Les généralistes de MG France veulent recentrer la santé sur le premier recours

Les généralistes de MG France veulent recentrer la santé sur le premier recours
février 20 01:16 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=401 w=320 h=240 float=left]Les membres et dirigeants du premier et unique syndicat de médecins généralistes français, MG France, ont réuni les représentants des partis qui soutiennent chacun leur champion en vue des présidentielles. Ils ont présenté à ces derniers leurs attentes et revendications en vue d’une rénovation à venir du système de santé. Ils attendent surtout du futur chef de l’Etat qu’il consolide le secteur des soins de santé primaires, entendu la médecine du premier recours, et défendent un système qu’ils souhaitent davantage « ambulatoire centré ».

Après les associations de patients, les hôpitaux, les industries de santé, c’est au tour des médecins généralistes traitants de formuler en direction des nombreux prétendants à l’Elysée ce qu’ils attendent d’eux pour la santé de demain et quelle vision du système de santé ils espèrent voir se mettre en place dans le proche avenir. A cet effet, le syndicat des généralistes MG France a réuni le 16 février dernier quelques experts de la santé – dont l’économiste Gérard de Pouvourville, de l’ESSEC, Yan Bourgueil, directeur de l’IRDES, ou encore Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à l’IEP Paris -, divers professionnels de la santé – dont Annick Touba, présidente du SNIIL, Gilles Bonnefond, président de l’USPO et Philippe Denoyelle, président de l’UJCF -, la journée s’étant achevée par une série d »échanges avec les représentants de quelques partis politiques (1)

[singlepic id=402 w=180 h=140 float=right] »Qui est le grand coordinateur du système de santé ? » a interrogé Gérard de Pouvourville (photo) considérant que dans ce même système il y a bien multiplicité des candidats au rôle, l’hôpital public, et en particulier les CHU, n’étant pas les derniers en la matière. Sans doute qu’au plan global, le rôle incombe bien, en dernière instance à l’Etat et à ses nouveaux satellites (les Agences régionales de santé, nées de la loi HPST en 2009), mais ce chef d’orchestre se retrouve aussi sur le terrain face à une démultiplication d’acteurs, chacun se pensant comme le meilleur, sinon le plus efficace, pour piloter le système. Entre le modèle américain des HMO (Health Maintenance Organisations), où les payeurs se sont imposés comme des acteurs de la coordination, et le modèle anglais avec ses services de premiers recours qui ouvrent la porte au système de santé, en sont les « gatekeepers », la France suit une voie originale avec ses médecins traitants et ses maisons de santé pluriprofessionnelles (MSPP). « Mais les autres acteurs manifestent à cet égard de la résistance et de la concurrence », estime l’économiste de l’ESSEC. A ses yeux, le « modèle » français à venir devra répondre à trois questions : il lui faudra garantir le libre choix du médecin par son patient, maintenir le statut indépendant des professionnels de santé et enfin réguler au plan macro économique les revenus, selon un mode qui reste à définir.

« Un grand Ségur de la santé »

[singlepic id=403 w=160 h=120 float=left]Pour l’enseignant de l’IEP, Didier Tabuteau (photo), co-auteur d’un récent manifeste (2) aux accents préélectoraux, « c’est dans les deux ans à venir que les choses vont se jouer ! ». « Le moment est grave, martèle l’enseignant de Sciences Po, invitant à s’interroger sur la manière de « réorganiser notre système de santé, ensemble, collectivement ». Il invite à cet égard toutes les parties prenantes de la santé à « s’enfermer dans une salle, quelques mois durant, jusqu’à ce qu’elles s’accordent sur un système de santé ». Il y aurait même urgence à cet égard ! Car l’enjeu, que décrit son « manifeste » est à la fois d’améliorer l’état de santé de la population et de réduire concomitamment les inégalités sociales de santé. A cet effet, il suggère également de se reposer la question du financement rationnel du système de santé, rappelant que l’assurance maladie obligatoire, financée proportionnellement aux revenus et sur tous les revenus (du travail comme du capital) ne rembourse que 55 % des soins courants de nos concitoyens., tandis que les assureurs complémentaires n’assurent qu’autour de 10 % des remboursements avec des familles qui ont décroché de ce régime faute de ressources. « Pourquoi ne pas dès lors assurer un remboursement global à 80 % des dépenses, en supprimant les franchises », propose Didier Tabuteau, qui demande à ce que l’assurance obligatoire « redevienne l’élément de régulation fondamental du système de santé ». « Il faut réinvestir dans la reconstruction de l’assurance maladie et de ses actes, le signe étant : le tarif libre ne doit pas se développer ». Sur le chapitre de la régionalisation de la santé, engagée par les ARS sous couvert d’une « déconcentration » des décisions nationales, il suggère encore d’établir des volets régionaux à la convention nationale qui lie caisses maladie et médecins, volets qui seraient négociés par les ARS et qui s’adapteraient aux besoins du terrain. Pour mener ces nouvelles réformes, l’enseignant avance l’idée d’un « vrai grand Ségur de la santé » à travers lequel les professionnels de santé se verraient reconnaitre un « mandat de santé publique ».

