[singlepic id=52 w=320 h=240 float=left]Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2011, présenté fin septembre par les ministres concernés (Roselyne Bachelot, François Baroin et Eric Woerth) et en discussion ce mois d’octobre au Parlement, envisage de ralentir le rythme d’évolution les dépenses de santé et de reporter les déficits passés et à venir sur les générations futures. Un plan d’économies de plus a, une nouvelle fois, été arrêté. Il laisse entière la question des nouvelles recettes nécessaires à l’équilibre financier de nos régimes de protection sociale.
Le déficit total du régime général de la Sécu devrait se situer en 2010 à 23,10 milliards d’euros. En 2009, la note s’est déjà élevée à quelque 23,5 milliards, soit plus de deux fois plus qu’en 2008 (10,2 milliards). Ainsi pour cette année, le déficit sera certes moindre que prévu initialement (30,6 milliards attendus dans le PLFSS pour 2010). Ce grâce au démarrage de l’économie française et à une amélioration – qui ne devrait pas durer – sur le front de l’emploi. Les recettes de la Sécu ont ainsi pu bénéficier d’une légère hausse de la masse salariale, à + 2 %. Pour l’an prochain, dans un excès d’optimisme mâtiné de volontarisme, le gouvernement mise sur une croissance de la masse salariale de 2,9 %. Une prévision qui « représente un équilibre entre optimisme et prudence, dans un contexte de forte incertitude sur la croissance mondiale », nous ont expliqué les ministres lors de la présentation du PLFSS pour 2011. Mais l’hirondelle de la reprise attendue ne fera pas le printemps de l’emploi et il faudra plus que 1,5 à 2% de croissance économique attendue pour faire repartir ce dernier. A moins qu’une nouvelle vague de départs massif à la retraite de la génération du « papy boom » ne donne un nouvel appel d’air au marché du travail ! L’ambition du PLFSS pour 2011, nous est-il expliqué, est de diminuer le déficit de plus de 25 % par rapport à une « évolution tendancielle » : entendu le ramener, tous régimes confondus de 28,6 milliards d’euros (sans mesures nouvelles) 21,4 milliards en 2011 en agissant à la fois sur les dépenses et sur les recettes.
Ainsi un effort de plus de 7 milliards sera dégagé grâce à la lutte contre les niches fiscales et sociales, qui deviendra « une priorité pour 2011 » et qui devrait rapporter quelque 10 milliards d’euros. Sur ces 7 milliards d’euros, 3,5 milliards seront consacrés au financement de la dette sociale ; 3 milliards d’euros seront consacrés au financement de la réforme des retraites ; et enfin 450 millions d’euros viendront, pour une très large part, abonder la branche maladie.
Cet exercice comptable s’ajoute à une autre performance, qui consiste à vouloir limiter la croissance nationale des dépenses d’assurance-maladie (l’ONDAM) dans une épure de 2,9 %. Les dépenses de villes sont autorisées à croître de 2,8 %, comme celles de l’hôpital. Le secteur médico-social pourra faire mieux (3,8 %) Ainsi, nous est-il précisé, les dépenses remboursées par l’assurance-maladie sont bien amenées à progresser de 4,7 milliards d’euros l’an prochain. Mais un plan d’économies, lancé sans attendre, prévoit de réduire cette pente naturelle de quelque 2,5 milliards d’euros !
Un paquet d’économies nouvelles
Au total et sans entrer dans les détails, les économies recherchées se répartiront ainsi ; 860 millions d’euros (40 %) sur les industriels du médicament et des dispositifs médicaux ainsi que sur certains actes de professionnels de santé (biologie et radiologie) ; 1,2 milliard d’euros (50 %) porteront sur le renforcement de l’efficience du système de soins ainsi que sur un financement du médico-social adapté à la réalité des ouvertures de places sur le terrain et correspondant aux dépenses effectives des établissements et services (« crédits de paiement ») ; enfin 330 millions d’euros (10 %) seront dégagés via des transferts de prise en charge de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires de santé.
