[singlepic id=280 w=320 h=240 float=left]Le projet de loi relatif à la modernisation du système des produits de santé, présenté par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, prévoit d’engager une somme de nouvelles réformes qui devraient rapidement être présentées par décrets au Conseil d’Etat. Le texte, examiné fin juillet en Conseil des ministres, comprend 24 articles et confirme le remplacement de l’Afssaps, fortement remise en cause dans l’affaire Mediator, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il définit surtout de nouvelles règles de fonctionnement dans la gouvernance générale des médicament et autres produits de santé. La transparence est le maître mot du projet soutenu par le ministre de la Santé et du travail. Mais serait-elle réellement suivie d’effets ?
La future ANSM, pilotée par le Pr. Dominique Maraninchi, aura donc pour mission d' »encourager la recherche, d’assurer la coordination et, le cas échéant, de conduire des études de suivi des patients et de recueil des données d’efficacité et de tolérance. Elle devra surtout « évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétiques » et au delà d' »assurer leur réévaluation » Ses commissions, dont on a jugé le nombre excessif, leurs compositions, qui ont généré des conflits d’intérêts que la future loi se propose de régler, leurs modalités de fonctionnement, décriées au cours des enquêtes parlementaires sur l’affaire Mediator, feront l’objet d’un décret en Conseil d’Etat.
Prévenir les conflits d’intérêt
Pour l’avenir ce sera donc une « charte d’expertise sanitaire », fixée par décret en Conseil d’Etat, qui fixera les nouvelles règles du jeu pour les experts commis par l’agence, en encadrant « la réalisation de l’ensemble des expertises réalisées à la demande des services ou instances en charge de la santé publique ou de la sécurité sanitaire ou par les instances placées sous tutelle du ministère de la santé ». Et pour tenter de mettre un terme aux collusions dénoncées dans le rapport de l’IGAS sur le Mediator, entre experts de l’agence – dont le nombre devrait être réduit – et industriels du médicament – priés de rester à la porte de l’agence – la charte définit clairement la notion de liens d’intérêts, les cas de conflits d’intérêts, ainsi que « la conduite à tenir lorsque, dans un champ du savoir, les experts autorisés ont tous des conflits d’intérêts. » Les critiques émises par Gérard Bapt, député et président de la mission sur le Mediator et la pharmacovigilance, à l’encontre de la gestion du Gardasil par la HAS ont sans doute produit ici leur effet. Quant aux entreprises du médicament, elles auront « l’obligation de rendre publics les avantages (en nature ou en espèces) qu’elles procurent aux professionnels de santé, aux associations de professionnels de santé, aux étudiants en médecine, aux associations de patients, aux fondations, aux organes de presse spécialisée ou aux sociétés savantes ainsi qu’aux sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ce secteur ». La nouvelle règle en la matière sera donc la transparence absolue pour qualifier la nature des liens que le secteur industriel entretient avec son environnement, en particulier avec les experts médico-scientifiques. Et pour être certain d’avoir été bien compris et entendu, un nouvel article du Code de Santé publique (L. 1454-3) sanctionnera de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « l’entreprise qui omet sciemment de publier les avantages procurés aux personnes et organismes concernés. » Les présidents des groupes pharmaceutiques implantés en France devront veiller au grain !
