Pour la 3ème année consécutive le marché français du médicament remboursé par l’assurance-maladie ne progresse que très faiblement, autour de 1 % en 2010, pour un total de 27,2 milliards d’euros. Les génériques de leur côté poursuivent une croissance à deux chiffres, dont rêverait plus d’un laboratoire de princeps.
En termes d’unités vendues, ce sont quelque 630 millions de boîtes de génériques que les pharmaciens d’officine auront délivrés aux assurés sociaux dans le cadre de la substitution que les premiers sont encouragés à faire depuis 1999 (1). En volume, les ventes de génériques ont ainsi représenté 24,4 % du marché pharmaceutique remboursable, alors qu’en valeur, ces mêmes génériques n’en représentent que 13,2 % et ont atteint l’an passé un chiffre d’affaires totale de quelque 2,577 milliards d’euros (2). Le marché du générique français a ainsi progressé de + 10,4 % en valeur en 2010, tandis que le marché total des produits pharmaceutiques remboursés par les caisses d’assurance-maladie et les mutuelles n’a augmenté que de 1,1 % pour atteindre un total de 27,2 milliards d’euros.
Très faible croissance des ventes en ville
Cette progression du chiffre d’affaire global de la pharma en France doit cependant être nuancée. Car en 2010, sa croissance est essentiellement tirée par l’hôpital où les ventes de médicaments ont progressé de 2,8 %, alors qu’en ville elles n’ont que faiblement évolué, à + 0,4 %. Dans ce dernier secteur, les ventes de produits non remboursés ont même, contre toute attente régressé, à – 0,8 %, alors que le passage en libre accès des produits de médication officinale devait relancer ces derniers. Quant aux médicaments remboursés et délivrés en officine, leur progression a été faible, à 0,5 % selon le GERS, et de 1,4 % selon la CNAMTS (3). Une quasi-stagnation qui explique l’effondrement des marges des officines, estimé par les syndicats médicaux à quelque 300 millions en 2010 et que rien jusqu’alors n’a été en mesure de compenser.
Réduction des emplois de la branche
Pour l’avenir, les perspectives que se donnent les industriels du médicament, en proie à une générication croissante de leurs produits et à des restructurations multiples de leurs activités, ne sont gère meilleures. « En 2011, le marché domestique devrait demeurer en ligne avec l’année 2010, avec une croissance autour de 1 % », explique Christian Lajoux, président du LEEM. Cette situation a conduit la branche à réviser ses effectifs à la baisse, à – 2,7 % en 2010 (hors sous-traitants de production), notamment dans les rangs des visiteurs médicaux, dont le nombre diminue année après année (de 24 000 en 2005 à 18 300 en 2010). « Ces chiffres traduisent les réorganisations mises en œuvre par le secteur pour sauvegarder sa compétitivité sur la scène internationale, mais aussi pour préserver l’emploi en France dans une perspective de long terme », analyse encore le patron du LEEM. Une « préservation des emplois » qui passe cependant par des plans successifs de réductions des effectifs, conséquence des récentes fusions opérées dans la branche mais aussi de la réduction drastique de son chiffre d’affaire dans l’Hexagone comme dans l’ensemble des pays européens. Seul point de satisfaction, le chiffre d’affaire des exportations françaises de médicaments poursuit sa croissance, à + 5 % pour atteindre les 25 milliards d’euros et permettre un solde positif de la balance commerciale pharmaceutique de l’ordre de 7 milliards d’euros, toujours selon le LEEM.
1,7 milliard d’économie grâce aux génériques
Dans le contexte actuel des déficits cumulés par la Sécu et en particulier de sa branche maladie (10 milliards attendus en 2011, plus de 50 milliards cumulés depuis 2007), les représentants du GEMME, organisation qui rassemble les génériqueurs opérant en France, se félicitent des économies réalisées par l’utilisation des médicaments génériques, qu’ils chiffrent à 1,7 milliards d’euros en 2010. « Cette économie est possible grâce à la forte pression appliquée sur les prix des médicaments génériques », note encore l’organisation présidée par Pascal Brière, pdg de Biogaran, filiale de Servier numéro 2 des génériqueurs opérant en France (24,5 % de part de marché, derrière le leader Mylan). Le GEMME rappelle ainsi que le prix fabriquant d’une spécialité générique est fixée lors du lancement à – 55 % de celui de la spécialité de référence. « Il s’agit du plus fort taux de décote appliqué en Europe sur les marchés dont le prix du médicament est fixé par l’administration. Ce prix est ensuite baissé de 7 % après 18 mois de commercialisation et il peux également être soumis à des baisses spécifiques, comme ce fut le cas sur les statines et les IPP en avril 2010 ». L’arrivée massive de nouveaux génériques, conséquence des pertes de brevets de grands blockbusters, pourrait entraîner un mouvement de baisse de prix des futurs génériques, à l’instar de ceux mis en oeuvre en Allemagne où le gouvernement impose de longue date des pratiques de ristournes obligatoires des fabricants aux caisses d’assurance-maladie. Pour éviter une transposition à la France d’un mouvement de baisses de prix des médicaments génériqués – qui serait fatal aux officines – le GEMME se prépare à rendre publique une étude dédiée au sujet. A suivre.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Un accord entre les pharmaciens et le gouvernement a été conclu en juin 1999 (décret du 12 juin 1999). Par ce dernier, les pharmaciens possèdent un droit de substitution qui leur permet de proposer des médicaments génériques à leurs clients en remplacement de certains médicaments de référence (princeps) prescrits. Ils doivent indiquer sur l’ordonnance le nom du médicament délivré et la posologie proposée. Le médecin prescripteur peut refuser la substitution. Le médicament générique est vendu entre 30 et 50 % moins cher que le prix d’origine. Pour inciter les pharmaciens à utiliser leur droit de substitution, et pour combler la diminution de leur marge bénéficiaire, la loi prévoit une rémunération adaptée sur leurs ventes, composée d’un forfait à la boite associé à un barème proportionnel au prix du médicament.
(2) Source GERS/Cegedim
(3) Selon la caisse nationale d’assurance-maladie, « l’évolution des dépenses de médicaments est restée maîtrisée en 2010 (+2,3%). La progression est même plus faible si l’on ne considère que les seuls médicaments délivrés en officine : +1,4% en 2010 (contre +2,5% en 2009). Cette décélération se retrouve sur les volumes (+3,3% en 2010 contre 4,2% en 2009). Si les dépenses totales de médicaments évoluent plus rapidement que celles en officine, c’est en raison de la forte augmentation des dépenses de médicaments rétrocédés par les hôpitaux publics (+15,7% après -7,3% en 2009). Cette accélération est due au rattrapage de retards de facturation de 2009 qui se sont retrouvés dans les remboursements de 2010. «
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...