[singlepic id=168 w=320 h=240 float=left]Président du Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis mars dernier, le Pr. Harousseau (photo) a fait part à son arrivée de la nouvelle organisation qu’il souhaite mettre en œuvre dans son institution – notamment au sein des commissions de la HAS – pour atteindre les nouvelles priorités qu’il s’est fixé. Son institution scientifique a été l’objet d’attaques très violentes de la part des Prs Even et Debré dans un récent rapport remis au président de la République. Il a répondu à ces derniers lors d’une rencontre matinale organisée par l’association Dessein à l’Université de Paris-Dauphine, à l’initiative de l’économiste de la santé Claude Le Pen, le 3 mai dernier. Il a également précisé l’importance que son institution devait attacher à mieux utiliser les ressources économiques disponibles et souligné les rôles respectifs que doivent jouer l’Afssaps et la HAS dans la gestion du médicament. Verbatims.
« Je pense que la sévérité du Pr. Even et de mon ami Bernard Debré est un argument en notre faveur. Ils ont utilisé un style au vitriol, avec des affirmations qui très souvent ne sont pas étayées. Et donc cela ne sert pas la crédibilité d’ensemble de leur document, même s’il y a de bonnes constatations et de bonnes propositions. Tout n’est certainement pas à jeter et je ne sais pas ce que le ministre de la Santé fera comme usage de ce document. Il a publiquement annoncé qu’il en tiendrait le plus grand compte… C’était sans doute de l’humour au deuxième degré !
Ces deux personnes font tout de même référence à la gestion de la Haute Autorité de Santé, qui est une gestion particulière. Il y a un collège qui est en gros l’exécutif, qui devrait être, je pense, le cerveau si je peux dire, qui penserait aux évolutions, et puis il y a les services. Avec une difficulté bien française : chaque service travaille de manière individuelle, sans trop s’occuper de se qui se passe à côté. Nous sommes ainsi dans une institution qui n’est pas simple à gérer.
Depuis trois mois que je suis à la HAS, je n’ai pas du tout ressenti les divisions qui ont été décrites dans le rapport Debré/Even au niveau du collège. On a pas les mêmes personnalités, ni les mêmes intérêts, et c’est une force d’avoir un chirugien comme Jean-Michel Dubernard, qui est un fonceur, que j’admire, et quelqu’un comme Alain Cordier qui a une culture d’inspecteur des Finances et qui a des expériences variées. C’est une force et mon rôle est d’être en quelque sorte le chef d’orchestre, l’enzyme pour faire travailler tout ce beau monde ensemble. Je ne dis pas que cela est parfait, mais je trouve que pour l’instant, de mon point de vue, cela se passe dans de bonnes conditions et que c’est plutôt porteur de germes positifs pour l’avenir !
