Alors que le marché français du médicament est entré en récession et subit une décroissance régulière depuis janvier, le marché allemand maintient une croissance à + 4 % pour ce 1er semestre 2013. Explication donnée outre-Rhin par IMS : une hausse des dépenses remboursées par l’assurance-maladie au titre des thérapies innovantes pour les traitements des maladies lourdes, une relocalisation des traitements dans le secteur ambulatoire et l’influence de la grippe et de la vague de froid du 1er trimestre 2013.
La France s’installe dans la récession. Ce qui vaut pour son économie générale vaut désormais également pour sa branche pharmaceutique, au grand dam des pharmaciens d’officine, dans les rangs desquels les fermetures de rideau devraient s’accélérer dans le proche avenir. Ainsi, au 1er semestre de l’année 2013, l’évolution des dépenses remboursées en médicaments par l’assurance- maladie marque un recul de – 0,7 % par rapport à la même période de 2012. Sur les 12 derniers mois, la baisse enregistrée s’établit à – 1,6 %. C’est dire que l’évolution en cours sur les six premiers mois de 2013 augure une fin d’année encore plus sombre, qui pourrait friser les – 2,5 % et achever de désespérer les officinaux qui tentent de négocier des honoraires de dispensation que le patron de la CNAM tarde à leur accorder, faute de moyens. Car faute de reprise et au vu d’un chômage qui ne cesse d’augmenter, les recettes de la Sécu ne sont pas à la fête et laissent ainsi peu de marges de manoeuvre à ceux qui, dans les rangs des professionnels de santé, espèrent un ballon d’oxygène à défaut de réelles revalorisations d’honoraires et de marges.
Pour ne pas être en retard sur la commande législative, l’assurance-maladie a d’ores et déjà présenté mi-juillet quelque 27 propositions pour économiser 2,5 milliards d’euros en 2014 par rapport à la croissance tendancielle des dépenses. Premiers visés, les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de matériels médicaux, auxquels il a été demandé de baisser leurs prix pour 900 millions d’euros. A cette facture pourraient s’ajouter 600 millions d’euros supplémentaires au titre de la « maîtrise médicalisée et de l’efficience des prescriptions », un rabotage de 150 millions sur l’imagerie médicale et la biologie, le tout assorti d’autres mesures d’économies. L’objectif national d’évolution des dépenses maladie (ONDAM) est proposé à + 2,4 % pour l’an prochain, contre + 2,7 % en 2013 et + 2,5 % en 2012. En toile de fond de ce pénultième « plan d’économies », la dernière prévision de la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), datant de début juin, qui avance que le déficit de la Sécu pourrait à nouveau se creuser en 2013 à 14,3 milliards contre 11,4 escomptés en 2012 (voir tableau ci dessous). Par avance, le LEEM s’est élevé contre ce plan, estimant que « la CNAMTS cède une nouvelle fois à un réflexe de facilité, qui consiste, année après année, à faire peser sur le médicament l’essentiel des efforts de maîtrise, en différant à chaque fois les réformes de structure qui permettraient de stabiliser durablement l’augmentation des dépenses ». L’assurance-maladie cède sans doute à la facilité en lorgnant sur les imposants bénéfices réalisés par les industriels de la pharma (158,69 milliards d’euros pour le 10 premiers laboratoires mondiaux) pour émettre ses recommandations. Mais dans les rangs des professionnels de santé, l’attente de réformes de structure se fait également attendre, avec une Stratégie nationale de santé annoncée de longue date, avec une feuille de route récemment tracée par un rapport Cordier dont le gouvernement ne semble guère pressé de s’emparer pour le faire vivre.
Allemagne : 15 milliards de réserves
Outre-Rhin, où les réformes de la santé des coalitions présenté et passée semblent avoir porté leurs fruits, les enjeux de se situent pas sur le même registre. Solidement amarrée à un « Fonds de santé » créé en 2009 pour régler la question des déficits de leur Sécu, l’assurance-maladie publique se retrouve en fin 2012 avec un excédent de 5 milliards d’euros et des réserves de quelque 15 milliards d’euros (1). De quoi faire rêver à la fois notre ministre française de la Santé, mais également le patron de l’UNCAM ! Dans ce paysage idyllique, les dépenses consacrée par les caisses maladie allemandes aux médicament et tests de diagnostic (hors vaccins) se sont élevées au premier semestre à 15,2 milliards d’euros (en prix publics). En comparaison avec la même période de 2012, la croissance des dépenses s’établit ainsi à 4,1 %. De quoi également faire rêver nos pharmaciens et industriels français. Certes, en volume, cette hausse est moindre (+ 2,8 %). Mais l’évolution du chiffre d’affaire traduit, explique IMS Allemagne, l’influence combinée de trois facteurs : un plus grand recours aux produits innovants (et donc plus chers) pour soigner les maladies graves (cancers, maladies auto-immunes et maladies rhumatismales pour lesquelles des dépenses supplémentaires en médicaments ont été enregistrées à hauteur de 320 millions d’euros), un basculement des traitements du domaine hospitalier vers le secteur ambulatoire, et enfin l’effet d’un hiver rigoureux avec son lot de grippes (coût 90 millions d’euros). Ces hausses de dépenses ne semblent pas affecter outre mesure les caisses d’assurance-maladie allemandes, qui considèrent par avance que le vieillissement de la population a son coût, coût qu’elles se sont déjà préparées de longue date à assumer. De ce côté-ci du Rhin, les Français font une fois encore figure de Gaulois sur lesquels le ciel va une fois encore tomber sur la tête. Une vieille habitude qui, en matière de santé, fait figure de tradition bien ancrée.
Jean-Jacques Cristofari
(1) lire : » Un bon développement économique assure la stabilité de l’assurance maladie obligatoire« , ministère allemande de la Santé
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...