Où vont vos données de santé ?

Où vont vos données de santé ?
avril 27 00:20 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=469 w=320 h=240 float=left]65 millions de Français génèrent chaque année quelque 1,2 milliard de feuilles de soins dans le domaine ambulatoire et réalisent 25 millions de séjours hospitaliers. Ces actes donnent lieu à des codages complexes et nourrissent des bases de données parmi les plus importantes du monde, qui permettent de produire des informations fines sur les consommations en matière de santé qui alimentent à leur tour la tarification donnée aux actes de soins. Ces bases permettent surtout de mieux connaitre les parcours réels des patients et de déterminer ainsi les trajectoires à mettre en place pour mieux prendre en charge, en théorie au moins, chaque pathologie. Mais elles laissent entière la question sur l’usage réel que fera demain l’assurance maladie  de ces monstres d’information. l’Initiative « Transparence santé » prône la mise à disposition publique des données de santé.

Quoi de plus anodin que de sortir cette petite carte verte, notre carte Vitale ? Chez notre médecin, chez le pharmacien, au laboratoire d’analyses…Mais derrière cette petite puce électronique se cachent les plus grosses bases de données du monde. Une simple insertion dans le lecteur de carte Vitale et votre médecin envoie des informations à l’assurance maladie, qui garde trace de toutes les consultations, de toutes les consommations de prestations (médicaments et actes) remboursées. Ce pour l’ensemble de la population, 65 millions d’habitants ayant tous à un moment ou un autre une consommation de soins de santé. Mais où vont ces données ? Elles s’organisent selon le mode de prise en charge : une base pour les soins réalisés en ville (généralistes, spécialistes, officines, laboratoires d’analyse, opticiens etc.) et une autre pour les soins réalisés dans un établissement de santé.

Un œil sur les soins de ville…[singlepic id=466 w=160 h=140 float=right]

La première base (ville) s’appelle le SNIIR-AM, pour « Systèmes National d’Information Inter-Régime d’Assurance Maladie ». Elle centralise toutes les données des feuilles de soins, papier ou numérique, les factures hospitalières, de tous les régimes d’assurance maladie obligatoire, c’est-à-dire aussi bien le régime général que le RSI ou les régimes spéciaux. Son ancêtre le RIAM (Répertoire National Inter-Régime de l’Assurance Maladie) était consacré à la gestion administrative des assurés, tandis que le SNIIR-AM a vocation à accompagner le pilotage de l’Assurance Maladie. La base SNIIR-AM regroupe des informations administratives sur le patient : âge, sexe, CMU, CMU-c ou AME, commune et département des résidences. On y trouve également tous les actes réalisés, codés en CCAM pour les actes médicaux, en NGAP pour les professions soignantes ou encore les actes d’analyse biologiques. Les prescriptions sont suivies via les codes CIP pour les médicaments et LPP pour les dispositifs médicaux. Des renseignements complémentaires existent pour certaines prises en charge spécifiques comme les personnes en ALD (No de l’ADL et code CIM 10 des pathologies ciblées). Les données sont anonymisées. L’accès aux données non anonymisée est très restreint, leur demande doit être expressément justifiée et validée par une triple autorisation (CCTIRS, CNIL et IDS).

La base de l’assurance maladie représente pas moins de 1,2 milliard de feuilles de soins traitées chaque année. Elle fait partie des dix plus grosses bases de données au monde. L’intégralité des données n’est conservée que pendant deux ans, le nombre de personnes habilitée à travailler et à gérer cette base est limité. En revanche, pour les besoins des études sur des données de cette importance, il est possible de travailler à partir des données de l’Echantillon Généraliste de Bénéficiaires, dont les données sont conservées pendant 20 ans. Cet échantillon est construit par tirage au 1/97ème soit 530 000 assurés. L’échantillon est « vivant », puisqu’il tient compte des entrées (naissances, nouveaux affiliés) et des sorties (décès, changement de régime). En complément de ces informations sur la consommation de soins, l’assurance maladie dispose d’une base spécifique pour les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) : fréquence des accidents et affections, type de pathologies, montant des prestations en nature et en espèces payées.