Nous devons travailler à plus de transversalité
Après, il y a cette espèce de cloisonnement entre les services et les commissions, dirigées chacune par un membre du collège et je crois vraiment qu’il faut que nous travaillons à plus de transversalité et que nous puissions avoir des moments communs sur des sujets précis. Je ne vois pas comment on peut séparer ceux qui travaillent sur les affections de longue durée et sur la coopérations entre professionnels et ceux qui travaillent sur la formation des médecins. C’est facile à dire, à conceptualiser, c’est peut-être plus difficile à organiser. C’est pourquoi au sein du collège, nous sous sommes donnés l’été pour proposer des modifications de l’organisation de la HAS à la rentrée de septembre. Je pense qu’il est plus important de travailler en équipe, que le collège travaille en équipe avec les services. »
Mieux utiliser les ressources
« En 2011 on ne peut plus considérer que la qualité des soins est uniquement le rapport efficacité/ toxicicité. On est obligé de tenir compte des ressources que le pays peut mettre à la disposition de son système de santé. On est obligé de faire des arbitrages qui tiennent compte des considérations économiques. L’ambition que j’ai pour les 6 années qui viennent est de faire en sorte que la HAS continue à indiquer comment mieux soigner, mais qu’en plus elle indique comment mieux utiliser les ressources financières que nous avons. La raison pour laquelle je pense que c’est indispensable est que si nous utilisons mal les ressources , inévitablement nous aboutirons à une inégalité dans l’accès aux soins. Inéluctablement, il y aura des pathologies et des patients qui bénéficieront plus de ressources financières que d’autres. Je pense que dans une optique d’égalité de l’accès aux soins, de couverture de l’ensemble des pathologies, il est indispensable que notre réflexion associe une dimension économique. Comment allons nous faire ? Ce n’est pas aussi simple. Au sein de la HAS, Lise Rochaix a longtemps ramé seule. Je la soutiens et je souhaite que dans chacune de nos actions la dimension économique soit intégrée. Cela veut pouvoir dire qu’il faut que nous réorganisions notre système de travail : soit nous mettons un peu d’économie dans chacune de nos commissions, soit nous nous obligeons, chacune des commissions, à travailler avec la commission économique. C’est ce qui s’est passé récemment pour les hormones de croissance qui ont été réévalués par la Commission de la transparence et qui parallèlement ont été évalué de façon très exhaustive par la Commission d’évaluation économique et de santé publique. Nous ne pouvons plus dire seulement « soignez mieux », mais aussi « utilisez mieux les ressources ». »
A l’Afssaps le rôle de « police du médicament », à la HAS celui du conseil
« La tentation de recréer une grande agence du médicament est actuellement forte. Je n’y suis pas favorable pour de nombreuses raisons. On ne va pas à chaque crise sanitaire défaire le système de santé qu’on a construit à la crise d’avant. Je ne vois pas où est la logique et je ne pense pas que l’on puisse avancer comme cela. Ensuite, créer un « grand machin » qui s’occupe de tout, je ne suis pas sût que dans l’esprit français , cela soit la solution. Des contrôles, des coopérations entre deux établissements correspondant bien à la façon de faire en France, à condition bien sûr que cela marche et que ce soit organisé. Troisièmement, dans la crise du Médiator, l’organisme qui a le plus failli, en dehors du laboratoire Servier, c’est quand même l’Afssaps. Et parce que l’Afssaps a failli, il faudrait punir la HAS !
Au-delà de cela, pour moi, en matière d’évaluation du médicament , l’Afssaps et la Commission de la Transparence, telles qu’elle s’appellent actuellement – j’espère que l’une et l’autre seront débaptisées – ont un rôle absolument différent. L’Afssaps doit jouer le rôle de la police du médicament : ce doit être le garant du système de sécurité vis-à-vis du médicament. Elle doit donc jouer un rôle évidemment lors de l’AMM, en autorisant la mise sur le marché de molécules qui ont un rapport bénéfice/risque suffisant. Elle doit le faire, comme le réclame son nouveau président, le Pr Dominique Maraninchi, depuis l’AMM jusqu’à la fin de la vie du médicament et non pas comme actuellement jusqu’à cinq ans. Et évidemment l’Afssaps doit jouer un rôle majeur dans la pharmacovigilance. Je pense cependant qu’elle doit le faire en coopération avec l’INVS, qui a des moyens de pharmaco-épidémiologie que l’Afssaps n’a pas et qui pourrait donner des renseignements sur des évènements peu fréquents.
La HAS est une autorité publique indépendante et son rôle est de conseiller. En matière de médicament, elle conseille la CNAM pour le remboursement et le taux de remboursement, en fonction d’un système que je trouve personnellement bien compliqué – le service médical rendu – et elle conseille le CEPS pour la fixation du prix, en fonction d’une échelle qui est également bien compliquée – l’amélioration du service médical rendu -. Ce sontau final deux actions complètement différente : sur la sécurité d’un côté et de conseil sur le remboursement et le prix de l’autre. »
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...