation du projet de loi sur le médicament. « La visite médicale telle qu’elle existe aujourd’hui, doit évoluer en profondeur », a poursuivi le ministre de la Santé, pour qui « il faut en finir avec la situation que nous connaissons, dans laquelle nous ne savons pas s’il s’agit de promotion ou d’information » Dans l’attente du lancement prochain de « l’expérience pilote de visite médicale à l’hôpital » que Xavier Bertrand appelle de ses voeux, les praticiens hospitaliers interrogés par l’AQIM (1) ont fait connaître leur avis sur l’évolution de l’information des médicaments au sein de leurs établissements.

Si pour 41 % d’entre-eux la loi sur le médicament remettra bien en cause la présence des laboratoires à l’hôpital et limitera la pression marketing du laboratoire via ses VM (pour 38 %), ils sont 37 % à penser que la réforme aura peu d’impact sur l’information délivrée. Bien plus, pour les deux tiers des PH (65 %), la loi, au final n’aura « aucun impact sur les prescriptions ».

Au global, cette évolution programmée de la visite médicale à l’hôpital ne suscite guère d’enthousiasme dans les rangs des praticiens hospitaliers concernés : 41 % estiment ainsi que « cela ne va pas changer grand-chose en réalité », 39 % qu’il s’agit là « d’une évolution regrettable qui présente sensiblement plus de désagréments que de bénéfices » et enfin, 20 % seulement que c’est « une évolution souhaitable qui présente sensiblement plus de bénéfices que de désagréments ».

[singlepic id=308 w=320 h=240 float=right]Quant à leur attitude face à la visite médicale relookée, la moitié des PH confie être « légaliste » (31 % se conformeront à la règle « avec regret » et 20 % s’y plieront « avec soulagement ») et un tiers dit vouloir continuer à recevoir les VM seuls comme avant ! « Avec ces nouvelles dispositions réglementaires, les praticiens hospitaliers se sentent outragés », explique Marie-Noëlle Nayel (photo), présidente de l’AQIM, pour qui « ce n’est pas faire confiance à leur compétence et à leur sens critique qui découlent de leurs pratiques professionnelles » et pour qui « il appartient bien à chaque médecin d’apprécier le contenu de l’information qu’il reçoit. » Sans compter que l’information délivrée à l’avenir en « staff », pour peu qu’elle soit réellement organisée par les établissements, ne semble pas être nécessairement la meilleure formule pour les PH. « Près de 50 % des médecins citent l’intérêt de l’entretien individuel – dans certaines spécialités comme l’oncologie – avec le délégué médical, comme indispensable, poursuit la présidente. En effet, cet entretien individuel permet de prendre le temps pour trier l’information, car les médecins hospitaliers sont submergés d’informations venant de nombreux émetteurs. » Pour l’heure les discussions internes à l’hôpital sur l’application de futures nouvelles règles sont loin d’avoir commencé, sinon de manière informelle, avancent 22 % des praticiens interrogés. Et quand elles ont débuté, c’est essentiellement entre médecins et fort peu avec les directions d’établissement ou les présidents de CME. Autant dire que les priorités sont certainement ailleurs en ces temps de rigueur budgétaire. Si comme le souligne Xavier Bertrand, c’est « souvent l’hôpital qui donne la tendance de la prescription », il n’est pas certain que ce soit les PH qui donneront celle de la visite médicale. Rendez-vous au bilan de l’expérimentation. S’il a lieu un jour !

Jean-Jacques Cristofari

(1) « L’avenir de l’information sur les spécialités pharmaceutiques à l’hôpital », étude réalisée par Internet auprès de 485 spécialistes hospitaliers, entre le 16 et 26 septembre 2011, par l’Association Qualité et information médicale (AQIM). les PH interrogés se répartissent comme suit : 52 % de PH, 19 % de PUPH, 18 % de chefs de services, 5 % d’attachés, 2 % de chefs de clinique, 1% de chefs de pôle, 1 % d’adjoints.

L’AQIM a récemment consacré sa dernière lettre d’information à « la visite médicale à l’hôpital : ce qu’en pensent les médecins »

*******************************************************************************

Les principaux résultats de l’étude de l’AQIM en synthèse

Afficher plus d'articles

A propos de l'auteur

Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

Afficher Plus d'Articles