A l’occasion de ses voeux de nouvelle année, le président du Leem, Frédéric Collet, par ailleurs président de Novartis France, a détaillé la manière dont les entreprises du médicament ont géré et accompagné la crise sanitaire et comment elles y ont répondu.
L’année écoulée n’a pas été, de l’avis du patron du syndicat des laboratoires pharmaceutique, un long fleuve tranquille. Bien au contraire et il aura fallu à tous les acteurs de la chaine du médicament ramer dans le bon sens et parfois en remontant des courants difficiles. « Nos entreprises et nos collaborateurs ont répondu pleinement et parfaitement à l’urgence sanitaire avec une priorité absolue, a plaidé Frédéric Collet : assurer aux patients, à l’hôpital comme en ville, la continuité d’accès aux médicaments qui leur sont indispensables, en particulier dans les maladies chroniques ». Une certitude domaine la période écoulée : la branche pharma a vécu une « mobilisation à l’échelle planétaire [qui] a permis de faire face à des niveaux de demande de médicaments sans précédent. »
Relocaliser sans démondialiser
Mais la crise sanitaire a surtout été un révélateur, celui de faiblesses, dénoncées de longue date et qui pèsent sur une branche d’activité dont le caractère stratégique a souvent été mis en avant, sans que de réelles réponses lui aient été apportées. » 2020 a mis en évidence la dépendance de l’Europe et plus encore de la France vis-à-vis de l’étranger pour ses approvisionnements en matières premières et en médicaments « , a encore souligné le président du Leem, qui invite les acteurs de la pharma à « relocaliser sans démondialiser« . Sans doute que les Big Pharma sont allées trop loin dans leur volonté de se déployer à l’échelle mondiale – en particulier en Chine – et que l’heure a sonné du retour au bercail ! L’Europe n’a pas non plus été réellement au rendez-vous de cette crise, plaide Frédéric Collet, pour qui il y a eu « défaut de coopération et de coordination européennes« , traduit dans « l’absence de stratégie commune de dépistage » ou encore « la résurgence des tensions et divisions au plan sanitaire comme au plan budgétaire« .
Le constat établi, le patron du Leem a insisté sur le caractère vital de son industrie dont le caractère « stratégique » n’est plus à démontrer. Il rappelle à cet égard qu’en 10 ans, nous sommes passés du rang de premier producteur européen à celui de quatrième. Le message a bien été reçu dans les rangs du gouvernement et des parlementaires de la majorité : la baisse « significative » des impôts de production, le « Plan France relance » dont 35 milliards sur 100 annoncés porteront sur la réindustrialisation, le fléchage de la filière pharmaceutique comme l’une des 5 reconnues comme prioritaires, la baisse de la contribution nette du secteur à la politique de maîtrise des dépenses de santé (640 millions d’euros contre 920 en 2019), l’accord cadre en discussion, sont autant de signes récents qui militent en faveur d’une reconnaissance de ce caractère stratégique. Et comme il ne saurait y avoir d’amour sans preuves d’amour, le ministre de la Santé comme celle de de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie n’ont pas manqué de donner un « signal fort au secteur » en 2020.
Résilience et d’innovation
Face à la crise sanitaire, les entreprises du médicament n’ont pas démérité, poursuit Frédéric Collet : parties d’une feuille blanche, elles ont « onze mois plus tard, fait des pas de géant. » Pour preuve : » Près de 2.500 essais cliniques ont été lancés à travers le monde pour identifier une solution thérapeutique ou vaccinale, souligne ce dernier. La France s’est trouvée en deuxième position (derrière les Etats-Unis) pour initier ces essais. Jamais dans l’histoire de la médecine, la recherche vaccinale n’a été aussi massive et rapide. Près de 300 candidats vaccins sont développés aujourd’hui, dont 20 sont en phase III et déjà 2 vaccins ont été approuvés en Europe et sont disponibles pour les patients Français. » Et dans les rangs des entreprises du médicament, « 100 000 salariés de l’ombre se sont mobilisés jour et nuit pour répondre à la demande sans précédent de médicaments pour les patients souffrant de la Covid-19« . En un mot, il y a eu une « formidable capacité de résilience et d’innovation de notre secteur. » Le grand public a apprécié ses efforts : 2/3 des Français considèrent que les entreprises du médicament ont activement participé à l’effort contre la Covid-19, note une étude Ipsos du Leem.
Les pépites sont dans les biotechs
Ce bilan a été complété par une analyse des points d’amélioration sur lesquels le président du Leem estime qu’il faudra mieux faire et agir rapidement. En premier lieu sur la question récurrente des ruptures d’approvisionnement. Si la complexification de la chaîne de valeur et de production dans la stratégie mondialisée des big pharma n’y est pas étrangère, Frédéric Collet estime cependant que les réponses imposées par les pouvoirs publics (généralisation à 4 mois de l’obligation de stockage) constituent un « remède pire que le mal ». Un projet de plateforme TracStocks devrait apporter une réponse sous peu à la question des ruptures.Sur la question de transparence des aides publiques, notamment sur les investissements publics de R&D dont les entreprises ont bénéficié lors du développement de leurs produits, le président du Leem confie « entendre les aspirations de la société« . Une disposition de l’Accord-cadre entre le CEPS et le Leem devrait permettre de traduire dans les faits cette nouvelle mesure. Pour peu que la transparence ne soi pas unilatérale ! Car le Leem souhaite que soient également transparents les financements des entreprises du médicament vers la recherche publique. « L’industrie pharmaceutique a besoin de la recherche académique et du tissu des startups en particulier dans le monde des biotechs pour trouver les pépites qui seront les médicaments innovants de demain. » Quant à la question également récurrente des prix des médicaments, Frédéric Collet rappelle volontiers que « de multiples informations sont déjà publiques », comme il souligne que le prix de l’innovation est aussi le prix du risque que les actionnaires acceptent de prendre en investissant en action dans la branche pharmaceutique !
» Nous avons besoin de cohérence dans les politiques du médicament, conclut le président du Leem. Les actes doivent coïncider avec les discours – et nous jugerons si les promesses entrevues en 2020 se trouveront consolidées en 2021. » « 2021 marquera, je l’espère, un redressement de la place de la France dans la recherche clinique, un renforcement des partenariats public/privé, un investissement accru de notre secteur sur les enjeux de santé publique, d’environnement et de réputation. Ainsi bien sûr que la poursuite de la révolution thérapeutique engagée depuis plusieurs années. »
J-J Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...