Très chère Sécurité sociale

Très chère Sécurité sociale
mars 30 13:03 2017 Imprimer l'article

Les comptes de la Sécu sont en voie de redressement durable. C’est ce qu’a annoncé la ministre sortante de la Santé et son homologue au budget. Chaque branche voit sa situation s’améliorer, sauf celle de la santé où des échéances tarifaires se présenteront à elle en mai. Les cinq leaders des sondages, prétendants à la présidence de la République, ont déjà livré leurs propositions sur la santé. Certaines pourraient faire la balance dans le choix final des Français.

Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, et Christian Eckert, son collègue au Budget ont annoncé, à la veille du printemps, une « amélioration significative » de la situation financière de la Sécurité sociale : autrement dit, les comptes définitifs pour 2016 sont nettement meilleurs que les soldes qui avaient été prévus fin 2015. La loi de financement pour 2016, votée en 2015, avait prévu un déficit de 9,7 milliards d’euros. Ce dernier s’élève finalement à – 7,1 milliards. Soit un « bonus » de 2,6 milliards d’euros dont n’ont pas manqué de se féliciter les ministres. Nous sommes désormais très loin de l’époque où le solde du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) culminait à 20,9 milliards d’euros. C’était hier, en 2011, et le président sortant, comme sa ministre de la Santé, peuvent se féliciter de ce prompt rétablissement des comptes, alors même que le chômage ne connait pas vraiment de décrue et maintient dans le non-emploi quelque 3,5 millions de personnes.

Les Français en décalage

Pour la première fois depuis 15 ans, nous expliquent les ministres précités, le déficit du régime général passe sous la barre des 5 milliards d’euros (-4,1 milliards d’euros). Chaque branche voit ainsi sa situation s’améliorer : la branche retraite est excédentaire, pour la première fois depuis 2004 ; le déficit de la branche maladie diminue pour la troisième année consécutive ; celui de la branche famille a été réduit d’un tiers par rapport à 2015 ; enfin, la branche accidents du travail enregistre un excédent pour la quatrième année consécutive. « En ce qui concerne les dépenses de santé, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est une nouvelle fois respecté, grâce aux efforts de l’ensemble des acteurs : il s’agit du plus faible taux d’évolution des dépenses de santé depuis 1997″, commente Marisol Touraine, qui se félicite également du recul des restes à charge des patients (9,3 % en 2011, 8,4 % en 2015, soit moins d’un point !).

Reste que cette euphorie n’est pas pleinement partagée par les Français. Car 73 % d’entre eux sont inquiets quant à l’avenir de la Sécurité sociale et 68 % craignent que leurs soins soient moins bien remboursés à l’avenir. C’est ce qui ressort d’un sondage mené sur « les attentes des Français en matière de santé » par  Harris interactive pour la Mutualité Française et présenté en ouverture de la rencontre « Place de la Santé », le 21 février dernier (voir ci-dessous), au Palais Brogniart à Paris, pour laquelle 5 candidats à la présidentielle ont été invités à présenter leur programme pour la santé et la protection sociale de demain. Dans un système de santé que 46 % des Français considèrent s’être dégradé ces dernières années, ces derniers ont globalement le sentiment que leur reste à charge ont augmenté depuis 5 ans, quel que soit le type de soins : 52% pensent qu’il s’est accru pour les consultations chez les médecins spécialistes, 51% pour les lunettes et les prothèses auditives, et 50% pour les soins dentaires. Nous sommes donc loin , très loin des propos euphoriques de la ministre.

Santé : des propositions assez floues

Les inquiétudes des Français ont-elles été comprises par les candidats à la Présidence de la République ? Pour François Fillon, qui a fait marche arrière sur ses propositions de cet hiver, l’articulation entre assurance obligatoire (AMO) et assureurs ciomplémentaires (AMC) constitue bien « un sujet central ». Il a, dans ce cadre, évoqué un objectif du « zéro reste à charge » d’ici 2022, pour l’optique, le dentaire et l’audioprothèse, assis sur  « un nouveau partenariat entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires ». Une prise en charge à 100% pour les lunettes des enfants dès 2017 a été avancée par le candidat LR le 21 février. Toutes choses qui sont électoralement payante, mais qui coûteront cher aux Français, en particulier en cotisations complémentaires nouvlles. Car la note est en la matière estimée à plus de 5 milliards d’euros. Il a également précisé le rôle de la future « agence de garantie de la couverture solidaire des dépenses de santé », qui associera l’État, les caisses de sécurité sociale, les organismes complémentaires et les professions de santé. Celle-ci permettra de préparer des accords sur le partage des remboursements entre l’assurance maladie et les complémentaires. Le tout assorti d’une remise à plat des différentes taxes touchant les complémentaires santé. On sent ici que les propositions Fillon 2016, sorties par la grande porte face à la levée de boucliers, reviennent par la fenêtre.
Du côté d’Emmanuel Macron, d’ « En marche ! » qui revendique la paternité de la prise en charge à 100 % des prothèses auditives, optiques et dentaires. Mais la vraie révolution sanitaire doit passer par la prévention, dont on sait qu’elle n’agit aucunement sur le court terme. Pour ce dernier, investir dans la prévention aujourd’hui, c’est diminuer les dépenses de demain. Encore faudra-t-il à cet effet « changer les modes de rémunération des professionnels de santé » en diversifiant leurs revenus, et combler les trous dans les déserts médicaux. Un doublement des maisons de santé pluriprofessionnelles, tel qu’il le suggère, suffira-t-il à reconquérir les 30 % du territoire abandonnés par les médecins ? Rien n’est moins sûr !

