[singlepic id=618 w=320 h=240 float=left]Le niveau de la recherche et du développement (R&D) scientifique chinois aurait déjà atteint celui des pays développés. C’est du moins ce qu’avance en octobre dernier, à Changchun, M. Cao Jianlin, vice ministre pour la science et la technologie en Chine. En 2011, les investissements chinois dans la R&D représentaient 1,84 % du PIB, soit quelque 107 milliards d’euros, contre 1,76 % en 2010. Le nain chinois d’hier est bel et bien devenu un géant, n° 2 mondial derrière les Etats-Unis qui, en 2010, ont dépensé à ce titre 405 milliards de dollars (environ 300 milliards d’euros). L’Empire du milieu attire désormais fortement les big pharma qui y trouvent de nouvelles opportunités d’investissement profitables.
Inutile de se demander si en matière de recherche, la Chine va se réveiller ! C’est fait, et l’Empire du Milieu pourrait rapidement damer le pion à bien des organismes de R&D occidentaux publics ou privés. Comme pour les Jeux Olympiques, la Chine a construit une véritable force de frappe humaine et scientifique. En 2008, elle déclare avoir plus de chercheurs que les Etats-Unis (1,6 million contre 1,4 million) et devancerait également l’Union européenne. Elle compte par contre 2,03 chercheurs pour 1 000 actifs, ce qui place ce pays en 19ème position derrière les Etats-Unis avec 9,18 chercheurs (la France en compte 8,19) pour 1000 actifs. Autant dire qu’elle a encore de la marge devant elle. Quant à ses investissements, ils représentent, en 2011, 1,84 % du PiB, soit environ 107 milliards d’euros, contre 1,76 % un an plus tôt. Son objectif est d’atteindre les 2,2 % du PiB en 2015 et 2,5 % en 2020. Une progression à la mesure des ambitions du pays, que rien de viendra contrarier, sauf une crise économique dans un pays qui voit pour l’heure sa croissance chuter. A titre comparatif, la France dépense dans la R&D 2,26 % de son PIB en 2009 (selon le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) et les Etats-Unis un peu plus, soit 2,9% (selon World data bank). De par le montant de son budget, la Chine représente le deuxième investisseur dans la R&D derrière les Etats-Unis, qui ont dépensé 405 milliards de dollars (environ 300 milliards d’euros) en 2010 (selon Battelle-R&D Magazine).
11ème pour les brevets déposés à l’international
A ce jour, la plupart des demandes de brevets chinois sont déposées en Chine, ce qui la classe au premier rang (1) pour le nombre de demandes de brevets déposées à résidence, explique le Service Scientifique de l’Ambassade de France à Pékin . Mais seulement 5 % des demandes sont déposées à l’international, classant l’Empire du Milieu seulement en 11ème position derrière la France et les Etats-Unis pour le dépôt de brevets à l’étranger. En termes d’activité globale de propriété intellectuelle, la Chine se classe ainsi 3ème pour le nombre de brevets déposés à résidence et dans le monde, 3ème pour les marques déposées et 2ème pour les demandes de designs. Ces chiffres, ramenés au nombre d’habitants dans le pays et au PIB national, classent la Chine en 18ème position avec 219 demandes de demandes de brevets pour 1 million d’habitants et en 3ème position avec 3213 demandes de brevets pour 100 milliard de dollars de PIB en 2010.
S’agissant des dépôts de brevets dans le pays même, la Chine se situe, avec 19,8 % du total, en 2ème position derrière les Etats-Unis en termes de demandes de brevet reçus et représente le 1er bureau pour les dépôts de modèles d’utilité, de marques déposée et de designs industriels en 2010 (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle WIPO). Le pays devrait avoir pris la première place en 2011 ou 2012. « La forte progression de demandes de brevets en Chine entre 2009 et 2010, de plus de 24 %, est remarquable et montre l’attractivité de la Chine pour le dépôt de titres de propriété intellectuelle », note l’Ambassade de France à Pékin.