Les assurés sociaux ne sont pas épargnés et les restes à charge vont une nouvelle fois augmenter en 2011 : moindre remboursement des médicaments à vignette bleue et dispositifs médicaux, augmentation du seuil de plafonnement du ticket modérateur sur les actes lourds, nouvelles modalités d’entrée en affection de longue durée (ALD) pour les patients hypertendus, création d’un forfait médicalisé de prise en charge des bandelettes d’autotests pour les personnes diabétiques ou encore restrictions de prise en charge des transports médicaux pour certains malades en ALD. L’ordonnance prescrite pour ce train d’économies, qui s’ajoute aux mesures des années antérieures (déremboursement, forfaits et autres franchises…), est assortie, pour ceux qui bénéficient d’une assurance complémentaire, d’un assujettissement partiel des contrats responsables à la taxe sur les conventions d’assurance (TCA). Une mesure qui coûtera 1,1 milliard d’euros aux complémentaires, qui ne manqueront pas de reporter (partiellement ou en totalité) la charge sur les cotisations de leurs assurés. Grâce à ce paquet de mesures nouvelles, le déficit de l’assurance-maladie pourra être limité à quelque 11 milliards en 2011 !
Transfert de la dette aux générations futures
Ce PLFSS du redressement dans la rigueur prévoit surtout « d’effacer » en quelque sorte du tableau de bord de nos parlementaires une dette sociale qui s’est alourdie au fil des années, d’un déficit à l’autre, et qui encombre sérieusement la barque des contraintes imposées par le traité Maastricht, qui, faut-il encore le rappeler, exige le maintien des déficits budgétaires des pays membres sous la barre des 3 % ! « La dette sociale accumulée au sein de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – l’ACOSS – devrait représenter, en 2011, environ 80 milliards d’euros, qu’il convient désormais de résorber », a souligné dans ce registre le ministre du Budget, François Baroin, lors des débats parlementaires sur le PLFSS pour 2011. Ainsi la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) qui a déjà à amortir plus de 130 milliards d’euros, est-elle invitée à « reprendre les 80 milliards d’euros environ de dette à venir d’ici à la fin de l’année 2011 ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse. » Dans la foulée, sa durée de vie sera reportée de 4 ans, de 2021 à 2025, ce qui permettra d’éviter de ponctionner l’économie de 8 milliards supplémentaires par an. Enjeu de ce jeu d’écriture : » Tout simplement la préservation de notre système de protection sociale », indique le ministre du Budget. » Nous prenons nos responsabilités non seulement pour la reprise des dettes du régime général de 2009, 2010 et 2011, mais nous nous engageons aussi à financer les déficits futurs pour la partie vieillesse jusqu’à son retour à l’équilibre », ajoute ce dernier.
Ce schéma permet ainsi d’écarter toute perspective de hausse des cotisations sociales, qui pourtant arriveront tôt ou tard. Car ce ne sont pas les recettes de poche avancées dans le PLFSS pour 2011 par une chasse aux niches fiscales et sociales qui permettront de redresser durablement les comptes sociaux.
Un millefeuille social payé à crédit
Au total, il est donc prévu de transférer à la CADES près de 130 milliards d’euros de dettes : soit 68 milliards correspondant aux déficits 2009 et 2010 de l’ensemble des branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse et au déficit prévisionnel 2011 des branches maladie et famille, auxquels seront ajouté, à hauteur de 62 milliards, les déficits prévisionnels « vieillesse » de la période 2011-2018. Telle est l’approche globale proposée par le gouvernement, résumée par François Baroin. Le tout grâce à la CADES, devenue selon le bon mot du député alsacien Yves Bur, une « machine à lessiver les déficits sociaux » !
« Ce qui est en jeu, ajoute le même député, c’est de savoir si ce pays est capable de penser à ses jeunes et de leur préparer un avenir qui ne se résume pas à une montagne de dettes pour financer notre millefeuille social unique en Europe et payé à crédit ». La suite des débats parlementaires dira ce qu’il est encore possible de faire pour poursuivre cette « cavalerie » du crédit revolving qui n’entretiendra pas éternellement « l’illusion de l’innocuité de la dette » !
Jean-Jacques Cristofari
NB : Alors que nos jeunes s’inquiètent à juste titre de leur avenir et de leur retraite, les fonctionnaires de l’Union européenne partent à 50 ans avec 9 000 euros par mois ! Ce après seulement 15 ans de carrière. On croit rêver !
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...