[singlepic id=363 w=320 h=240 float=left] »La crise et, plus largement, les bouleversements que connaît la France, rendent nécessaire l’existence de services publics solides », plaide la Fédération Hospitalière de France (FHF) dans un document qu’elle a rendu public début janvier autour du titre : « le service public de santé, une ambition pour la France – 2012 -2017 ». L’organisation faîtière des établissements de santé publics impliqués dans les soins, la prise en charge des personnes dépendantes ou handicapées, l’enseignement et la recherche en santé, entend donner de la voix dans ce concert de programmes qui s’affichent dans le secteur de la santé. Après les patients, avant les praticiens libéraux, voici donc le secteur public de l’hospitalisation française qui défend sa « vision globale d’un service public de santé ». Un vision par laquelle la Fédération entend cependant redéfinir une organisation nouvelle du système de santé où le monde des professionnels de santé ambulatoires devra s’inscrire dans une « vision renouvelée de la médecine de proximité ». Analyse.
« La plate-forme que présente aujourd’hui la Fédération hospitalière de France s’inscrit dans un seul objectif, explique son document : consolider notre pacte républicain en présentant aux dirigeants politiques une vision courageuse et responsable, fondatrice de l’évolution vers un service public de santé. » « Au-delà des mesures techniques qui sont proposées dans ce projet, c’est d’abord une conception du service public de santé que la FHF entend porter. » D’emblée le ton est donné et le mot « public » (ou « publique ») sera celui que le lecteur retrouvera le plus souvent (197 fois !) dans un texte de quelque 40 pages au long desquelles la Fédération, présidée par Frédéric Valletoux et pilotée par son délégué général, Gérard Vincent, entend lui donner du sens. Car il faut le savoir, dans un monde dominé par la financiarisation de l’économie (la perte d’un « A » ce vendredi 13 janvier lui redonne du poids et compliquera le financement de notre dette sociale), le service public, lui, « ne se négocie pas, ne se choisit pas, ne se morcelle pas. » Soit, pourquoi pas dirons ses plus ardents défenseurs ! Dans ce registre, nous est-il expliqué, il convient de « mettre en avant la ressource humaine, de la protéger et de la promouvoir ». Une « ressource » qui, faut-il le rappeler pèse de tout son poids dans le fonctionnement des hôpitaux comme dans leurs dépenses. En un mot, il faut, pour ce service sanitaire, « attirer de nouveaux talents, offrir de nouvelles perspectives de carrière et d’épanouissement professionnel, garantir la protection des professionnels en permettant les évolutions nécessaires des structures, et enfin impliquer davantage tous les acteurs dans les projets et dans la mise en oeuvre du service public de santé. » L’heure étant aux « contrats », la FHF, au-delà de ses déclarations de foi, en propose un nouveau à ceux qui aspirent à conduire les affaires et préparer la France de demain.
10 recommandations aux présidentiables
La Fédération formule ainsi pas moins de 10 recommandations centrales dont certaines sonnent comme autant de généralités, telle celle qui voudrait que « la santé publique constitue la valeur cardinale du service public » – la santé dans le secteur privé serait-elle soumise à la seule valeur de l’argent ? – ou que les représentants des usagers du service public de santé soient « des partenaires à part entière ». 2012 sonnera également le 4 mars prochain le 10ème anniversaire de la loi dite Kouchner sur « les droits des malades et à la qualité du système de santé » et il faut dans ce registre se rappeler que leur reconnaissance dans l’hospitalo-centrisme dominant de l’époque ne fut pas une promenade de repos. Un hospitalo-centrisme que la FHF ne semble pas avoir totalement abandonné quand elle avance vouloir faire bénéficier les français d’une « stratégie de groupe publique » en installant ses établissements dans une « politique territoriale de prise en charge des patients et résidents dans le cadre de filières de soins et de prévention de la perte d’autonomie et du handicap. » Pour autant, le FHF considère que « l’hospitalo-centrisme a vécu » (1), estimant que, dans les nouvelles approches du territoire et de l’environnement hospitalier déclinée par la loi HPST et les agences régionales de santé, « les établissements s’inscrivent dans les dynamiques territoriales, contractualisent, participent aux réseaux, structurent des filières, au service et dans une vision de la santé publique. » Ainsi au plan stratégique régional de santé des ARS sur lequel chaque agence assoit ses interventions, la FHF surajoute une « projet stratégique de santé publique ». A force de plans et de projets, le citoyen risque d’avoir de plus en plus de mal à comprendre comment fonctionne notre système de santé et quelle peut être la raison d’être de cette gouvernance publique : l’efficacité des soins et de la prise en charge ou la simple recherche d’une optimisation des coûts ?