Organiser le parcours de santé des patients

« Tout le monde est d’accord en France et ailleurs, pour dire qu’un système de santé doit d’abord s’appuyer sur un système de distribution de soins de premier recours », explique de son côté Claude Leicher, président de MG France. Reste que pour consolider cette approche, les politiques qu’il interroge lui répondent « manquer de marge de manoeuvre », voire que ces mêmes marges diminuent au fil du temps. « Nous, les soignants de premier recours, sommes dans l’effort en permanence, poursuit le généraliste. Nous sommes dans une désorganisation et une anarchie permanentes pour organiser le parcours de santé de nos patients : hospitaliser quelqu’un, le sortir de l’hôpital,  avoir une mammographie à tarif opposable, prescrire des consultations chez nos confrères avec des tarifs remboursables. Ces efforts, pour nous médecins généralistes, et pour les autres professionnels de santé, entraînent une réelle désespérance professionnelle ». Autant de raisons qui ajoutées à d’autres ont conduit le syndicat à prôner une ligne syndicale axée depuis sa création sur le renforcement du rôle du médecin généraliste dans le système de santé français (3).

[singlepic id=405 w=320 h=240 float=right] »Très clairement, il y a eu un choix du président de la République sur la médecine de proximité, et dans la loi HPST, la définition de la médecine de premier recours : ce sont les grands traits que j’estime positifs, qui sont l’aboutissement pour toute une génération d’un combat qui a commencé avec la création de MG France », note Claude Leicher (photo) à l’actif du bilan du quinquennat actuel. « L’erreur stratégique porte sur la fonction médecin traitant, regrette cependant ce dernier. Quand vous créez une fonction médecin traitant, et que vous ne mettez pas de moyens et de rémunération, c’est très difficile à assumer. Le nombre de documents reçus pour faire la synthèse est devenu considérable, les médecins correspondants se sont mis à nous envoyer des lettres… Il faut conforter la médecine générale de premier recours dans sa fonction de médecin traitant. » La dernière convention signée entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins a permis de faire avancer quelques dossiers, reconnait-il cependant. « Il y a maintenant un fléchage de l’activité conventionnelle vers l’accès aux soins, mais également vers la prise en compte en champ conventionnel des inégalités de santé. Ceci est une petite révolution », note le président de MG France, qui se tient prêt à négocier de nouvelles ouvertures pour la médecine générale, pour peu que l’on accepte de dégager de nouveaux moyens. « La crise financière est majeure, nous ne nous y attendions pas. Ces questions sont politiques… » conclut le syndicaliste. La campagne est bien ouverte.

Jean-Jacques Cristofari

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[singlepic id=406 w=160 h=120 float=left](1) soit de g à d. : Philippe Juvin pour l’UMP, Geneviève Darrieussecq pour le MODEM, Marisol Touraine pour le PS et Jean-Luc Vevet pour EELV

(2) Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire, Editions Odile Jacob

(3) Pour lire la plateforme de MG France, présentée aux partis politiques, cliquer ici