[singlepic id=799 w=280 h=200 float=left]Loin du milliard de dollars évoqué régulièrement, le coût d’un nouveau médicament lancé sur le marché mondial par un industriel dépasse souvent les 5 milliards de dollars. C’est ce qui ressort d’une analyse menée par le magazine Forbes qui a passé en revue les 227 nouveaux médicaments pour lesquels les big pharma ont obtenu une autorisation de mise sur le marché ces 10 dernières années. Il ressort de l’analyse que les firmes qui ont lancé plus de 4 nouvelles molécules depuis 2002 ont déboursé des sommes conséquentes, avec une moyenne estimée à 3,975 milliards d’euros.
Pour une molécule autorisée à la vente, un laboratoire en aura, au cours du processus de recherche et développement (R&D) de ses produits, éliminé des centaines d’autres. Car le taux d’échecs des candidats est souvent énorme – autour de 95 % – et seulement un faible nombre de nouvelles entités chimiques parviendra jusqu’à la pharmacie du malade. Diminuer la note du pipeline de futurs produits est, dans les rangs des laboratoires pharmaceutiques, une préoccupation constante. Mais les échecs survenant souvent assez tardivement dans le processus de R&D, dans les phases avancées de la recherche clinique, et il est souvent compliqué d’intervenir plus en amont. L’exemple du rimonabant (Acomplia), qui devait être l’arme fatale de Sanofi-Aventis (devenu Sanofi) contre l’obésité et retiré du marché européen le 23 octobre 2008, illustre les difficultés du processus. La spécialité était promise à rejoindre le « club des molécules à ce jour disparues », c’est à dire les « blockbusters » au chiffre d’affaire supérieur au milliard de dollars. Disponible sur 32 marchés dans le monde, prescrite à 50 000 patients en France, où elle bénéficia d’une promotion sans pareil, la « pilule miracle » explosa en plein vol et ses coûts avec ! Sanofi-Aventis en fut pour ses frais et l’échec scella le départ de son dg, Gérard Le Fur, remplacé par Chris Viehbacher, toujours à la tête du groupe français.
Sanofi N°2 pour ses coûts[singlepic id=800 w=260 h=180 float=right]
L’étude conduite par Forbes fait ainsi ressortir que les dépenses en R&D du groupe français se sont élevées sur les 10 dernières années à quelque 60,768 milliards de dollars (45,543 milliards d’euros). Ce pour 6 lancements réalisés par le laboratoire. Ce qui situe le coût moyen par produit issu de sa R&D à quelque 10,128 milliards de dollars (7,589 milliards d’euros) et place Sanofi au 2ème rang pour le niveau des dépenses par produit lancé, derrière l’américain Abott (13,183 milliards de dollars, soit 9,881 milliards d’euros) et devant AstraZeneca (9,561 milliards de dollars, soit 7,407 milliards d’euros. Hoffmann Laroche (groupe Roche) se situe en 4ème position (8,886 milliards de dollars) car ses dépenses de R&D, très élevées (70,928 milliards de dollars, ou 53,196 milliards d’euros) ont été amorties sur 10 produits. Le leader mondial de la pharma, le groupe Pfizer, est également celui qui consacre le plus fort montant pour sa R&D (77,786 milliards de dollars sur 10 ans, ou 58,347 milliards d’euros) et se situe cependant derrière, en 5ème position pour le coût de sa R&D par molécule mise sur le marché.
Un coût moyen de 3 milliards d’euros
Au total, sur les 100 laboratoires pharmaceutiques passés au crible par Forbes, 44 dépensent encore à ce jour plus d’un milliard de dollars pour mettre sur le marché un nouveau médicament. Pour les compagnies qui ont lancé plus de trois médicaments sur la période analysée, le coût moyen par nouvelle molécule est de 4,2 milliards de dollars (3,149 milliards d’euros). Pour celles qui en ont lancé plus de quatre, la facture grimpe à 5,3 milliards (3,975 milliards d’euros) par médicament. Même si une société ne lance qu’un seul médicament, la note moyenne se situe encore à 351 millions de dollars. Cette étude a le mérite de jeter un nouvel éclairage sur ce que coûte réellement une molécule jusqu’à sa mise à disposition au malade. Elle explique aussi pourquoi les big pharma ont décidé d’externaliser des pans entiers de leur R&D dans le contexte d’effondrement de la productivité de cette dernière sur la décennie écoulée.
Jean-Jacques Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...