Médicament : l’inquiétude monte dans le réseau officinal

Médicament : l’inquiétude monte dans le réseau officinal
décembre 05 00:17 2013 Imprimer l'article

[singlepic id=850 w=320 h=240 float=left]La récession s’amplifie sur le marché de ville du médicament. Le bilan dressé par IMS lors des récentes rencontres annuelles de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) n’est pas pour rassurer les officinaux, qui enregistrent depuis en 2010 une baisse significative de leur marge.

Sale temps pour les officines. Alors que le Parlement vient de boucler le projet de loi de financement de la Sécu avec de nouvelles dispositions pénalisantes à l’encontre des pharmaciens et du médicament (1), le tableau de bord de leur activité s’assombrit jour après jour. En valeur, précise IMS, le marché « ville » du médicament régresse pour la 2ème année consécutive, pour s’établir à quelque 20 milliards d’euros (en prix fabricant hors taxe ou PFHT). En volume, les ventes stagnent également, pour la 3ème année consécutive. Autant dire que les officinaux ont mangé leur pain blanc, malgré les transferts de ventes enregistrés de l’hôpital vers la ville, en hausse de + 6,2 %. Le salut sera donc passé par l’accord de 2012 entre l’assurance-maladie et les syndicats professionnels, qui a permis de développer fortement la délivrance de génériques, dont les ventes atteignent environ 250 millions d’euros en prix fabricant hors taxe (PFHT). Les ventes de produits dit d’automédication ont également donné une bouffée d’oxygène aux pharmaciens : fin septembre et sur 12 mois, le marché des produit sans AMM (autorisation de mise sur le marché) s’est élevé à 5,8 milliards d’euros (+4,4 % sur un an). Sur ce segment, les produits « non remboursables » sont également en croissance de + 3,5 %, à 3,2 milliards sur un an à fin septembre 2013. Reste par ailleurs que les spécialités de médication officinale « en vente libre » – donc non remboursées – sont en net ralentissement depuis 2011. Le chiffre d’affaires des produits disposant d’une AMM vendus dans ce dernier registre s’élève à 2,74 milliards d’euros sur 12 mois à la fin septembre, contre 2,57 milliards deux ans plus tôt sur la même période. Le salut devra donc passer par les médicaments de spécialités et les génériques remboursés par l’assurance-maladie. Mais, à cet égard la voie, balisée depuis ce mois de décembre par un PLFSS qui prévoit quelque 900 millions de baisses de prix sur les médicaments (princeps et génériques) pour l’an prochain, est de plus en plus étroite.

[singlepic id=854 w=280 h=200 float=left]La stagnation s’installe

Car le marché conventionnel du remboursable, qui assure 65 % du chiffre d’affaires des officinaux, est pour l’heure en stagnation : estimé à 26,2 milliards d’euros en prix publics, sur l’année en cours (sur un CA officinal total de 34,8 milliards) , il enregistre une baisse sans pareil dans le passé, de – 2 %, qui pourrait même perdurer au vu des récentes mesures prises contre le médicament. La marge des officinaux est également en chute libre depuis 2010, où elle se situe à 5,52 milliards d’euros pour descendre à 5,39 milliards en 2012. Pour l’année en cours, elle devrait se situer autour de 5,36 milliards, dont 71 % sont issu des spécialités d’origine (les princeps) et 29 % des génériques.

Au total, alors que les baisses de prix et de marges, associées à la maîtrise des volumes qui découle de celle des prescriptions, plombent le développement du monde officinal, ce dernier espère une bouée d’oxygène du futur honoraire de dispensation prévu par la convention signée entre syndicats d’officine et l’assurance-maladie. De même, les officinaux espèrent assoir des relais de croissance du côté des nouveaux services à offrir aux patients. Ce qui, aux yeux des analystes d’IMS, suppose une transformation de l’officine, une intégration de celle-ci dans la chaîne du médicament et dans le parcours de soins qui se mettra en place avec la Stratégie nationale de Santé du gouvernement pour mieux gérer les malades chroniques. En un mot, elle suppose un repositionnement de la pharmacie de ville ou de village auprès du public et un financement adapté des services offerts, ainsi qu’une nouvelle rémunération des officinaux (pour le suivi de certaines pathologies, pour faire de l’éducation thérapeutique des patients, pour accompagner ces derniers dans l’observance et le bon usage du médicament, etc.).

