Vaccination : nouveaux faux pas dans la gestion de la pandémie

Vaccination : nouveaux faux pas dans la gestion de la pandémie
janvier 13 16:45 2021 Imprimer l'article

Après les ratés de 2020 sur les masques, le démarrage pour le moins laborieux des tests, la gestion de la pandémie est entrée dans une nouvelle ère de flottements, celle d’une vaccination de masse de la population qui n’a pas trouvé son aire d’envol. Là où il fallait se préparer pour une course de vitesse, le gouvernement est plutôt installé sur le rythme d’une course de fond.

Depuis le 1er janvier, chaque jour qui passe nous livre son lot de surprises. Les médecins savent où sont leurs patients, mais le gouvernement semble l’ignorer depuis que la décision a été prise de vacciner les Français. Pour engager la nouvelle bataille dans la « guerre » contre le virus, le monde dispose ou va bientôt disposer de vaccins. Des moyens considérables ont été investis à cette fin et l’Europe n’a pas hésité à mettre beaucoup d’argent sur la table pour encourager les recherches. Le vaccin le plus immédiatement disponible a été celui des laboratoires associés Pfizer et BioNTech, le BNT162b2. Déjà administré au Royaume-Uni depuis décembre dernier, il a été autorisé à la même époque aux États-Unis par l’agence du médicament (la FDA) avec un feu vert conditionné par l’ouverture d’un « examen transparent et une évaluation approfondie par les scientifiques de l’agence ». Le tout afin de s’assurer que le BNT162b2 répond bien aux normes de sécurité, d’efficacité et de qualité de fabrication. L’Europe aura emboité le pas au Royaume-Uni, qui vit désormais pleinement son Brexit, variant du Covid-19 en plus. L’Agence Européenne du Médicament (EMA) a reconnu le 21 décembre le vaccin « Comirnaty » à ARNm de Pfizer-BioNtech comme sûr et efficace. Plus récemment, elle a, le 6 janvier, donné le feu vert au vaccin anti Covid-19 de Moderna qui devait être diffusé le 11 du même mois dans le Grand Est, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Paca à raison de 50000 doses. De son côté, la Haute Autorité de Santé (HAS) a fait savoir à la veille de Noël que « les résultats des études cliniques ont un recul de 1,5 mois et démontrent chez l’adulte que le BNT162b2, administré en 2 doses espacées de 21 jours, est efficace à 95 % pour se protéger des formes symptomatiques de la Covid-19 ». Avec l’arrivée du vaccin Moderna COVID-19 mRNA (nucleoside modified), la même HAS en a appelé « à multiplier les efforts pour vacciner les populations les plus à risque de formes sévères et les plus exposées, dans le cadre d’une campagne proche du terrain, pragmatique et flexible. »

Premiers couacs

« L’objectif est de protéger dès le début de la campagne les personnes les plus vulnérables et de préserver le fonctionnement du système de soins, en élargissant au fur et à mesure la vaccination sans s’interdire de démarrer la phase suivante si les conditions le permettent, souligne la HAS dans un communiqué du 8 janvier. Les médecins pourront, au cas par cas, proposer la vaccination dès les premières phases de la campagne à d’autres patients pour lesquels les risques liés à la Covid-19 apparaissent majeurs ». La feuille de route arrêtée, les recommandations précisées pour la vaccination, il ne manquait plus qu’à l’intendance de suivre le mouvement.

Mais la logistique attendue pour procéder à la vaccination de la population n’a pas été au rendez-vous. « A croire que personne dans ce gouvernement n’a jamais travaillé dans une ONG ou dans un centre logistique », s’insurge Pierre de Haas, généraliste dans l’Ain et ancien président de la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS). Ce dernier rappelle que la France compte 1600 MSP et 600 centres de santé où plus de 50 vaccins pourraient être administrés par jour sans difficulté. « Cela fait deux semaines que des vaccins sont en France, parfois immobilisés dans des hôpitaux. Nous aurions pu déjà vacciner plus d’un million de citoyens. Mais l’administration centrale ne fait guère confiance aux soignants de premier recours. » Reste qu’en ce mois de décembre « seulement » 500 000 doses de vaccins sont attendues pour le marché français. La montée en charge ne sera que progressive (cf. ci-dessous) : 2,7 millions de doses en janvier, 10 en février, 21 en mars, 38 en avril, 56 en mai et 77 en juin, pour atteindre 225 millions de doses au 2è semestre, réparties entre le « Comirnaty » de Pfizer-BioNtech (principal fournisseur), le vaccin Moderna COVID-19 mRNA (24 millions de doses pour le 1er trimestre), suivis de ceux d’AstraZeneca, de Curevac et enfin de Janssen (J&J). Après un début de polémiques avec l’Allemagne, le terrain des contestations s’est déplacé sur l’Hexagone où chacun y est allé de sa « solution » pour faire avancer les choses.

