[singlepic id=472 w=320 h=240 float=left]En 2011, le déficit général de l’assurance-maladie française s’est élevé à 8,6 milliards d’euros, soit un 10ème du déficit cumulé depuis l’an 2000. Outre-Rhin, la situation est inverse et les caisses allemandes d’assurance-maladie affichent fièrement un excédent de 4 milliards d’euros et des réserves financières de 10 milliards. De quoi faire rêver le très puissant patron de l’assurance-maladie française, Frédéric Van Rockeghem, qui voit le trou de la sécu s’élargir depuis 12 ans, sans réellement trouver de parade, sauf à relancer les recettes en augmentant notamment la CSG.
[singlepic id=470 w=160 h=120 float=right]En avril dernier, le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric Van Rockeghem (photo), annonce dans les Echos que « l’équilibre de l’assurance-maladie est à notre portée ». L’équilibre sans doute, mais pas la résorption des déficits enregistrés depuis plus d’une décennie. Cependant, pour la première fois depuis des années, l’Objectif national des dépenses maladie remboursées (ONDAM) a été respecté en 2011, avec des dépenses inférieures de 900 millions d’euros à ce qui avait été arrêté par le Parlement, soit 166,7 milliards d’euros pour l’an passé, dans le cadre d’une hausse autorisée de + 2,5 %. A l’origine de ce résultat, la baisse des dépenses de soins de ville (- 300 millions), une chute des frais de gestion de la Sécu (-165 millions) et des recettes meilleures que prévu (+275 millions, en provenance de la CSG), tandis que les dépenses hospitalières liées à la tarification à l’activité ont, de leur côté, progressé de quelque 200 millions d’euros. Mais ce bon résultat aura cependant laissé dans l’ombre les importants restes à charge des assurés sociaux, soit autant de sommes que l’assurance-maladie ne rembourse plus depuis quelques années – dont les 2,5 milliards d’euros de dépassements d’honoraires – et que les malades font couvrir par leur mutuelle ou prennent en charge sur leur propre budget. Le rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) chiffre ce reste à charges jusqu’à 3 000 euros par an et par patient ! Pour 2012, le même directeur de la CNAM vise les 5,9 milliards de déficits prévus par le gouvernement Sarkozy, en estimant que « l’amélioration constatée en 2011 consolide cette prévision », même s’il considère qu’il est encore trop tôt pour se prononcer. Car l’ampleur du déficit dépendra fortement des recettes de la Sécu, assises pour la santé essentiellement sur les salaires, et donc sur la situation de l’emploi. Et, en la matière, les plans de licenciements des salariés annoncés pour la rentrée par de nombreux groupes industriels, ne devraient pas contribuer à infléchir la courbe du chômage, qui avoisinera prochainement les 3 millions. Frédéric Van Roeckeghem reste cependant optimiste, avançant que « le déficit sera ramené cette année à la moitié de ce qu’il était en 2004, voire moins, alors que la crise de 2008-2009 a été sans précédent ». Mais la décennie passée aura surtout été prodigue en la matière, avec une ardoise qui, en cumul depuis 2000, dépasse les 86 milliards d’euros (voir ci-dessous) faute d’avoir mise en place un financement de la maladie assis sur de nouvelles recettes. Le principal impact de ces déficits cumulés aura incontestablement été d’avoir fait baisser le taux de prise en charge des dépenses de santé, avec pour conséquence de voir un nombre croissant de Français renoncer à se soigner
Des réserves financières conséquentes outre-Rhin
De l’autre côté du Rhin, la musique, une fois encore, n’est pas la même. Pour l’année écoulée, les caisses maladie publiques affichent royalement un excédent de 4 milliards d’euros, après un déficit de 445 millions en 2010. Les recettes des caisses se sont ainsi élevées à 183,6 milliards d’euros et les dépenses à 179,6 milliards. A cet excédent de 4 milliards s’ajoutent des « réserves » financières de l’ordre de 10 milliards d’euros qui, de l’avis du ministère allemand de la Santé, « servent aux caisses principalement à protéger leur performance économique ». Le « Fonds de santé », installé outre-Rhin le 1er janvier 2009 pour recueillir les contributions des employeurs et des salariés – le taux de cotisation a été bloqué à 15 %, à parts égales entre les uns et les autres – , ainsi que les subventions fiscales, et dont le rôle est d’assurer une meilleure péréquation des risques entre caisses maladie, affiche de son côté des réserves de liquidités de 9,5 milliards d’euros. Sur ce montant, 3,1 milliards sont bloqués dans la réserve minimale prescrite pour le Fonds et 2 autres milliards pour financer des compensations sociales et des contributions supplémentaires pour les bénéficiaires de prestations chômage. Le solde correspond à « un montant tampon, économiquement significatif pour le financement d’un système de santé durable ».