L’hôpital garant de l’offre de soins ambulatoires[singlepic id=361 w=320 h=240 float=right]
La FHF, dans sa nouvelle bible, nous livre son schéma sanitaire pour l’après 2012 : « L’hôpital public et les établissements médico-sociaux doivent constituer la « colonne vertébrale » des réseaux et filières sur le territoire. Ils constituent le lien entre la proximité et le recours en raison des compétences dont ils disposent ainsi que des missions de service public qui leur incombent. Ils ont pour devoir d’accorder à l’ensemble des acteurs de santé présents sur le territoire un rôle responsable dans la chaîne des prises en charge des usagers. » Mieux encore et pour mieux ancrer l’hospitalo-centrisme relooké dans le paysage de la santé de demain, la FHF propose que le service public hospitalier et médico-social [soit] « en capacité de garantir une offre de soins ambulatoires de premier niveau sur chaque territoire ». Mieux encore : « en cas de carence constatée, les établissements publics de santé sont autorisés, dixit la FHF, à organiser au sein du territoire le maintien d’une offre de soins ambulatoires ». Elle prévoit même de faire financer cette mesure « forfaitairement par un prélèvement sur l’enveloppe de ville » (77,3 milliards d’euros prévus dans l’ONDAM pour 2012, contre 145,5 milliards pour les établissements de santé). Les ARS et les Unions régionales de professionnels de santé (URPS) nouvellement installées apprécieront !
Une offre de santé « soutenue par les CHU »
« Cette responsabilité implique la définition de nouveaux modes d’exercice et une vision renouvelée de la médecine de proximité », précise même la Fédération, qui va jusqu’à proposer que la nouvelle organisation territoriale de l’offre de santé soit « soutenue par les CHU ». Des CHU qui « devront assurer une mission de soutien, de formation des professionnels, de recherche mais aussi d’évaluation de la qualité des soins dans les filières. » Ainsi, les établissements publics seront demain les concepteurs du projet médical et médico-social de territoire, élaboré certes « en association avec les représentants des Unions régionales des professionnels de santé (URPS), en particulier ceux de la médecine de ville ». Et pour finaliser le tout, la FHF propose de toiletter les règles juridiques en vigueur sur le régime des coopérations, estimant qu’elles constituent pour l’heure « un frein à la création des filières de prise en charge. »
[singlepic id=364 w=160 h=120 float=left]Pour ne pas être en reste dans l’organisation sanitaire de demain, la Fédération présidée par Frédéric Valletoux (photo) propose même de réguler l’installation des médecins, dont la liberté d’installation est réaffirmée, mais dotée de nouvelles règles. Ainsi, « les médecins qui décident de s’installer en zone excédentaire ne pourront bénéficier, au mieux, que d’un conventionnement en secteur 1. » Quant aux dépassements d’honoraires, pomme de discorde permanente entre assurés sociaux, mutuelles et praticiens, du public comme du privé (la facture est pour les premiers de 2,5 milliards par an), ils sont plafonnés, « y compris pour le secteur privé à l’hôpital » où, étrangement, ils ne seront pas interdits au nom de la défense du service public ! Au total, il n’est pas assuré qu’une telle vision des filières de soins, de la mise sous coupe du secteur ambulatoire pour lequel le conventionnement libéral sera encadré, recueillent des cris d’enthousiasme dans les rangs des praticiens libéraux ! Les réactions à la plate forme de la FHF ne devraient pas manquer de se manifester rapidement (2).
Jean-Jacques Cristofari
(1) en soulignant cependant que ce même hospitalo-centrisme serait « souhaité, de manière implicite, par les usagers du service public » à travers l’usage que font ces derniers des urgences hospitalières !
(2) La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a aussitôt a accusé la Fédération hospitalière de France de vouloir « faire main basse sur la médecine libérale » et a répliqué vertement : « Les médecins libéraux ont permis à l’assurance maladie de réaliser entre 700 et 500 millions d’euros d’économies par an depuis 2005 grâce à leur engagement dans la maîtrise médicalisée, tandis que, dans le même temps, les déficits de l’hôpital coûtent plus de 400 millions d’euros chaque année à la nation ». »Au lieu de vouloir absorber la médecine de ville et de loucher sur ses financements, la FHF, ferait mieux de l’aider », a répondu la CSMF.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...