Margueritte Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la Caisse nationale d’Assurance maladie, a dressé un tableau détaillé de l’état des lieux de la médecine générale en France, lors du récent colloque organisé par MG France au ministère de la Santé en décembre dernier.
Les effectifs de médecins libéraux ont fortement chuté depuis les années 2000, a souligné cette dernière, une baisse accompagnée de celle de la densité médicale, qui a chuté de 91 à 78 pour 100 000 habitants. « La situation ne va pas s’améliorer dans les prochaines années et ce n’est qu’en 2030 que l’on retrouvera le niveau des médecins d’aujourd’hui ».
« Nous avons devant nous 10 années difficiles », a ajouté la directrice. En termes d’activité, on observe une relative stabilisation des actes cliniques réalisés, le nombre de consultations et visites par médecin généraliste libéral (en activité à part entière (APE) s’établissant à 5000 actes par an, en très légère baisse depuis 20 ans (-2 % entre 2000 et 2019).
6 millions de Français sans généralistes
Phénomène marquant de la période actuelle, 11 % des patients de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant (contre 9,8 % en 2017). Sur ce nombre, une moitié n’a strictement aucun médecin traitant (MT) et l’autre moitié a vu son MT partir à la retraite et se retrouve ainsi sans médecin. Toujours sur le même registre des patients sans MT, sur 5,959 millions de personnes, majoritairement des hommes (57 %), 620 000 sont en ALD.
Le total des sans MT est surtout porté par les jeunes (un jeune de moins de 30 ans sur 5), avec, à l’autre extrémité de la vie, 1 million des plus de 60 ans sans MT. « Le poids des pathologies « lourdes » est plus élevé chez les patients avec MT que chez les patients sans MT », note sur ce dernier registre la directrice : 70 % des patients sans MT n’ont pas de pathologie ou traitement dédié contre 48 % chez ceux qui ont un MT. Par ailleurs, les patients sans MT ont moins recours aux soins : le nombre d’actes cliniques qui leur sont délivrés s’élève ainsi à 2,3 par an, contre 4,4 pour les assurés ayant un MT. De leur côté, les actes délivrés par les spécialistes s’élèvent respectivement à 0,9 contre 1,6 en moyenne.
Des déserts médicaux, en ville comme en campagne
Enfin, la carte de France des départements où les patients sont sans MT doit être comparée à celle de la densité des médecins généralistes libéraux (hors MEP). « On a cette idée que la désertification médicale est plutôt un sujet rural. Ce qui n’est pas tout à fait exact, note Marguerite Cazeneuve. L’Ile-de-France est ainsi une région touchée par la question de la patientèle sans MT, avec une moyenne de 13 % ». Cet état des lieux a été complété par l’analyse de la patientèle adulte des médecins généralistes : de 907 patients en fin 2017, leur nombre a cru à 941 en juin 2021, 94 % des adultes ayant déclaré un généraliste comme MT, 4 % un MEP et 2 % un médecin exerçant en établissement de santé (centre de santé inclus).
Ce nombre de patients varie fortement selon les médecins : il s’étend de 173 patients en moyenne à 1 645 patients pour les 10 % de médecins ayant la moyenne la plus importante. « Conclusion sans surprise, commente la directrice de la CNAM : les patients – en particulier ceux qui sont en ALD – qui ont un MT sont mieux suivis ! » Enfin, « bonne nouvelle », 6,474 millions d’enfants ont déclaré avoir un médecin traitant : pour 87 %, il s’agit d’un médecin généraliste (qui suit en moyenne 113 enfant dans sa patientèle) et pour 12 % un pédiatre (332 enfants). « Le dispositif gagne du terrain, malgré les évènements récents », a conclu Margueritte Cazeneuve
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...