[singlepic id=656 w=300 h=220 float=left]Les relations qu’entretiennent la médecine générale et les médecins généralistes avec les autres spécialités médicales témoignent d’une longue histoire dans laquelle l’idéologique et la sociologie des métiers sont déterminants. Dans une approche découpée du corps et des hiérarchies découlant des spécialisations, la prise en compte des aspects sociaux et économiques dans le domaine de la santé est variable selon l’idée que chacun se fait de l’importance de son rôle et de son autonomie professionnelle. La notion de liberté est un prétexte régulièrement mis en avant…
Les stratégies d’influences des professionnels comme du grand public sont devenues essentielles, compte-tenu du marché économique que représente la santé et du développement des supports de médiatisation. Elles le sont d’autant plus que leur encadrement officiel est limité, plus théorique et formel qu’opérationnel, les priorités restant le libre choix non organisé.
Un bruit de fond social
Le débat lié à la place « excessive » prise par les contraceptifs de 3ème et 4ème génération (CO 3 G) prescrits par les gynécologues, et de façon moindre par les généralistes souligne les contradictions sur des risques bien connus depuis plus de 10 ans.
Cela conduit à s’interroger sur certains des déterminants interdépendants et sous-jacents, en particulier :
Tous ces éléments sont directement liés au bruit de fond social dans lequel interfèrent :
Les spécificités du système français
Du coté des praticiens soignants et prescripteurs il faut distinguer les « médecins dépendants » de ceux qui sont des « patients dépendants ». Mais dans tous le cas, il y a volonté d’évitement d’un conflit médical frontal qui serait nuisible à leurs besoins et intérêts respectifs, d’autant que la non régulation actuelle du système de santé permet à chacun de définir ses priorités et de préférences d’exercice dans des niches choisies.
[singlepic id=657 w=260 h=180 float=left]Ces contextes expliquent pour une large part ce qui est qualifié de « spécificités du système français ». Le fait que les médecins hollandais prescrivent 80 % de contraception de 2eme génération devrait nous interroger. Coté Danois, les médecins initialement prescripteurs de 70% de CO 3G aient réduits de 50% leur perception de CO 3G suite au rappel de leur bon usage. Ces exemples nous montrent que l’objectif de pertinence, qualité et sécurité des soins est parfaitement accessible ailleurs.
Ces aspects, mis en lumière dans l’affaire des CO 3G, mobilisent les logiques de communication, de promotion, de vulgarisation des médicaments (et autres produits et services de santé non) qui sont les mêmes. Notamment pour des produits qui visent les grands nombres et les grands volumes. Le champ des soins primaires et la médecine générale sont ainsi particulièrement exposés. Les médecins généralistes sont ainsi sous la double contrainte d’une tenaille professionnelle et profane, dans laquelle les solutions sont plus ou moins simples et confortables : entre soumission et séduction ou rébellion et autonomie.
De nombreux éléments de ce puzzle sont en cours de remaniement avec de changements à des niveaux différents : nécessité de justification des dépenses, clarté accrue sur les liens d’intérêts, crise économique de la presse médicale avec, au pire, la disparition de journaux spécialisés ou, au mieux, des changements de périodicité dans les parutions, évolution des stratégies d’influence, et point important développement en cours de l’expertise collective en médecine générale.
Une expertise en cours de création
Ce dernier aspect est essentiel, car une discipline en cours de constitution doit être d’autant plus attentive qu’elle souhaite devenir crédible et constituer, pour les soins primaires de médecine générale, l’expertise universitaire et professionnelle dans son champ. Cette expertise dans les soins de premier recours vise non à se substituer à celle des spécialistes des autres spécialistes médicales, mais à prendre sa place naturelle, notamment quand il s’agit de traiter scientifiquement et médiatiquement des questions spécifiques de médecine générale et de soins primaires.
Reste que quel que soit les éléments positifs nouveaux, les aspects de régulation du système s’imposent. Le mythe de d’autorégulation et de la bonne volonté des acteurs a atteint ses limites. L’histoire de la sécurité routière et de l’évolution de la mortalité sur les routes nous a montré que le temps et les actions successives (contraignantes ou non) sur des facteurs techniques multiples n’empêchent pas de devoir influencer aussi les comportements des conducteurs. En matière de santé, les dommages les plus importants ne sont pas ceux liés aux risques médicamenteux, mais aux effets de la non organisation du système de santé et ses multiples impacts sur la protection sociale et la qualité des soins.
Jean Luc Gallais[singlepic id=658 w=160 h=120 float=right]
Directeur Conseil scientifique Société Française de Médecine Générale (SFMG), spécialiste en médecine générale et en santé publique