Faudra-t-il de plus mettre en place un conventionnement sélectif à l’installation pour obliger les jeunes médecins à aller dans les déserts médicaux ? « Tout le monde est d’accord pour lutter contre les déserts médicaux », mais « la solution miracle » reste à trouver, a rappelé Benoit Hamon, candidat du PS, plutôt favorable à une restriction à l’installation dans les zones sur-dotées en médecins. Egalement adepte de la prévention, ce dernier a défendu une « culture du sport santé » qui passera par un remboursement par la sécurité sociale d’une activité physique aménagée ou adaptée pour tout malade chronique, après prescription d’un médecin.

Au-delà des diverses propositions de réforme de la santé avancées par les candidats, que l’on peut réécouter dans leur intégralité sur le site Internet de « Place de la Santé » (2), la question du financement des dépenses a également été évoquée. François Fillon, en présentant un plan santé « rebâti, enrichi, amélioré », a également indiqué vouloir « ramener l’assurance-maladie à l’équilibre d’ici à 2022, en faisant 20 milliards d’économies en cinq ans ». A cet effet, le futur objectif national d’évolution des dépenses maladie (ONDAM) devra être contenu à moins de 2 %, alors même que l’évolution « naturelle » des dépenses est de 4,5 %. Un objectif qui ne devrait pas, selon le candidat LR passer par une baisse du niveau de la prise en charge par l’assurance-maladie et qu’il souhaite faire accepter lors d’Assises de la santé qui seraient organisées fin 2017 ou début 2018. Emmanuel Macron, qui propose d’arrêter un ONDAM à 2,3 % pour 2018-2022, prône de son côté pour financer l’assurance-maladie, une suppression de 3,1 points de charges sociales salariales pour un transfert vers 1,7 points de CSG taux normal. Parallèlement à ce transfert, il propose de clarifier la mise en concurrence entre AMO et AMC, qui devrait permettre d’améliorer la couverture sanitaire des Français.

Enfin, M. Fillon a réaffirmé sa volonté de supprimer la généralisation du tiers-payant mise en place par le gouvernement socialiste qui « a mené une étatisation rampante de la médecine libérale et stigmatisé l’hospitalisation privée ». M. Macron est sur cette question demeuré au milieu du gué en évoquant un tiers payant « généralisable » plutôt que généralisé. « La gauche a fait semblant de mettre en place le tiers payant. La droite fera semblant de le supprimer », ironise à ce sujet chez MG France le Dr Gilles Urbejtel. Car il sera sans doute compliqué, tant les Français lui sont favorables (77 % selon le sondage précité), de faire marche arrière sur le sujet.

Pour l’heure, l’Assurance-maladie a d’autres priorités, plus immédiates : elle devra débourser cette année 400 millions d’euros supplémentaires pour les médecins généralistes, suite à la revalorisation, accordée en 2016, de 23 à 25 euros du tarif de leur consultation de base au 1er mai, et 735 autres millions d’euros pour les augmentations de salaires des fonctionnaires hospitaliers. Sans compter les pharmaciens qui frappent à la porte et réclament des honoraires pour faire face à la baisse de leurs marges. Pendant ce temps, Outre-Rhin, l’Assurance-maladie obligatoire (publique) affiche un excédent de près de 2 milliards pour l’année écoulée et les caisses maladie disposent de quelque 16 milliards d’euros de réserves financières. De quoi faire rêver plus d’un candidat aux élections de ce côté ci du Rhin.

Jean-Jacques Cristofari

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Quelles sont les attentes des Français en matière de santé ?

Si plus de huit Français sur dix (81%) se déclarent satisfaits de la qualité de notre système de santé, près d’un Français sur deux déclare avoir déjà renoncé à se faire soigner. 82% des personnes interrogées souhaitent retrouver un équilibre des comptes de la Sécurité sociale. C’est le constat que dresse l’étude « Les Français et la santé » réalisée en février 2017 par Opinion Way pour le cabinet Deloitte. Parmi les premières causes de renoncement figure le coût excessif des soins (48% des cas de renoncement), les délais trop importants pour l’obtention d’un rendez-vous auprès d’un praticien (45% des renoncements), ainsi que l’éloignement géographique (cité à hauteur de 25% et jusqu’à 35% pour les personnes vivant en milieu rural).

A ce titre, 88% des répondants estiment que la lutte contre les déserts médicaux devrait figurer parmi les priorités des candidats à l’élection présidentielle en matière de santé. Parmi les propositions d’amélioration, les Français soutiennent à 88% l’idée de contraindre l’installation des médecins. Par ailleurs, 71% des sondés se déclarent favorables à l’ouverture du numerus clausus.

Autre sujet de préoccupation : le vieillissement et la prise en charge de la dépendance. Ainsi, près de neuf Français sur dix estiment (89 %) qu’il est « primordial » ou « important » d’améliorer l’accompagnement des personnes dépendantes.

Un autre volet de cette étude concerne les attentes des Français vis-à-vis de leur complémentaire. Ainsi, 92% des Français souhaitent un renforcement des remboursements et 84% attendent aussi leur complémentaire sur la prévention et notamment l’accompagnement au bien-vivre et au bien-vieillir.

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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