Les VM, nouveaux boucs émissaires ?

Les VM, nouveaux boucs émissaires ?
février 08 22:52 2011 Imprimer l'article

[singlepic id=112 w=320 h=240 float=left]Les visiteurs médicaux, au nombre de 18 300 à ce jour en France, sont l’objet d’une stigmatisation croissante depuis quelques années, et tout particulièrement depuis l’affaire du Mediator. L’ancien Haut-Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté a purement et simplement réclamé leur suppression. Pour autant, les VM sont toujours les seuls vecteurs d’informations sur les médicaments et ils ne sont pas si mal venus dans les cabinets médicaux qu’on voudrait le faire croire. L’Observatoire de la visite médicale (OBSAQIM) a fait évaluer par des médecins généralistes la qualité de la visite médicale. Il ressort de cette évaluation que 62 % des MG jugent « correct le comportement général » du délégué médical qu’il reçoivent à leur cabinet. Analyse.

La visite médicale est l’objet d’attaques répétées depuis au moins deux bonnes années, au motif que cette dernière serait à l’origine des sur-prescriptions des médecins quand elles ne sont pas la cause directe d’une surconsommation de médicaments propre à la France ou encore de prescriptions qui se situent en dehors des caractéristiques générales du produit telles qu’elles sont autorisées par l’Afssaps, qui a en charge de contrôle des médicaments. Le Mediator illustre la dérive, mais pour autant cette dernière ne constitue, pas loin s’en faut, une règle générale qui entacherait la visite médicale de tous les péchés du monde. « Les visiteurs médicaux sont des professionnels formés et encadrés, et leur activité est dûment certifiée et contrôlée », explique le LEEM qui a tenu le 8 février à exprimer son soutien à des professionnels « aujourd’hui violemment attaqués dans leurs pratiques, dans leurs motivations, et dans leurs compétences ». Une « stigmatisation » qui aux yeux du syndicat des industriels du médicament « ne rend pas justice aux efforts considérables que cette profession a déployés ces dernières années pour inscrire ses missions dans un cadre rénové ». Car les VM qui assurent la promotion du médicament de leur laboratoire sont, pour leurs employeurs, « des acteurs clés de l’information et de la pharmacovigilance ». N’en déplaise aux esprits chagrins, ces derniers font avec régularité remonter les incidents liés à un médicament à leur direction médicale qui ne peut se soustraire à cette obligation déontologique mais également de santé publique. Car un médicament qui ne produit pas les effets escomptés par ses caractéristiques générales de son inscription initiale, voire qui engendre des catastrophes, devient rapidement pour le laboratoire son pire cauchemar. L’histoire du Vioxx est là pour nous le rappeler.

Une profession bien encadrée

Cette profession de visiteurs médicaux a ainsi au fil des années été encadrée, son activité ayant à subir certification et contrôles divers. De bonnes règles de pratique ont été inscrites dans une Charte, rédigée en 2004, à laquelle ont souscrit tous les laboratoires pharmaceutiques. La Haute Autorité de Santé, saisie du dossier, certifie ces mêmes laboratoires pour une durée de 3 ans avec suivi annuel. En novembre 2009, elle a même rédigé un rapport sur l’état des lieux de la certification de la visite, rapport qui établit un bilan des pratiques abandonnées par les réseaux de VM (cadeaux divers, échantillons, achats de prescriptions contre études à visées marketing etc). De 24 000 il y a encore quelques années, le nombre des VM employés par les industriels ou par des sociétés de sous-traitance a diminué comme peau de chagrin. Ils ne sont plus que 18 300 à ce jour, selon les chiffres du LEEM et leur nombre devrait même descendre jusqu’à 12 000 au gré des restructurations de la branche et des pertes de brevets des grandes molécules phares de la pharma.