Retards à l’allumage

Dimanche 10 janvier, le ministre de la Santé, Olivier Véran confie sur Europe 1, un « gros retard à l’allumage pour administrer le vaccin contre le Covid-19. Il perçoit comme « un manque de clarté dans l’explication de la campagne vaccinale », estimant que « nous avons sans doute internalisé l’espèce de défiance générale vis-à-vis des vaccins dont on parlait en permanence sur les plateaux et dans les familles ». La bonne affaire ! Faute de reconnaitre l’impréparation totale des élites sanitaires gouvernementales sur le sujet de la logistique des produits, le ministre trouve une habile porte de sortie. Ainsi, « le gouvernement a d’abord parlé aux sceptiques de la vaccination, sans s’adresser à la part de la population qui trépigne d’impatience pour se faire vacciner », note Le Parisien. Il est vrai que les médias rivalisent d’ingéniosité pour faire parler ceux qui hésitent, refusent et critiquent, sans connaissance précise des dossiers, les vaccins mis sur le marché.

A la confusion sur la mise à disposition des vaccins s’ajoute rapidement celle sur la stratégie même de vaccination. Les EHPAD, leurs résidents âgés et leurs personnels, seront les premiers servis. Encore faudra-t-il savoir qui fera le geste : les médecins seuls, les infirmier(e)s, voire les pharmaciens qui sont demandeurs ? Pour de basses raisons financières, associées au monopole de l’acte médical par les praticiens, les choses traineront en longueur en janvier sans que l’on sache vraiment si le feu vert est donné aux infirmier(e)s et aux pharmaciens qui le demandent ! Les représentants des associations de patients ne s’embarrasseront pas de ces dilemmes : « France Assos Santé [qui regroupe 80 associations de patients] demande aux autorités de lever tous les freins politiques à la vaccination dans le respect des recommandations scientifiques : il s’agit de permettre rapidement aux pharmaciens et aux infirmier(e)s de vacciner largement et d’accéder à la plateforme vaccin covid pour la traçabilité. »

Les médecins libéraux impatients

 » Avec 50 000 médecins généralistes en action, c’est un potentiel de 1,5  millions de patients vaccinés par semaine. Il faudrait 12 semaines pour vacciner les 18 millions de personnes prioritaires ! », fait savoir début janvier le syndicat MG France, qui fait part de son impatience.  » Où sont donc les 100 millions de doses commandées par le gouvernement, qu’on commence enfin ?  » Au ministre de la santé, qui a fait part de son regret d’avoir cédé aux sirènes des anti-vax, le syndicat répond :  » Acteurs de santé de proximité, les médecins généralistes sont les professionnels les mieux placés pour entraîner l’adhésion des patients dont ils sont les médecins traitants, souvent depuis de nombreuses années. Ils connaissent aussi parfaitement les personnes les plus exposées au risque infectieux. »
Estimant « incompréhensible » que les autorités de santé ne s’appuient pas sur les acteurs des soins primaires, MG France enfonce le clou :  » Les médecins généralistes veulent pouvoir vacciner ou faire vacciner au plus vite leurs patients vulnérables. C’est grâce à l’implication des médecins généralistes et des autres professionnels de soins primaires que la campagne de vaccination atteindra ses objectifs et permettra de sortir notre pays de la crise sanitaire. »

Loin d’envisager un retour aux « vaccinodromes » de la campagne contre le virus H1N1 des années 2009/2010, le ministre de la Santé a toutefois annoncé le 5 janvier l’ouverture de 500 à 600 centres destinés à la vaccination contre la Covid-19 d’ici la fin du mois.  » Avec ses 600 centres de vaccination, je suis plutôt confiant sur l’objectif d’un million de personnes vaccinées« , confie le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, le Pr Alain Fischer au Quotidien du Médecin. On a envie de vacciner un maximum de personnes en optimisant l’utilisation des vaccins disponibles. » reste qu’avec un millier de centres ouverts pour vacciner la population contre le H1N1, la France n’avait vacciné « que 5,36 millions de personnes au 1er juin 2010, soit moins de 8,5% de sa population », comme le rapporte, à l’été 2010, la commission d’enquête parlementaire sur « la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A ». Sans appui du réseau des professionnels de santé libéraux les mêmes causes pourraient conduire aux mêmes effets. En attendant les retards pris quotidiennement dans la vaccination contre la Covid-19, qui se répand à l’allure d’une marée poussée par de nouveaux variants, devraient conduire le pays à se voir imposer prochainement un nouveau confinement. Il fallait se préparer pour une course de vitesse. Le gouvernement est plutôt installé sur le rythme d’une course de fond.

J-J Cristofari

Pour suivre la vaccination des Européens au quotidien :
Coronavirus (COVID-19) Vaccinations

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A propos de l'auteur

Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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