Et l’autre sur l’hôpital…

La seconde grosse base de données est le PMSI, pour Programme Médicalisé des Systèmes d’Information. Un titre qui n’explique en rien le contenu…
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Le PMSI existe depuis 1991 et concerne l’ensemble des établissements de santé, aussi bien publics que privés. Il a pris toute son ampleur au milieu des années 2000, avec la mise en place de la tarification à l’activité, puisque la T2A est le pendant financier de ce système d’information. Le principe du PMSI est simple : coder toute l’activité médicale réalisée lors d’une prise en charge hospitalière d’un patient, en ambulatoire comme en hospitalisation complète. A l’origine pour les établissements MCO, mais la HAD, le SSR et la psychiatrie sont également concernés. Ici aussi, les données sont anonymisées avant envoi par l’établissement des données vers la plate-forme E-PMSI gérée par l’ATIH. Des données personnelles sur le patient y sont aussi recueillies, données administratives comme pour le SNIIR-AM et des données sur la prise en charge médicale pendant le séjour du patient à l’hôpital : mode d’entrée, durée de séjour dans chaque service, actes réalisés etc. L’ensemble des séjours réalisé sur une année – aussi appelé Case-mix total- représente pas moins de 25 millions de séjours ! Serait-ce à l’image de notre surconsommation de soins hospitaliers ? Quoiqu’il en soit, la base PMSI, outre la connaissance très segmentée de l’activité hospitalière a une second enjeu : le financement de la tarification à l’activité des établissements.

En effet, c’est sur la base de la description et du codage de cette activité médicale que l’établissement reçoit en retour un forfait « tout compris » pour chaque séjour de patient, financé par la Sécurité Sociale à postériori. L’on pourrait ouvrir ici une autre réflexion sur les effets positifs et négatifs de la T2A (Pour en savoir plus, lire l’article de Zeynep Or, de l’Irdes « La tarification à l’activité, instrument bénéfique ou maléfique »). Quoiqu’il en soit, ce système d’information est l’un des plus structuré au monde. Contrairement à la base ville, la base hospitalière est accessible au public. En partie et gratuitement sur le site de l’ATIH qui a en charge la gestion du PMSI. Complète (et anonymisée s’entend) en achetant la base RSA auprès de ladite ATIH.

[singlepic id=468 w=180 h=160 float=left]…Pour quelles utilisations ?

Depuis 2010, le chainage de ces deux bases est fonctionnel. Cela veut tout simplement dire que l’on peut suivre un patient aussi bien en ville qu’en établissement de santé. Loin de toute paranoïa, il y a là un intérêt majeur de santé publique : connaitre enfin les parcours réels des patients et déterminer ainsi les trajectoires des références à mettre en place pour mieux prendre en charge chaque pathologie. Car, certes la question de l’anonymat et de la confidentialité des données se pose, mais il faut surtout imaginer l’outil- presque magique- que constitue cet ensemble gigantesque de données de santé. Des extractions systématiques avec Datamart ou tableaux de bord fournissent des renseignements au fil de l’eau à l’assurance maladie sur les dépenses de santé ou les actes réalisés avec des niveau d’agrégation des données très variables, du niveau national à l’échelle du professionnel de santé. Si l’intérêt en termes de recherche sur les besoins des patients, l’utilisation de l’offre de soins, la pharmacovigilance est certain, la question qui se pose est : que fera réellement l’assurance maladie  de ces monstres d’information ? Car qui détient l’information détient le pouvoir. Or c’est ici l’assureur, donc le financeur, qui a cette information et non directement le ministère de la Santé, pourtant garant de la santé publique dans le pays. Ira-t-on vers un pilotage et un partage intelligent de ces informations ou vers de nouvelles oppositions dans un système de santé déjà mis à mal ?
L’exploitation des données médico-administrative à des fins de gouvernance de notre système de santé est en tout cas l’objectif affiché du dernier rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP) sur le sujet. De même que la création d’un Groupement d’Intérêt Public sur la gestion de ces données, sans plus de précision à ce jour. Dans tous les cas, la mise en lumière de l’importance de ces informations aura permis d’en sécuriser les accès et les exploitations, grâce notamment à la maitrise d’ouvrage mise en œuvre par l’ASIP avec l’agrément des hébergeurs de santé ou les accès sécurisés pour les professionnels via les cartes CPS.
Un sujet brûlant à suivre dans les prochains mois…

Sandrine Bourguignon

www.strategique-sante.fr

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Jean-Jacques Cristofari
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