[singlepic id=69 w=320 h=240 float=left]Le Collectif Inter associatif sur la Santé (CISS), l’Association des accidentés de la vie (FNATH) et l’Union nationale des associations familiales (UNAF) s’inquiètent des difficultés qu’éprouve un nombre croissant de Français pour accéder à la médecine du premier recours. Pour remédier au problème, les trois organisations proposent 7 mesures.
« Depuis plusieurs décennies maintenant s’opère un lent mais certain détricotage du filet de protection sanitaire patiemment bâti au lendemain de la seconde guerre mondiale », font savoir, après enquête, les trois structures en introduction à leur analyse sur la démographie médicale, aux enjeux que pose cette dernière dans l’accès aux soins de nos concitoyens. Pour ces structures représentatives des malades et des usagers de la santé, les responsabilités sont partagées : les médecins, notamment les jeunes générations ne veulent plus s’installer dans des régions délaissées par nos concitoyens et les pouvoirs publics n’ont pas été capables de réguler efficacement l’installation des praticiens, ni par des règles, ni par des accords conventionnels efficaces. Le dossier que présentent les associations arrive ainsi à un moment opportun : celui qui voit l’installation d’un nouveau ministre de la Santé, épaulé par une secrétaire d’Etat, ajouté à la présentation d’un rapport très attendu sur l’avenir de la médecine libérale, commandé en juin dernier par le chef de l’Etat à Elisabeth Hubert, ancien ministre de la Santé.
L’exercice libéral n’attire plus
Le constat dressé par nos trois structures est simple et connu : la France compte à ce jour quelque 214 000 médecins (193.943 médecins en «exercice régulier» selon l’Ordre des médecins) et selon les projections établies leur nombre devrait baisser de 10 % dans les 10 prochaines années. Le vieillissement affecte le corps médical comme l’ensemble de la population. L’âge moyen des praticiens en activité est de 51 ans et un départ massif de ces derniers à la retraite est prévisible dans les 5 prochaines années. Nombre de cabinets médicaux ferment et vont prochainement fermer. A ce tableau s’ajoute celui d’une féminisation accrue de la profession : un tiers des généralistes libéraux sont des femmes et leur proportion parmi les spécialistes en activité régulière atteint même 40 %. « Plus d’une femme sur deux exerce en activité salariée tandis que, sur ce critère, on ne recense qu’un homme sur trois », ajoute le rapport des organisations d’usagers. Le mode d’exercice des médecins évolue également. Quelque 10 000 praticiens ont choisi le remplacement de manière pérenne, peu enclins à s’installer avec les contraintes que cela suppose. Et s’ils le font c’est de plus en plus tardivement dans leur vie. Enfin l’exercice libéral ne fait plus recette : au 1er janvier 2009, seuls 9 % des nouveaux médecins inscrits à l’Ordre (5 176) ont choisi un mode d’exercice libéral exclusif et 66 % le statut de salarié. 25 % avaient opté pour le statut de remplaçant, parmi lesquels 85,4 % de généralistes. Ces quelques chiffres expliquent les difficultés qu’ont les médecins libéraux sur le départ pour trouver un successeur et certains régions désertées par les médecins pour en attirer des jeunes.
La situation est particulièrement complexe pour la médecine de premier recours. Car sur les 107 000 généralistes dénombrés par l’Ordre des médecins (104 000 selon les caisses d’assurance-maladie, nous précise le rapport) seuls 60 % exercent une activité de soins primaires. Les généralistes de plein exercice ne sont donc que entre 62 et 64 000 et sur ce nombre 28 % ont plus de 55 ans, « ce qui pose évidemment un problème de renouvellement, aigu dans certains territoires ». « Le manque de perspective de carrière » et la forte charge de travail en médecine générale (de 55 à 59 heures par semaine) n’attire pas les jeunes générations. « Cette durée moyenne de travail hebdomadaire est plus importante pour les hommes, notamment du fait d’une activité à temps partiel plus fréquente chez les femmes », nous est-il encore expliqué.
Patients en danger
Pour lutter contre la désertification médicale et ramener les jeunes médecins dans les zones sous-dotées, des mesures ont été adoptées, les parlementaires allant jusqu’à vouloir introduire des dispositions plus contraignantes pour l’installation des praticiens. Pour l’heure, qui est au statut quo, aucune mesure réelle et efficace de régulation à l’installation n’a été prise et les syndicats de médecins entendent préserver avant toute chose la liberté d’installation. Pour remédier à l’abandon d’une forme connue de « sacerdoce médical », abandon justifié aux yeux de la « génération des 35 heures », le président de la République a souhaité encourager la création de quelque 250 maisons médicales de santé pluridisciplinaires, dûment subventionnées à hauteur de 50 000 euros pièce. Des maisons qui semblent recueillir l’assentiment des jeunes médecins et qui forment la pièce maîtresse du dispositif présenté cette semaine par Elisabeth Hubert, présidente bénévole de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) et missionnée sur la question de l’avenir de la médecine libérale par Nicolas Sarkozy.
Reste qu’au delà d’un constat demeuré sans réponse depuis des mois, les associations de patients n’entendent pas rester les bras ballants. « En effet, si la médecine libérale est en danger en raison de la menace d’extinction qui pèse sur elle, les patients résidant dans les déserts médicaux sont également en danger, mais pour d’autres motifs, précisent conjointement le CISS, la FNAT et l’UNAF. Les difficultés d’accès aux soins engendrées par l’absence ou l’éloignement des professionnels de santé pourraient bien se traduire par des retards de soins ou des pertes de chance dramatiques pour la santé des patients. Le rééquilibrage de l’offre médicale sur le territoire doit être traité en urgence pour que la sécurité des usagers soit pleinement garantie, en tout lieu du territoire. » Aussi, nos trois organisations ont saisi les caisses primaires d’assurance-maladie, tant sur l’application des textes conventionnels signés par leur caisse nationale avec les syndicats de médecins que sur les mesures prises par les CPAM pour accompagner les créations de projets de maisons de santé sur leur territoire. Au total, 47 CPAM sur 100 ont répondu à leurs sollicitations, avec des réponses très hétérogènes tant dans leur contenu que dans leur présentation.