Deux voies pour le changement[singlepic id=853 w=280 h=160 float=right]

« Nous voulons réussir le changement, explique en novembre dernier Gilles Bonnefond, président de l’USPO qui observe dans ses rangs des fermetures quotidiennes d’officines. Nous savons que toute la profession est volontaire, et nous savons aussi que les jeunes diplômés souhaitent ce changement. » A ses yeux, le changement doit emprunter deux voies : celle du métier et celle de la rémunération. La première est déjà tracée depuis la loi Hôpitaux, Patients, Santé, Territoires (HPST) adoptée en 2009 et qui balise l’activité des pharmacies de nouvelles missions. « Nous sommes déjà sur l’asthme, mais il faut aller plus loin : en direction des personnes âgées, des diabétiques, des malades BPCO, des personnes à risques cardio-vasculaires, poursuit le président. Je vois un partenariat entre les associations de patients et les pharmaciens pour la mise en place de programmes d’éducation thérapeutique. » « Proximité, disponibilité, compétences, égalité d’accès aux soins sont des piliers pour appuyer un système de santé sur le territoire. Certains imaginent qu’on pourrait passer à côté de ces piliers. Il faut encore qu’on réaffirme que le pharmacien est là, qu’il peut et doit participer à cette organisation. Mais ce n’est pas encore complètement compris. » La désertification médicale, en quartier sensible ou en campagne, pourrait également être une chance pour les officines, pour peu qu’elle se positionnent efficacement sur les territoires désertés. La seconde voie, relative à la rémunération des officines est également à creuser : « Nous sommes favorables à une rémunération qui se détache de plus en plus des prix et des volumes », explique Gilles Bonnefond, en nuançant son propos : « . Il faut être très prudent pour ces mutations, pour continuer à construire et faire adhérer au changement l’ensemble de la profession. » A défaut, les jeunes pharmaciens pourraient ne pas comprendre vers où les syndicats veulent les conduire. Dans cet esprit, il refuse d’augmenter augmenter de façon significative la marge des médicaments pas chers (paracétamol ou  l’homéopathie) pour obtenir en échange une baisse de prix des autres médicaments plus chers, comme le suggère certains. Un marché de dupe à ses yeux, sinon un piège fatal. Pour l’USPO, il préfère une autre stratégie : mettre la priorité sur les génériques, les économies sur le générique, où il reste du chemin à faire. Il préconise aussi un accord tripartite avec les médecins et dépasser les querelles sur le « non substituable ». Aux médecins de prescrire dans le répertoire et aux pharmaciens de substituer dans des conditions plus stabilisées. Plus facile à dire qu’à faire !

[singlepic id=852 w=260 h=200 float=left]Pour l’heure, les syndicats d’officine ont à négocier un honoraire de dispensation qui peine à émerger. « L’idée de l’honoraire à la boite comme honoraire de dispensation, cela n’a aucun sens, plaide Gilles Bonnefond. On ne va pas construire l’avenir de la profession sur un tel artifice. Certains souhaitent même que cet honoraire aille jusqu’à 1 euro (2). Ce n’est pas la vocation des pharmaciens de transformer les honoraires à la boite en honoraires de dispensation. » La préférence du leader syndical va à un honoraire à l’ordonnance :  » Dans 28 % des ordonnances délivrées par le pharmacien, celui-ci est rémunéré moins de 2,50 euros. Est-ce raisonnable ? », interroge-t-il. Quelle que soit le chemin emprunté, le modèle économique de l’officine ne peut plus perdurer sur les seules rémunérations au pourcentage des prix des produits vendus. Surtout sur un marché en récession. La chose est entendue par tous. Sauf que la réponse tarde à venir du côté de l’assurance-maladie qui détient les clés du problème.

Jean-Jacques Cristofari

(1) Le PLFSS pour 2014, qui a été adopté par l’Assemblée nationale le 3 octobre prévoit 970 millions d’euros d’économies sur le médicament décomposés comme suit, selon les précisions données par le président du CEPS, Dominique Giorgi, (photo) lors des rencontres de l’USPO :[singlepic id=855 w=280 h=200 float=right]
– 90 millions d’économies sur le médicament à l’hôpital. 870 pour la ville, soit une centaine de millions de plus qu’en à 2012.
Sur ce dernier registre :
– Mesures de convergence des prix des statines : rendement attendu de l’ordre de 130 millions en année pleine.
– Baisse prix médicament ayant perdus leur brevet =24 M€
– Une tranche de baisse généricables / génériquées + baisse des princeps au moment de l’arrivée des génériques (= NC)
– Baisses des prix des génériques  sens strict du terme + baisse de « vieux » TFR (aux prix fixés entre 204 et 2010) = 165 M€
– Politique de convergence dans le répertoire (concerne à la fois des princeps et des génériques) : 200 M€
– Convergence des prix des princeps à 5 ans (= NC) « Mais nous n’allons pas jusqu’au bout de la convergence, nous allons laisser une marge de 35 % entre les prix publics des princeps et ceux des génériques », a précisé le patron du CEPS.
– Enfin, 260 M€ de baisse des médicaments sous brevet

(2) la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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