Depuis le 1er janvier dernier, le paysage de la couverture santé complémentaire s’est considérablement modifié. L’obligation faite à toute entreprise de proposer à ses salariés un contrat d’assurance santé n’a pas été sans effet sur le niveau des garanties offertes aux assurés. Le Contrat d’accès aux soins (CAS) joue dans ce registre un rôle déterminant. Le cabinet de conseils Mercer dresse son bilan.
« Dans la majorité des cas, les bénéficiaires de ces contrats responsables vont donc subir une baisse de leurs garanties, principalement sur les médecins n’ayant pas opté pour le Contrat d’accès aux soins » (CAS), note le bilan que vient d’effectuer la société Mercer, cabinet de conseils, avec son dernier Baromètre Santé. Autrement dit, « les familles devront, selon les situations, assumer en partie les dépassements d’honoraires (DP) facturés par les médecins – en particulier ceux du secteur 2, à honoraires libres – qui les soignent, si ces derniers n’ont pas adhéré au CAS. » Si 26,9 % des médecins de secteur 2 ont adhéré au CAS, le taux d’adhésion est plus fort dans les rangs des généralistes en honoraires libres (49 %) que dans ceux des autres spécialistes (29 % seulement). Parmi ces derniers, viennent en tête les cardiologues (43 %), suivis des radiologues (38 %), des pédiatres (37 %), des gynécologues-obstétriciens (21 %), des anesthésistes (18 %), des chirurgiens (15 %) ou encore des ophtalmo (10 %).
Un pari risqué
« L’enjeu financier des familles se concentrera sur ces praticiens », explique Mercer. « Ces familles modifieront-elles la sélection de leurs médecins en s’orientant vers des signataires du CAS ou des praticiens du secteur 1 ? » Tout dépendra des choix possibles, dans les différents points de l’Hexagone, pour les assurés, entre médecins secteur 1 et secteur 2 (en CAS ou pas) parmi les spécialités. Ainsi en Ile-de-France, 4 médecins sur 10 (39 %) exercent en secteur 2 sans être adhérents au CAS, c’est plus du double de la moyenne nationale. 12 % des généralistes et 56 % des spécialistes sont dans ce cas. « Selon la spécialité, la part des médecins de secteur 2 non CAS est en général 1,5 à 2,5 fois supérieure en IDF qu’en moyenne sur la France entière ». Si le nombre de médecins secteur 2 non CAS est de 39 % sur la région parisienne, le taux chute à 15 % en région pour une moyenne nationale de 19 %.
Conclusion, les zones rurales, où seuls 8 médecins conventionnés sur 100 exercent en secteur 2 sans adhérer au CAS, sont a priori épargnées par les incidences du contrat responsable. « Les habitants de ces communes rurales, confrontés à d’autres problématiques (désert médical, …) devraient donc être faiblement impactés par la refonte du contrat responsable. Ce ne sera cependant pas le cas des villes de moyenne importance (+ de 50 000 habitants) où la proportion de médecins de secteur 2 est rarement inférieure à 10 %. Dans ces zones, 3 médecins sur 10 en moyenne ont opté pour le CAS, avec de fortes disparités géographiques. Au total, pour les assurés, les situations sont très inégalitaires face aux impacts potentiels de la refonte du contrat responsable, mesurés par la proportion de médecins exerçant en secteur 2 sans adhérer au CAS, note encore le baromètre Mercer. Sur 100 médecins conventionnés, on trouvera par exemple 39 médecins de secteur 2 « non CAS » à Lyon, contre 17 à Marseille, et on en dénombrera 31, 28, 25 et 24 à Strasbourg, Nice, Grenoble et Bordeaux, mais pas plus de 19 à Saint- Etienne, Toulouse, Lille ou Nantes. Paris reste la lanterne rouge, avec 57 % de médecins conventionnés exerçant en secteur 2 sans adhérer au CAS.
« Vouloir pressuriser l’offre de soins (les prix) en réduisant la capacité financière de la demande (le pouvoir d’achat et la couverture santé des ménages) nous paraît être un pari excessivement risqué, dont les gagnants seront peu nombreux », conclut l’étude de Mercer. « Il y a fort à parier que, finalement, les efforts tarifaires des médecins, induits par la refonte du contrat responsable, seront limités, voire inexistants, au pire inversés. » Trouver une offre de soins sans dépassements élevés va devenir de plus en plus difficile. Ce d’autant que les spécialistes concernés par le CAS n’ont pas vu leurs honoraires relevés dans le cadre de la convention médicale signée cet été. « Quant aux assureurs santé, les complexités de gestion induites par la création du CAS devraient rapidement grignoter les gains techniques issus du plafonnement des garanties. »
Jean-Jacques Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...