Objectif : déposer 2 millions de brevets par an[singlepic id=616 w=220 h=140 float=left]
A travers son plan gouvernemental sur le développement scientifique et technologique, la Chine ambitionne d’augmenter la part des chercheurs dans la population active à 4,3 chercheurs pour 1000 personnes, de déposer 2 millions de brevets par an, de mettre en place une campagne de recrutement de 10.000 talents de recherche, de construire un système national d’innovation pour donner la priorité aux entreprises comme moteur de l’innovation et enfin de mieux répartir le budget de la recherche pour devenir un acteur compétitif. Un mot que l’on affectionne particulièrement dans le débat politique européen, mais auquel le gouvernement chinois entend apporter une réponse très concrète. Ainsi, les entreprises chinoises de petite et moyenne taille (PME), qui emploient 80 % de la population active et représentent 60 % des revenus de PIB, sont invitées à devenir le principal moteur de l’innovation en Chine, avec 65 % des brevets déposés et 80% des nouveaux produits développés. Si les petites entreprises chinoises attribuent moins d’1 % par an à la R&D, le plan de développement technologique prévoit ainsi d’augmenter cette part à 1,5 % d’ici 2015.
La Chine, le nouvel eldorado des big pharma
Par ailleurs, un accord a été signé en octobre dernier entre l’Académie des Sciences de Chine et les entreprises publiques chinoises afin d’encourager l’innovation dans les entreprises d’Etat concernées par les « industries stratégiques émergentes » que sont la conservation de l’énergie et la protection de l’environnement, les technologies de l’information, la biologie, les procédés avancés de fabrication, les énergies renouvelables, les nouveaux matériaux et les véhicules verts. La pharmacie n’échappera pas à cette volonté du gouvernement chinois de se doter à son tour d’une industrie des sciences de la vie forte en encourageant la recherche dans le secteur du médicament et des dispositifs médicaux. Les big pharma qui sont présentes en Chine et y investissent massivement pourraient à cet égard largement favoriser un « grand bond en avant » en la matière. En Chine, les investissements des compagnies multinationales de la pharmacie ont dépassé les 2 milliards de dollars sur les 5 dernières années, indique le site Beyondbrics (2) en précisant que, selon un rapport de McKinsey consacré à la santé en Chine, les sites de R&D pharmaceutiques y poussent comme des champignons et s’ouvrent aussi rapidement que ceux qui, en Europe ou aux Etats-Unis, ferment leurs portes ou diminuent en nombre.
« La Chine change graduellement la donne dans la R&D au niveau international en devenant un acteur incontournable », note encore le service Scientifique de l’Ambassade de France. « La forte croissance des investissements étrangers en Chine ces dernières années, qui a fait de la Chine une place attractive pour l’activité de R&D au niveau international, en est une illustration. » Reste que le marché chinois ne pourra réellement s’ouvrir aux produits pharmaceutiques que dans la mesure où les dépenses de santé progresseront avec la richesse nationale. Si ces dernières suivent simplement le rythme programmé du PiB, elle devraient atteindre les 480 milliards de dollars en 2018. Si leur croissance dépasse, comme on peut le penser celle du PiB, il en résultera une meilleure couverture des dépenses, une amélioration de l’accès à des soins de qualité et une demande à la hausse, liée au vieillissement de la population, à l’urbanisation du pays et aux changements de mode de vie, estime à cet égard McKinsey. Ainsi si les dépenses de santé atteignent 6,5 % du PiB en 2018, le marché pourrait alors s’accroitre de 150 milliards de dollars supplémentaires. Et devenir ce nouvel eldorado dont les big pharma européennes ou américaines semblent avoir grandement besoin pour assurer leur propre avenir.
Jean-Jacques Cristofari
(1) L’an dernier 526.412 requêtes ont été déposées en Chine, ce qui représente une hausse de 41,3 %. Les Etats-Unis ont enregistré de leur côté 503.582 dépôts et le Japon en a compté 342.610, indique le rapport « World Intellectual Property Indicators 2012 » présenté en décembre 2012 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Les secteurs pour lesquels le plus grand nombre de dossiers ont été déposés sont les techniques informatiques (126 897), celui de la communication numérique connaissant une forte croissance des dépôts (+ 8,1%). L’Allemagne et les Etats-Unis ont déposé le plus grand nombre de demandes de brevets pour l’énergie géothermique et pour l’énergie éolienne. La Chine occupe aussi le 1er rang de ce classement de marques déposées, comme en 2010, suivie par les Etats-Unis et l’UE.
(2) « The myths about China pharma »
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[Source : « R&D level ‘same as developed countries’ » – Global Times (16/10/2012)]
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...