La diffusion du Covid-19 dans les rangs de la population a mis l’accent sur la prise en charge des patients les plus atteints en milieu hospitalier. Il aura fallu attendre une enquête du syndicat des généralistes MG France et un avis du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) pour que l’on remette l’éclairage sur le travail accompli sur le terrain par les médecins traitants.
Le 11 mars 2020, l’ OMS (Organisation mondiale de la santé) annonce au monde entier la pandémie à COVID-19. Quelques jours plus tard, le 15, la France déclare être placée au stade 3 de l’épidémie. Le virus SARS-CoV-2 se manifeste activement sur l’ensemble de l’Hexagone avec des variantes territoriales. L’Est, où plus de 2000 Evangélistes se sont réunis à Mulhouse du 17 au 24 février sur le site de l’église La Porte ouverte chrétienne, dans le quartier de Bourtzwiller, inaugure le bal et y verra la pandémie exploser. Les cas les plus graves de COVID-19 vont être pris en charge en milieu hospitalier, la plupart des cas, sans ou de faible gravité, le seront en ambulatoire. Au 07 avril 2020, la France recense 78 167 cas confirmés de COVID-19 (contre 38 cas le 27 février 2020). Sur ce nombre, 7 131 personnes vont être hospitalisées en réanimation et 10 328 patients décèderont. Le 18 avril, le bilan s’élèvera à 111 821 (dont 23 757 en Ile-de-France et 11 304 dans le Grand-Est) avec 19 323 décès. Près de 36 000 personnes sortiront guéries de cet épisode. Le 23 mars, le gouvernement sort un décret qui limite les sorties des Français, en autorisant ces derniers à se rendre chez leur médecin traitant que pour les consultations et soins qui ne peuvent pas être assurés à distance ni être différés, ainsi que pour les soins des patients atteints d’une affection de longue durée. » Le Premier Ministre est bien le seul à penser qu’il faut réduire l’accès aux médecins généralistes « , déclare le 27 mars le syndicat des généralistes MG France, pour qui » la santé de la population repose, en période épidémique comme en dehors, sur les soins primaires et sur les médecins généralistes « . De fait les consultations son désertées, les patients hésitant à sortir de chez eux, inquiets à la pensée de récupérer le virus dans un cabinet médical ! Pourtant, les médecins consultent bel et bien des malades avec des tableaux très évocateurs d’une infection Covid-19. « Des patients que nous sommes les seuls à pouvoir comptabiliser« , note le syndicat, qui invite les praticiens à répondre à son enquête.
La grande oubliée
Le 6 avril, les résultats tombent : 2 048 médecins généralistes auront répondu à l’enquête, avec des réponses qui proviennent de tous les départements, sauf de Guyanne et Mayotte. Le syndicat avance ainsi qu’en quinze jours de confinement, les médecins ont soigné quelque 56 154 cas (diagnostic clinique), « avec dans les zones « cluster » une montée en charge tout au long de la période et au contraire une décroissance la deuxième semaine hors « clusters ». » Extrapolé au nombre total de médecins généralistes en activité en France, le syndicat estime le nombre total de cas autour 1,5 million en « ville ». Pour la 1ère fois des chiffres sont produits sur les cas estimés en ambulatoire. L’ensemble des médias reprendra la statistique qui, aux yeux des généralistes, montre une » implication réelle et forte dans la prise en charge sanitaire de cette crise malgré le peu de moyens que vous donnent les pouvoirs publics. « Car une fois encore, la médecine de ville aura été la grande oubliée dans la stratégie adoptée par le gouvernement pour répondre au défi de la pandémie. Pour autant les avertissements ont bien été lancés par les médecins du terrain, qui début avril ont notamment demandé « plus de sécurité et notamment des masques et autres équipements de protection » dans le cadre de leur exercice. Mais en la matière, les défaillances du gouvernement seront béantes et les retards criants. Au total, les conclusions de cette première enquête sont claires : « Le « déconfinement » ne doit surtout pas être lancé sans une politique claire de protection de chaque citoyen par le port du masque et la réalisation effective de tests sur de larges populations, fait valoir MG France. Sans quoi une deuxième vague épidémique serait inéluctable. »
Mais les consultations resteront vides, au grand dam des patients non affectés par le virus, qui reportent à des jours meilleurs – après le 11 mai ? – un examen médical sérieux de leur état de santé. « En attendant, la DGS nous suggère d’appeler nos malades pour savoir ce qu’ils deviennent« , note Jacques Battistoni, président de MG France, « et il est bien temps de se préoccuper des patients fragiles, âgés, isolés ou précaires. » Si le syndicat persévère à demander des moyens de protection, il se positionne également sur la question d’une compensation de la baisse d’activité qui commence à peser sur l’équilibre économique des cabinets. La question est tout aussi lourde de sens dans les rangs des autres professions de santé priées de baisser le rideau (kiné et dentistes notamment). Car la téléconsultation ne permettra que de compenser à la marge la chute des actes.
Un avis tardif
Le 18 avril, la France recense 2 569 nouveaux cas de Covid-19, contre près de 8000 en mars au plus haut de la crise. La décrue semble s’amorcer. Le 8 avril, le HCSP émet un Avis relatif à la prise en charge à domicile ou en structure de soins – cabinet médical, maison médicale ou centre de santé – des cas de COVID-19 suspectés ou confirmés. Si le Collège de la Médecine Générale se félicite de la parution de la recommandation, en rappelant que » la plupart des cas, sans gravité, peuvent être pris en charge en ambulatoire« , il déplore cependant « la sortie tardive de cet avis, et souhaite que la Médecine Générale soit impliquée dès maintenant dans les recommandations sur la sortie de confinement. » Si les 8 recommandations émises par le Haut Conseil à l’attention des acteurs des soins primaires sont explicites, leur application souffre encore de manques, parmi lesquels l’absence d’examen biologique complémentaire et systématique dans le cadre du COVID-19. La question de la validité des tests disponibles obère sans doute le recours aux examens biologiques. Enfin sur la question des traitements disponibles, en particulier un recours à l’hydroxychloroquine combiné à l’azithromycine, le HCSP conclut (1° sans état d’âme : » L’analyse des données issues de ces essais n’apporte pas d’informations susceptibles de modifier les recommandations concernant les cas non hospitalisés, émises dans l’avis du HSCP du 23 mars. Fermez le ban !
Jean-Jacques Cristofari
(1) Les conclusions du HCSP rejoignent celle de la Revue Prescrire qui le 16 avril conclut son article ainsi : « Au 15 avril 2020, on ne connaît pas encore de traitement qui réduit le risque d’évolution vers un covid-19 grave. Exposer les patients à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine augmente le risque d’effets indésirables cardiaques graves. »
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...