Connaître la qualité de l’information médicale

Reste que dans ce concert de critiques émises à l’encontre des VM, peu ou presque rien n’est dit ou analysé sur la qualité même de l’information délivrée lors de la visite, sur sa nature, sur les messages et les pratiques « éthiques » des visiteurs médicaux. La HAS le signale bien dans son rapport de 2009 : « Toutefois, des éléments qui touchent à la qualité de l’information médicale ne sont pas évalués dans leur contenu à travers la certification : la teneur des documents de formation (déficience du prérequis, voir plus haut), le support du discours de délégué médical (argumentaire produit, …), le caractère adapté de la grille d’évaluation de la mise en situation des visiteurs médicaux. » Elle confesse avec une ferveur toute administrative que « l’information diffusée sur le terrain reste par nature difficile à appréhender. » Sans toutefois, jusqu’à ce jour, s’être dotée des moyens nécessaires à lever cette appréhension.

Un observatoire pour prendre le pouls de la visite

Engagée de longue date sur ce terrain, l’Association Qualité et information médicale (Aqim), présidée par Marie-Noëlle Nayel, ancienne visiteuse médicale chez MSD, a compris bien avant que les industriels ne se saisissent du dossier, que cette question de la nature des informations délivrée par les VM ne pouvait rester sans réponse. Dès la mise en place de la Charte, cette même association a fait son cheval de bataille de l’accompagnement des laboratoires dans la certification. « Elle a, dans ce registre, été, dès 2003, un précurseur du mouvement général qui a conduit à la réglementation en vigueur sur la VM », explique sa présidente. Car faute de moraliser des pratiques pour le moins longtemps discutables – les médecins peuvent en témoigner – d’achats de prescriptions contre faveurs diverses (cadeaux de toutes sortes, invitations à des dîners et voyages etc), il était clair pour bien des acteurs que la visite allait sombrer dans ses propres errements. En 2007, la même Aqim se décidait à créer l’Obsaquim, le seul observatoire qui a ce jour prend le pouls de la visite et sa température dans les rangs même des médecins libéraux. « Cet observatoire, réalisé grâce à la participation de quelque 10 000 médecins généralistes et spécialistes, permet ainsi de mesurer et de suivre l’impact de la visite médicale associée à un ou plusieurs produits d’un laboratoire. » Ainsi des données fiables et opposables sur la qualité de l’information médicale des VM sont mises à disposition des directions des laboratoires, invitées à s’en saisir pour corriger éventuellement les dérives ou les baisses de qualité. Le marketing roi, qui dispose de ses propres outils internes de remontée d’informations, a ainsi à sa disposition un outil supplémentaire, extérieur et neutre, qui lui donne les niveaux de satisfaction des médecins sur les messages que ce même marketing élabore avec la direction médicale. Cerise sur le gâteau, « l’Obsaqim permet également d’analyser, de manière globale et transversale, la perception qu’ont les médecins de la visite médicale, dans toutes ses dimensions et, pour un laboratoire, de se comparer à la moyenne nationale, » note encore la présidente de l’Aqim. Car à l’usage des données de cet observatoire, la visite pourrait aisément s’appliquer un proverbe connu :  » quand je m’observe, je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure ! » Ou inversement selon les laboratoires !

Certes tout n’est pas rose dans l’univers très policé de la visite médicale où les relations humaines prennent – heureusement – encore le pas sur les froides explications d’une plaquette aux vertus toute marketing. Mais l’Obsaqim a permis de mesurer ce que personne ne voulait ou n’osait, jusqu’à il y a peu, faire : évaluer la qualité d’une information par ceux qui la reçoivent sur un médicament qui reste souvent l’outil le plus précieux de leur stratégie thérapeutique. Les résultats de l’observatoire sont sans complaisance sur certains points (voir ci dessous). Ils permettent aux laboratoires de corriger leurs pratiques et leurs messages. En un mot, de sauver ce qui est essentiel pour eux, la relation de confiance qu’ils doivent maintenir avec les médecins comme avec les malades, à un moment où ils sont fortement chahutés, en particulier leur visite médicale.

Jean-Jacques Cristofari

(1) Certification de la visite médicale : mise en oeuvre de la procédure de certification », juillet 2006-octobre 2009, premier bilan », HAS, novembre 2009.

——————————————————————————————-

Les médecins face à la visite médicale : une enquête Obsaqim, janvier 2011

(Pour mieux visionner les graphiques, cliquez dessus)

[singlepic id=110 w=320 h=240 float=left]

[singlepic id=111 w=320 h=240 float=right]

Afficher plus d'articles

A propos de l'auteur

Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

Afficher Plus d'Articles