[singlepic id=558 w=320 h=240 float=left]Le marché mondial du médicament est estimé à près de 1 000 milliards de dollars en 2012. Il dépassera ce chiffre en 2013 et avoisinera les 1 200 milliards de dollars en 2016, selon les prévisions faites par la société d’analyse IMS Health. Son institut for Healthcare Informatics vient d’identifier l’opportunité pour les systèmes de santé d’économiser quelque 500 milliards de dollars sur leurs dépenses annuelles de santé, en recommandant un « usage responsable des médicaments ». L’analyse porte sur 186 pays et passe au crible une combinaison de facteurs susceptibles de faire diminuer la note de la pharma mondiale. Elle ne devrait pas manquer d’intéresser au plus haut point les autorités de santé et les financeurs des dépenses maladie. Explication.
Est-il possible de diminuer la facture qu’honorent les systèmes de santé en matière de médicament ? La question est sur les lèvres de bien des décideurs et financeurs des systèmes d’assurance-maladie de nos pays développés qui ont vu les dépenses en médicaments s’envoler année après année. En 2005, les ventes mondiales de produits pharmaceutiques s’élevaient, selon IMS à 605 milliards de dollars. En 2010, elles se situent à 856 milliards. En 2016, la note sera de 1 200 milliards de dollars. Soit un doublement en 10 ans (1). Dans ce total, la part cumulée du continent Nord-Américain, de l’Europe et du Japon est de 81 % en 2005. Elle ne sera plus que de 60 % en 2016, au profit des pays émergents qui verront leur part de marché grimper de 12 à 28 %. Enfin, dans les pays développés précités, le poste médicament représente aujourd’hui, selon IMS, de 9 % (Royaume-Uni) à 16 % (Japon) des dépenses totales de santé, la France occupant une position intermédiaire avec 13 %, contre 11 % pour l’Allemagne. Il reste à cet égard un poste soumis à des pressions constantes et multiples de la part des autorités de santé qui y voient un gisement important d’économies.[singlepic id=561 w=200 h=140 float=right]
Comment dans ce contexte est-il possible de baisser la note ? l’Institut d’IMS propose à cet égard une méta-analyse des pratiques en vigueur dans 186 pays (2) pour identifier comment il peut être possible d’économiser en matière de médicament. » Les dirigeants du système de santé, les professionnels de la santé et les patients peuvent tous appliquer ces connaissances pour affronter et résoudre les problèmes d’utilisation des médicaments, notent Murray Aitken and Lyudmila Gorokhovich de l’Institut for Healthcare Informatics. Des budgets en silos peuvent être décomposés et réévalués, ainsi que les obstacles qui existent aujourd’hui entre les professionnels de santé et les patients. En outre, les professionnels dans tous les milieux de soins doivent travailler ensemble pour s’assurer que la prescription, la délivrance et le suivi des comportements des patients soient appropriés, de même que les résultats ».