AMM à durée déterminée
Enfin et pour bien signifier le changement de paradigme, la future loi instaure deux dispositions fortes dans le futur mode de gestion du médicament. La première – article 7 de la loi -concerne les AMM (autorisations de mise sur le marché d’un produit), qui pourront être suspendues, retirées ou modifiées « dans l’hypothèse où le titulaire de l’AMM ne respecte pas les conditions d’octroi de cette AMM ». Sont ici visés les détournement d’usage d’un médicament. Ainsi, si d’aventure, un prescripteur délivre une spécialité pharmaceutique hors des indications pour lesquelles elle est autorisée – ce qui fut le cas pour le Mediator et qui l’est actuellement pour le Baclofène -, il devra en informer le patient, motiver sa prescription dans le dossier médical du même patient et porter la mention « hors AMM » sur l’ordonnance. « Nous devons détecter l’usage « hors AMM » des médicaments pour identifier les pratiques à risque et en informer les professionnels de santé », déclare à ce sujet Xavier Bertrand en juin dernier lors de la présentation de son futur plan médicament. De plus le comité économique des produits de santé (CEPS) qui fixe les prix des produits pharmaceutiques pour leur vente après AMM, pourra conclure avec les entreprises du médicament une convention par laquelle ces dernières « s’engagent à mettre en oeuvre, en direction des prescripteurs, des moyens d’information spécifiques lorsqu’il est constaté un usage trop important de la prescription hors AMM et ce, sans motif légitime, et lorsque cet usage ne repose pas sur des recommandations des autorités sanitaires compétentes. » L’entreprise qui n’aurait pas respecté ses engagements conventionnels en la matière pourrait se voir infliger une pénalité financière par ce même comité. L’étau se resserre sur les laboratoires, objet par ailleurs d’un véritable acharnement médiatique.
[singlepic id=278 w=320 h=240 float=right]La 2ème disposition concerne – article 6 -« la possibilité de demander, au titulaire de l’AMM, au moment de l’octroi de l’AMM, des études supplémentaires telles que les études de sécurité et d’efficacité post-autorisation. » Ces étude dites pharmaco-épidémiologiques, qui doivent normalement faire l’objet du « plan de gestion des risques » (PGR) d’un médicament une fois qu’il est mis sur le marché, seront ainsi plus nombreuses que dans le passé et permettront surtout d’évaluer le médicament dans sa « vraie vie ». Et s’agissant de la prise en charge d’un médicament par l’assurance-maladie, tout nouveau produit devra faire preuve d’une efficacité certaine sinon supérieure à ce qui est déjà disponible dans les officines. « Nous allons adopter dès à présent des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité, commente encore Xavier Bertrand (photo) : pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable. »
Une nouvelle charte pour la visite médicale
Enfin, la future loi prévoit des dispositions particulières sur la pharmacolovigilance des médicaments qui pour le Mediator n’a pas rempli correctement son office. Désormais, tout entreprise qui exploite un médicament ou un produit devra obligatoirement mettre en oeuvre un système de pharmacovigilance et sera tenue d’enregistrer et de déclarer tout effet indésirable susceptible d’être dû à un médicament ou produit. Si les professionnels de santé – en première ligne desquels les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens -, sont tenus de déclarer un effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament, les patients, les associations agrées de patients et les autres professionnels auront aussi la possibilité de le faire. Le projet de loi, à ce stade, ne précise pas le rôle des visiteurs médicaux en la matière. Il est vrai que la visite médicale fera l’objet d’un nouvel encadrement, en particulier en milieu hospitalier. On regrettera cependant que les VM n’aient pas été davantage impliqués dans la pharmacovigilance. Ce qui aurait été une excellente occasion de revaloriser leur rôle et leur métier, au moment même où de nombreuses voix – concordantes – prônent leur suppression pure et simple. Un sujet qui mérite une analyse à part pour mieux comprendre le cheminement qui a conduit le Sénat, fort inspiré par l’IGAS, UFC-Que Choisir et Prescrire, à préconiser la mise au chômage pure et simple des 17 300 VM exerçant leur métier dans l’Hexagone, alors même que l’Assemblée nationale, plus prudente et mesurée, n’a pas suivi la le Palais du Luxembourg, estimant que la visite médicale « conserve son intérêt pour éclairer les praticiens sur les nouveaux médicaments, dont certains apportent de réels progrès en termes d’efficacité thérapeutique ou de tolérance ». Le futur projet de loi sur la modernisation des produits de santé s’est, sur cette même question, montré également prudent en ne prévoyant que la conclusion d’une charte entre le CEPS et les entreprises du médicament (LEEM) « pour encadrer la pratique de la visite médicale. » « Pour restaurer la confiance, il faut des décisions prises en toute transparence », indique le ministre de la Santé en juin dernier. Reste désormais à savoir si la future loi pourra imposer cette transparence si désirée ? Affaire à suivre.
Jean-Jacques Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...