[singlepic id=475 w=320 h=240 float=left]Le 24 avril dernier la direction de Merck KGaA, à Darmstadt, en Allemagne, a annoncé sa décision de réorganiser sa filiale suisse Merck Serono. Son « programme global de transformation » prévoit de fermer son siège genevois et de réduire notablement les effectifs de la filiale en transférant certaines fonctions, en particulier de R&D, vers d’autres sites, dont Darmstadt, Boston et Pékin. 750 postes seraient ainsi transférés sur les 1 250 postes du site de Genève et 500 autres supprimés, afin de « créer une organisation plus simple et plus souple », comme l’indique la direction du groupe. Cette restructuration signe la fin de l’époque Bertarelli. Mais elle n’est pas du goût des salariés du canton de Vaud, qui se sont fait entendre le 1er mai dans les rues de Genève.
A l’annonce de la fermeture du siège historique de Serono, Ernesto Bertarelli (photo ci-dessous) fils du fondateur de la société, s’est dit, dans le journal Le Temps, « malheureux » et « attristé pour toutes les personnes concernées en Suisse, notamment à Genève, où s’est écrite une bonne partie de l’histoire de Serono ». Mais celui qui a vendu son entreprise en 2006 à l’allemand Merck KGaA, a entre temps navigué vers d’autres aventures industrielles, en créant notamment la société d’investissement industriel Ares Life Sciences, devenue en 2010 l’actionnaire majoritaire de Stallergènes laboratoire biopharmaceutique français, pionnier et leader des traitements d’immunothérapie sublinguale. [singlepic id=474 w=160 h=140 float=right]
Serono après Novartis
Mais à Genève, où se tourne une page de l’histoire de l’entreprise Serono, les salariés et les élus du canton de Vaud se mobilisent, à l’instar de ceux qui, il y a à peine quelques mois, se sont élevés dans le même canton contre une autre fermeture, celle d’un site de production de Novartis. Si le groupe bâlois est revenu sur sa décision, il n’est pas certain que la procédure de licenciement collectif qui devait s’ouvrir le 25 avril pour Serono produise les mêmes effets. « Imaginer une annulation de la décision parait tout à fait aléatoire », explique dans la presse suisse François Longchamp, Conseiller d’Etat à Genève, responsable du département de l’emploi, qui dirige par ailleurs la cellule de crise en charge de la fermeture du site. En attendant, les 1250 employés du siège genevois de Merck Serono ont été informés par la direction de la fermeture complète du site d’ici le 1er semestre 2013. Le coût de cette fermeture est estimé pour le canton et la ville de Genève à quelque 50 millions de francs suisses et les indemnisations des futurs chômeurs à environ 25 millions de FS.
La production maintenue
Si le siège de Merck Serono disparait de Genève, les unités de production du groupe seront maintenues en Suisse et où le groupe allemand continuera à fabriquer ses produits biotechnologiques à Aubonne et à Corsier-sur-Vevey, deux sites du canton de Vaud où 80 postes seront cependant supprimés. « Les opérations de production actuellement basées à Coinsins seront pour l’essentiel transférées à Aubonne, fait savoir la direction du froupe. Merck Serono prévoit de transférer plus de 130 postes de Genève vers les environs d’Aubonne, afin que les opérations techniques liées à la production soient plus proches des sites de production. Merck Serono a l’intention de maintenir à Zug ses opérations commerciales liées au marché suisse. » En parallèle à ces mouvements, une équipe spécifique de Merck Serono viendra en aide aux salariés et travaillera avec les parties prenantes du canton pour évaluer les projets possibles de spin-off et de start-up, indépendantes de Merck Serono, et qui pourraient présenter un potentiel sur le long terme. Dans ce cadre, le groupe s’est engagé à consacrer jusqu’à 30 millions d’euros pour l’aide au financement de nouvelles structures qui seraient créées par des salariés et qui seraient centrées sur des activités ou des molécules qui ne font pas partie des objectifs actuels ou futurs de Merck Serono.
Les salariés se rebiffent
[singlepic id=476 w=160 h=120 float=left]Reste que l’heure est, à Genève, à la mobilisation contre cette fermeture. « Le cas de Merck Serono est symptomatique de notre époque », explique dans la Tribune de Genève Philip Jennings (photo), secrétaire général du syndicat international des services UNI Global Union. « Au vu de la situation économique mondiale très instable, les sociétés accumulent des montagnes d’argent, mais n’en font rien. Or, il en va de leur responsabilité de remettre en marche l’économie. Qu’elles arrêtent la grève des investissements, et réinjectent les capitaux dans l’économie réelle ! », lance encore ce dernier. En attendant le résultat des premières négociations, le personnel de la société manifestait le 1er mai en gare de Cornavin, à Genève, en confessant se « rebiffer » (1) et en reprenant en choeur des slogans comme «bénéfice record, employés dehors» ! Pour l’heure, le groupe souhaite trouver, avec les salariés concernés par la fermeture, des « solutions socialement responsables ». Affaire à suivre.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Allusion au Rebif, médicament phare de Serono contre la sclérose en plaques (SEP), qui a vu son chiffre d’affaires doubler à près de 2 milliards de dollars ces cinq dernières années
NB : lire également « Merck Serono : tempête sur le lac Léman »
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...