Un problème de répartition
De l’analyse globale de ces réponses, il ressort en premier lieu que la démographie médicale est davantage un problème de répartition de médecins qu’un déficit en praticiens; et ensuite que les problèmes de répartition des médecins sont d’autant plus dommageables pour les usagers qu’ils concernent en partie des départements déjà fortement touchés par des difficultés sanitaires et économiques. Par ailleurs, « les situations de carence des soins de premier recours conduisent à une sollicitation excessive des urgences hospitalières ». Un phénomène déjà largement dénoncé par ailleurs, mais également resté sans réponse depuis des années. Enfin, les CPAM confirment une tendance mise en évidence par l’Ordre des médecins : les primo-installants préfèrent l’exercice salarié à la pratique libérale. Quant aux aides financières incitatives délivrées à la fois par l’Etat, l’assurance-maladie (comme comme le «bonus» de 20% sur le montant des consultations payées aux médecins exerçant en groupe dans les zones sous-denses) ou encore les collectivités territoriales (aides à la création de maisons médicales, soutien financier lors des études médicales contre installation ultérieure en zone désignée), leur empilement aboutit à « un système illisible ». Quant à introduire des mesures plus dirigistes, il ne saurait en être question : « toute mesure coercitive est dissuasive » plaide le Dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre.
Propositions pour réguler la démographie médicale
Plus intéressante est l’analyse fait par notre « collectif » de la question des rémunération des praticiens. Du sondage réalisé auprès des CPAM, il ressort que les honoraires des médecins généralistes sont plus élevés en zones «sous médicalisées» que dans les zones à forte densité médicale. Moins nombreux qu’ailleurs, mais dotés de clientèles plus importantes, ils ont alors des rémunérations plus élevées. Autre constat avancé dans le rapport : plus les médecins spécialistes sont concentrés, plus leurs dépassements d’honoraires sont élevés ! Le secteur 2 produit alors des effets délétères connus : « le taux de dépassement augmente avec la concentration de spécialistes de secteur 2 et peut paradoxalement accroître l’inégalité d’accès aux soins dans les zones à forte densité médicale. » Rappelons que les dépassements d’honoraires, que le patron de l’UNCAM veut replacer au coeur des futures négociations conventionnelles avec les médecins, coûtent annuellement 2,5 milliards d’euros en restes à charges aux assurés sociaux. Ce constat conduit ainsi le CISS à proposer de généraliser le paiement au forfait des médecins traitants et de ne maintenir le paiement à l’acte que dans des cas particuliers. Cette primauté du paiement au forfait des médecins traitants, généralistes pour la plupart, suppose le renoncement à l’augmentation du numerus clausus si l’on veut garantir un niveau de rémunération acceptable aux professionnels concernés, avancent encore les auteurs du rapport.
En conclusion à leur longue analyse, les organisations d’usagers de la santé en appellent aux Agences régionales de santé (ARS) nouvellement créées à « organiser et à « réguler » l’organisation des soins ambulatoires en fonction des objectifs de soins de premier recours qui auront été définis, si besoin aux moyens de la contractualisation avec les professionnels de santé. » Elles proposent ainsi d’établir la cartographie, dans le cadre des Schémas régionaux d’organisation sanitaire ambulatoire et, par chaque ARS, des bassins de santé de proximité précisant notamment le nombre de médecins par spécialité à prévoir pour répondre aux besoins de soins de premier recours. » Une proposition qui tombe à point nommé au moment même où les ARS composent leurs territoires de santé et se préparent à définir leur SROS. Mais elle n’est pour autant pas du goût des syndicalistes de la CSMF qui craignent comme la peste que les SROS ambulatoires leur soient demain opposables et reste plus que jamais attachés au paiement à l’acte. Reste désormais à savoir comment les 7 propositions du CISS et de ses alliés vont pouvoir s’inscrire – pour certaines dont celle relative à la rémunération des médecins -, dans les négociations conventionnelles à venir. Affaire à suivre.
Jean-Jacques Cristofari
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Les autres propositions du Collectif CISS-FNAT-UNAF
Permanence des soins: En cas de carence de l’initiative privée pour organiser la permanence des soins, il incombe à l’ARS de mettre en place un service opposable approprié.
Centres de santé : Définir un plan de modernisation et de développement des centres de santé en leur affectant des moyens comparables à ceux que l’on se prépare à allouer aux maisons de santé pluridisciplinaires.
Coopérations sanitaires : Garantir que toute coopération entre professionnels de santé repose sur des compétences reconnues, notamment par un diplôme ou une qualification
Télémédecine : garantir, dans le cadre des Schémas régionaux d’organisation sanitaire ambulatoire, que la télémédecine ne soit pas utilisée à des fins de compensation de la désorganisation du système de santé, mais bien comme un outil au service de l’amélioration de la qualité des soins.professionnelle.
Régulation : Mettre en oeuvre une régulation des médecins et des autres professionnels de santé de manière à garantir l’accès aux soins et la sécurité sanitaire de tous en tous points du territoire.
Rémunération des médecins : Généraliser la rémunération des médecins « au forfait », pour la part principale de leur activité, afin, notamment, que les effectifs médicaux se répartissent en fonction de la demande et des besoins des usagers.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...