La pharma mise à contribution
[singlepic id=471 w=160 h=120 float=left]Si la bonne santé de l’économie allemande n’est pas étrangère aux performances de son système de santé, il faut cependant noter que les économies dégagées par les caisses doivent aussi beaucoup aux efforts consentis par les industriels du médicament ou imposés à ces derniers par les caisses. L’an passé, les dépenses en médicaments de l’assurance maladie publique ont ainsi plongé de 3,8 %, à 30,87 milliards d’euros. Selon le ministre de la Santé Allemand, Daniel Bahr (photo) la dépense par assuré aura ainsi reculé en la matière de 4 %. En cause le paquet d’économies arrêtées par le gouvernement Merkel dans la foulée de sa loi de restructuration du marché pharmaceutique (dite AMNOG), qui a imposé aux fabricants un moratoire sur les prix jusqu’au 31 décembre 2013, moratoire auquel s’ajoutent des rabais obligatoires consentis par les mêmes fabricants aux caisses maladie depuis 2003. Ainsi, en 2011, 60 % des médicaments qui n’étaient plus protégés par un brevet ont été l’objet de rabais obligatoires, qui pour les médicaments hors système de prix de référence, sont passés de 6 à 16 % en 2010. Une pratique qui, à elle seule, de l’avis du ministère de la Santé allemand, a généré l’an passé 1,6 milliard d’euros d’économies. Introduite en 2007, elle a progressivement été appliquée aux spécialités brevetées, au grand dam des industriels du médicament. Fin 2011, ces contrats de rabais, qui s’appliquent principalement aux génériques dispensés dans les officines, se sont élevés, selon IMS, à 11 256 (contre 8 425 fin 2010). Ils concernent 31 581 préparations commerciales et quelque 160 caisses d’assurance maladie. Mais les spécialités pharmaceutiques sous brevet ne sont plus épargnées non plus et la part de celles qui sont sous contrat de réduction des prix avec les caisses s’élève, dans les rangs de la pharma allemande, à 15 % en 2011, soit 6 % de plus qu’en 2010. Reste que les deux premiers mois de 2012 ont vu à nouveau les dépenses en médicaments s’envoler en Allemagne, à plus de 5 % en janvier comme en février (2,4 et 2,3 milliards d’euros). Une raison qui, aux yeux des autorités de santé, milite en faveur du maintien de la pression sur le poste médicament de la Sécu allemande, qui entend en la matière continuer son travail de fourmi.
La recette sera-t-elle transposée à la France après les élections présidentielles et législatives ? Tout laisse à penser que le médicament sera dans le proche avenir un contributeur important à la réduction des déficits de la branche maladie française, qui devra à son tour accroître son travail de fourmi. La loi de financement de la Sécu pour 2013 promet de resserrer les budgets et les industriels, qui s’y préparent, savent qu’ils n’échapperont pas à de nouvelles mesures de réduction des coûts.
Jean-Jacques Cristofari
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12 années consécutives de déficits pour la branche maladie de la Sécu
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Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...