Le scandale du Médiator a dévoilé l’efficacité relative de l’Afssaps en matière de pharmacovigilance, de conflit d’intérêt et a révélé son manque de réactivité. Ces manquements semblent se retrouver une fois encore dans la gestion d’un médicament générique substitué à un princeps.
Lors du colloque Adelf-Afcro’s du 26 et 27 mai 2011, une communication du Pr Jacques Rottembourg, néphrologue à l’hôpital de la Pitié Salpétrière à Paris, met, une nouvelle fois, en lumière l’inertie des autorités de santé et l’absurdité de décisions basées sur des considérations économiques en matière de soins. Elle questionne aussi notablement sur le dogme qui affirme que l’utilisation d’un générique est équivalente à celle du princeps au motif qu’ils sont bioéquivalents. Les médicaments antiépileptiques ont déjà donné lieu à un débat international, assez vite éteint en France par l’Afssaps, de façon assez peu compréhensible. Les faits scientifiques suivants illustrent comment le système de substitution d’un médicament princeps par un générique peut devenir une aberration dangereuse dans un centre d’hémodialyse (rein artificiel).
Changement de fer : en théorie une belle affaire…
…en pratique, une très mauvaise affaire
L’équipe du service de dialyse a évalué l’impact financier de la substitution du fer qui avait été décidée pour faire des économies. Le résultat obtenu aboutit au contraire de celui recherché. Le coût de l’utilisation cumulative du fer est augmenté 6 % et celui de l’EPO de 12,5 %. Au total, le coût de la substitution augmente les coûts de traitement de l’anémie de 12 %. Pour chaque patient le coût de la substitution est de 368 euros par an. Par ailleurs, le temps d’hospitalisation des malades avec le fer substitué a été doublé par rapport au fer habituellement utilisé. L’étude économique n’a pas été réalisée sur ce critère.
Silence radio de l’Afssaps !
Les génériques, drôle d’affaires
Ce problème posé par la différence d’efficacité entre deux produits théoriquement identiques sur le papier, mais différents en pratique clinique, en soulève un autre relatif à l’utilisation des génériques en général, c’est-à-dire un énorme problème économique que beaucoup n’aimeraient pas voir émerger. Ce n’est pas la première fois que la question se trouve posée : les antiépileptiques ont été l’objet d’une première alerte et bientôt, explique le Pr Rottembourg, un médicament générique anti-rejet pourrait étayer le dossier.
N’oublions pas que la directive européenne 65/65/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques a été rédigé avec comme « objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique; considérant toutefois que ce but doit être atteint par des moyens qui ne puissent pas freiner le développement de l’industrie pharmaceutique et les échanges de produits pharmaceutiques au sein de la Communauté. » Santé publique et système économique peuvent à l’évidence présenter des incompatibilités.
Emile Courtin
1) Rottembourg J et coll. Do two intravenous iron sucrose preparations have the same efficacy ? Nephrol Dial Transplant (2011) 0: 1–6
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Le fer Mylan est il un générique ?
D’après la base de données des médicaments, il ne fait pas partie des génériques. C’est un médicament soumis à prescription hospitalière, selon le JORF n° 0017 du 21 janvier 2010, page 1333 texte n° 111. Il s’agit d’un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique que le médicament original. Pour obtenir l’AMM, les études de bioéquivalence ne sont pas obligatoires, comme le précise la directive européenne (directive 87/21/CEE)
Le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ni les résultats des essais cliniques s’il peut démontrer :
a) soit que la spécialité pharmaceutique est essentiellement similaire à un produit autorisé dans le pays concerné par la demande et que la personne responsable de la mise sur le marché de la spécialité originale a consenti qu’il soit fait recours en vue de l’examen de la présente demande, à la documentation pharmacologique, toxicologique ou clinique figurant au dossier de la spécialité originale.
b) soit, par référence détaillée à la littérature scientifique publiée, présentée conformément à l’article 1er paragraphe 2 de la directive 75/318/CEE, que le ou les composants de la spécialité pharmaceutique sont d’un usage médical bien établi et présentent une efficacité reconnue ainsi qu’un niveau acceptable de sécurité
c) soit que la spécialité pharmaceutique est essentiellement similaire à un produit autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la Communauté européenne et commercialisé dans l’État Membre concerné par la demande.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...
Très bon papier… Merci de cette analyse qui vient à contre-courant du discours ambiant et nous rappelle qu’il ne faut jamais faire de conclusions trop hâtives ni vouloir remettre en question des jugements antérieurs
Bravo. Ce genre de discours est à applaudir. Je connaissais le problème des génériques d’anti-épileptiques, et pas d’autre chose sur la question. J’ai juste entendu parler vaguement de génériques en réalité plus couteux que les médicaments d’origine.
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