Le syndicat des généralistes MG France a organisé le 14 septembre dernier son colloque de rentrée à la veille de la présentation de la future loi de financement pour la Sécu de 2018. Claude Leicher, son président, précise les attentes de son syndicat et revient sur les objectifs poursuivis par ce dernier dans proposition de doter les soins primaires d’un fonds d’investissement.
Le PLFSS pour 2018 va être discuté prochainement au Parlement. Qu’en attendez-vous ?
Claude Leicher : d’abord une ligne de compréhension sur la direction que veut prendre le gouvernement en matière de santé. Si on nous parle uniquement des 2 ou 2,3 % d’augmentation de l’ONDAM, cela ne nous intéresse pas ! Nous attendons un PLFSS qui nous dise : « voilà le sens de l’action publique dans l’organisation des soins : nous voulons réorganiser le système de santé autour des soins primaires dans les territoires à l’initiative des professionnels de santé, avec un fonds pour financer les innovations que nous portons et soutenons depuis des années ». Si ce n’est pas le cas nous ferons pression sur le gouvernement pour qu’il modifie sa copie politique. Nous voulons donc d’abord du sens et ensuite des actes concrets pour soutenir des soins primaires qui sont en grande difficulté dans notre pays jusqu’en 2040.
Le président de la République a évoqué un plan d’investissements pour la santé de 5 milliards d’euros. Vous espérez en récupérer un morceau ?
Claude Leicher : Il faut surtout que le président de la République et sa ministre de la Santé nous disent très clairement : « j’investis une partie ou la totalité de cet argent sur les soins primaires ». Nous avons assez informé ce gouvernement des problèmes et des besoins de la population et nous attendons maintenant que le gouvernement en tire les conséquences
Quel objectif poursuivez-vous avec l’organisation de ce colloque sur les soins primaires ?
Claude Leicher : il s’agissait de faire publiquement la synthèse de nos projets pour les 10 à 20 ans qui viennent. Nous sommes à l’origine de la quasi-totalité des innovations qui se sont faites dans le champ ambulatoire – avec le médecin traitant, les maisons médicales de garde, les maisons de santé pluriprofessionnelles, le soutien aux pratiques avancées et maintenant l’organisation territoriale. Nous avons en charge notre patientèle, nos patients avec le médecin traitant et nous voyons bien aujourd’hui que l’on butte sur l’organisation de la santé populationnelle. Le dépistage, par exemple, ne marche pas en France, parce que les gens n’y participent pas et que nous n’avons plus la même relation avec nos patients pour leur proposer tel ou tel dépistage. Je ne reviens pas sur la question de la vaccination, puisque tout le monde s’accorde pour dire qu’il y a eu une erreur dans ce dossier de santé publique, l’exclusion du médecin traitant. Il y a également la problématique des relations entre la ville et l’hôpital : nous disons aujourd’hui qu’il faut bien structurer la ville autour des soins primaires – c’est l’objectif des CPTS – et il faut que ces CPTS deviennent les interlocuteurs des hôpitaux, mais aussi des autres acteurs qui sont la PMI, la santé scolaire, la santé au travail, le secteur social et médico-social. Nous avons aujourd’hui très clairement l’objectif de proposer aux patients une meilleure organisation des soins primaires, une meilleure lisibilité dans leur accès, territoire par territoire. C’est ce que j’avais proposé en son temps à Marisol Touraine en lui disant que c’est à partir des territoires et des acteurs des territoires qu’il faut agir. Et dans ces territoires, il y a aussi parmi nos interlocuteurs, les représentants des usagers. Nous ne voulons pas construire avec eux un système institutionnel lourd, comme cela a été fait avec les ARS. Nous voulons leur proposer des modalités d’organisation nouvelles, avec des relations apaisées entre la ville et l’hôpital au bénéfice des patients. Nous avons cette ambition sur les 20 ans qui viennent de bien organiser le système de soins dans le territoire, parce qu’il faut de la proximité, mais en même temps de l’accessibilité à des techniques qui ne sont pas forcément dans le territoire, mais auxquelles ce dernier va garantir l’accès. C’est in fine l’intérêt de la population qui nous guide dans cette affaire.
Que dites-vous aux généralistes pour les encourager à vous suivre dans cette nouvelle voie et les encourager à agir ?
Claude Leicher : aujourd’hui un généraliste passe 100 % de son temps dans son cabinet médical, soit en présence du patient – 70 % de son temps de travail – soit hors de la présence du patient. Nous avons voulu dans une 1ère étape que la totalité de ses tâches soient rémunérées. Nous avons donc inventé les forfaits pour que les médecins soient aussi rémunérés hors de la présence du patient. A présent nous voulons leur dire qu’ils doivent être libérés de tâches qui ne sont pas strictement médicales : les tâches administratives et dans le temps soignant, des tâches de coordination avec les autres professionnels de santé. Il faut que ce temps de travail de coordination puisse être délégué à des gens dont c’est le métier. C ‘est du secrétariat médical mais aussi des nouveaux métiers dans le champ de la coordination. Nous voulons aussi que l’on nous aide dans notre travail au quotidien dans l’accueil des patients. Il faudrait des assistants dans nos cabinets de telle sorte que nous puissions libérer du temps médical. Ce qui nous permettrait d’accueillir nos patients dans des conditions plus confortables et donc d’en prendre un peu plus – 10 ou 15 % – dans une journée de travail qui ne s’allongera pas. Aujourd’hui, la population nous dit qu’il n’est pas normal qu’elle ne puisse pas voir son médecin quand elle le souhaite. Il faut donc libérer du temps de travail avec des fonctions support, que l’on pourrait mettre à disposition des médecins dans le cadre d’organisations territoriales dans lesquelles les médecins accepteraient de s’impliquer. Mieux s’organiser entre nous, bénéficier de fonctions supports, et mieux s’organiser avec tous ceux qui sont nos partenaires au quotidien, autres spécialités de ville, structure d’hospitalisation, secteur médico-social, santé scolaire et au travail, PMI.
Propos recueillis par J-J Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...