Trois domaines clés identifiés
L’étude, dont l’épine dorsale est l’analyse des pratiques en vigueur dans 30 pays, et qui présente 19 études de cas, établit une cinquantaine de recommandations à l’attention des ministres en charge de la Santé – extrapolables à d’autres responsables de systèmes de santé dans le monde – qui se sont réunis le 3 octobre à Amsterdam pour un sommet portant sur « Les avantages de l’utilisation responsable des médicaments ». « Notre recherche, avancent les auteurs, estime qu’environ 8 % des dépenses totales de santé, soit environ 500 milliards de dollars par an dans le monde, peuvent être évités par une utilisation optimisée des médicaments. » Le rapport se centre ainsi sur trois domaines clés, identifiés comme tels par le ministre hollandais de la Santé, du Bien-être et du Sport. Domaines qui se résument en une formule : « Délivrer le bon médicament au bon malade, au bon moment ». L’Institut recommande à cet égard de minimiser les ruptures dans l’approvisionnement des produits pharmaceutiques, de veiller à leur prise en temps opportun et enfin de prévenir les erreurs dans les prescriptions. Il invite également à manager correctement la poly-médication, à utiliser les génériques à bas prix quand ils sont disponibles, à optimiser l’usage d’antibiotiques et enfin à utiliser des traitements coûteux de manière sélective en s’appuyant sur la médecine personnalisée et les diagnostics prédictifs. Enfin, pour réaliser des économies, l’Institut d’IMS suggère de s’attaquer à la question de la non-observance des traitements, question qu’il analyse comme l’effet de manques de moyens financiers, d’attitudes involontaires liés au patient, comme l’oubli du traitement, d’une relation patient/professionnel de la santé peu favorable, ou encore d’une adéquation inapproprié du patient à son produit. Enfin, il propose de réduire les abus de médicaments, leur détournement d’usage par rapport à la prescription initiale, voire la surconsommation de médicaments vendus en accès libre sans ordonnance (OTC). Soit autant de situations durant lesquelles » les patients ne prennent pas les bons médicaments, contribuant ainsi à augmenter les événements indésirables évitables et les coûts. »
[singlepic id=559 w=200 h=150 float=right]la Non observance, 1ère cause de gaspillage
« Ce tableau, précise l’Institut d’IMS, découle d’un modèle global d’analyse des opportunités de coûts évitables basée sur les meilleurs données disponibles des différents pays ». Il met ainsi en évidence l’énorme potentiel d’économies que pourrait entraîner une meilleure observance des traitements par les malades : 57 % des coûts évitables trouvent leur cause dans cette non ou mauvaise adhésion aux traitements, loin devant l’usage non opportun de produits pharmaceutiques (13 %) ou le mésusage d’antibiotiques (11 %). » Un total de 4,6 % des dépenses totales de santé, soit 269 milliards de dollars au plan mondial, peut être évité grâce à une bonne observance au traitement », notent les rapporteurs de l’Institut. Dans ce dernier registre, la France, qui n’est pas un bon élève comparé à d’autres pays, pourrait gagner autour de 5,5 % de ses dépenses de santé.
[singlepic id=560 w=200 h=160 float=left]Des recommandations et des leviers
Au total, l’Institut d’IMS formule 5 recommandations majeures aux ministres de la Santé pour réduire leurs dépenses en médicaments. Au premier rang, il propose de renforcer le rôle des officinaux dans le management du médicament pour le patient et dans leur collaboration avec les médecins. Ensuite, il suggère d’investir dans des audits médicaux en ciblant les populations âgées qui ont l’habitude de prendre des médicaments multiples. Puis, il avance de mettre en œuvre, pour le fournisseur, une déclaration obligatoire d’utilisation d’antibiotiques. Il propose également d’encourager une attitude et une culture positives envers les rapports rédigés sur les erreurs de prescription en réduisant les mesures punitives prises à l’encontre de ceux qui commettent ces erreurs. Enfin, il conseille de soutenir des programmes ciblés de lutte contre les maladies chroniques, tel le diabète, afin de pouvoir assurer en temps utile l’instauration d’une traitement opportun. Ce non pas pour tous les patients, mais pour ceux qui présentent le risque le plus élevé. Ces recommandations sont détaillées par le menu quant à leur impact et leur conséquence dans le champ des acteurs impliqués comme de celui de la santé publique. Elles sont discutables sur certains points, mais elles ont surtout le mérite d’ouvrir un débat qui est souvent théorique, sinon idéologique, sur le bon usage du médicament. Reste désormais à savoir ce que feront les responsables politiques d’un tel rapport et de toutes les opportunités de réduction des coûts – et de réformes – qu’il présente. A suivre.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Cf. Guide Tarsus Marketing Communication Santé, 18ème Edition, avril 2012 : « Pharma mondiale, cap sur l’Asie »
(2) « Advancing Responsible Use of Meds Report 01-10-12, Applying levers for change », IMS Institute for Healthcare Informatics, octobre 2012
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...