Alors que le marché français du médicament reprend en 2015 le chemin de la croissance, le marché allemand progresse nettement. De part et d’autre du Rhin, l’industrie pharmaceutique a été mise à contribution et la pression sur les prix des nouvelles spécialités est la règle.
En 2015, les dépenses en médicaments et tests de diagnostics prises en charge par l’assurance-maladie obligatoire allemande ont été de 32,3 milliards d’euros (hors vaccins) en prix publics, en hausse de 4,9 %. De son côté, le chiffre d’affaires des officines françaises a été de 20 milliards d’euros, en baisse de 0,2 %, et celui réalisé dans le secteur hospitalier de 10 milliards d’euros, en hausse de 5,7 %. De part et d’autre du Rhin, les ventes de médicaments ont connu une faible croissance en volume, avec + 1,2 % en Allemagne contre – 0,4 % dans l’Hexagone.
Entre janvier 2014 et décembre 2015, la situation des officines françaises s’est sensiblement redressée, même si elles demeurent toujours dans le rouge. Ainsi de – 3,3 % début 2014, les ventes ont, selon le GERS, poursuivi leur évolution négative, à – 1,8 % en janvier 2015, sans jamais repasser la barre des 0 %. Fin décembre, le chiffre d’affaire des pharmacies de ville s’est élevé, en cumul sur 12 mois, à quelque 20 milliards d’euros, en recul de 0,4 %. Sur ce montant, les produits de prescription médicale obligatoire – soit 84 % du total des ventes – ont atteint 16,763 milliards d’euros (- 0,1 %) et les produits en vente libre (remboursables ou pas) 3,268 milliards d’euros (- 0,8 %). Sur le total des médicaments remboursés par l’assurance-maladie, les ventes de produits génériques en DCI et remboursables ont représenté 3,353 milliards d’euros, en hausse de 1,3 %. Les génériques non remboursables ont représenté 2 milliards d’euros. Au chiffre d’affaires réalisé par les officines s’ajoutent les ventes réalisées à l’hôpital, soit 10,136 milliards d’euros, en prix publics hors remises et ristournes. Les médicaments Hors GHS (c’est-à-dire prescrits lors d’une hospitalisation et facturables en sus des prestations d’hospitalisation) et les médicaments rétrocédables (c’est à dire vendus par les pharmacies hospitalières à des patients non hospitalisés, dont des médicaments vendus en double circuit ville/hôpital) ont représenté à eux seuls la moitié de la facture hospitalière précitée, soit 5,16 milliards d’euros. Reste qu’après l’envolée connue en 2014, à + 17 % en prix tarif, le marché hospitalier est revenu l’an passé à une évolution plus raisonnable, avec + 5,7 %. Ainsi, en 2015, les ventes de médicaments se sont élevées sur le marché français, selon le GERS, à un total à 30,167 milliards d’euros.
Un effort 7 fois supérieur outre-Rhin
Ce chiffre est à rapprocher du montant des ventes de spécialités pharmaceutiques remboursées outre-Rhin par l’assurance-maladie publique aux assurés allemands, soit 32,3 milliards d’euros, après les rabais consentis par les industriels et les pharmacies sur la base des contrats signés avec les caisses maladie. Ces « économies » supportées par le poste médicament ont, en 2015, été de 7 milliards d’euros, répartis comme suit : 2,4 milliards de remises consenties par les laboratoires, 1,115 milliards accordées par les pharmaciens sur les produits de prescription et 3,4 milliards de rabais octroyés par convention avec l’assurance-maladie. Des chiffres qui ne tiennent cependant pas compte des accords de prix passés entre les industriels et les assureurs privés, estimés selon IMS à environ 400 millions d’euros.
Cette contribution du secteur du médicament aux économies réalisées par l’assurance-maladie allemande (7 milliards d’euros) est à rapprocher des efforts demandés aux industriels et aux officinaux français dans le cadre de la loi de financement de la Sécu pour 2015, soit 1,065 milliard d’euros d’économies sur le médicament, répartis en 550 millions d’euros de baisses de prix ( 611 millions en prix fabricant HT) et 435 millions d’euros de promotion et de développement des génériques. Pour 2016, la note grimpera en France à 1,5 milliard, avec 500 millions de baisses des prix, 395 millions via la promotion et le développement des génériques, 400 millions via des actions de maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments et 100 millions via la lutte contre les iatrogénies médicamenteuses.
50 % des économies sur le médicament
« De telles économies centrées sur le médicament inquiètent les industriels, dans un contexte économique tendu, a fait savoir Patrick Errard, président du LEEM, en septembre 2015 : « En décidant de faire porter à cette industrie près de la moitié des efforts d’économies, alors que le médicament ne représente que 15 % des dépenses, les autorités diffèrent, année après année, le chantier de réforme globale dont notre système de santé a un besoin vital et urgent« , ajoute le patron de l’organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France. « La pression exercée sur le médicament, comme sur d’autres acteurs du système de santé, ne peut plus tenir lieu de politique de maîtrise des dépenses de santé !« , déplore encore ce dernier. « Les entreprises du médicament, à l’instar de nombreuses composantes du système de santé, ne demandent rien d’autre que d’être associées à une vraie réforme du système de santé. C’est pourquoi le Leem en appelle aujourd’hui à une mobilisation de tous les acteurs, industriels, soignants et patients, pour bâtir un système mieux structuré, plus efficient et capable de tirer parti des formidables innovations thérapeutiques, numériques, organisationnelles, qui vont révolutionner l’approche des soins et de la maladie ».
Les prochaines conclusions du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), attendues pour ce printemps, diront si cet appel a été entendu et si ces objectifs sont encore réalistes dans le contexte économique actuel, qui ne laisse entrevoir aucune issue favorable sur le front du chômage et donc sur celui du rétablissement des recettes et donc des comptes de l’assurance-maladie.
Jean-Jacques Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...