1,3 milliard d’euros vont être alloués à la médecine libérale à compter de l’an prochain. C’est le résultat du récent protocole de négociation entre la CNAM et les syndicats médicaux. Sur cette somme 960 incomberont à l’Assurance-maladie obligatoire. L’enveloppe va servir à revaloriser les tarifs des actes des médecins et à créer de nouveaux forfaits qui tiennent compte des conditions d’exercice des praticiens. La médecine générale sort grande gagnante d’une négociation de 5 mois en raflant les 3/4 de l’enveloppe accordée aux 100 000 médecins libéraux, soit 16 000 euros de plus par médecin généraliste et par an. Du jamais vu depuis qu’existe la convention qui lie les praticiens libéraux à l’Assurance-maladie
Claude Leicher, président de MG France, est un homme heureux. Au terme d’une négociation sur la table de laquelle son syndicat, MG France, avait placé une revendication intangible – réajuster le prix de la consultation de base du généraliste à 25 euros, soit au niveau de toutes les spécialités -, le patron de la CNAM, Nicolas Revel, a in fine donné son accord pour ne pas voir trois mois de débats et de discussions tarifaires voler en éclat. Ce passage à 25 euros – par application d’une majoration spécifique de 2 euros, dite « MGG » – se fera donc en mai 2017, comme demandé avec insistance par le syndicat des généralistes. Et non, comme souhaité par la CNAM qui cherchait à gagner du temps, en deux étapes (un euros en 2017, un autre en 2018). L’Assurance-maladie aura certes gratté une année supplémentaire pour appliquer une mesure attendue par les généralistes depuis 2011 et qui leur aura fait perdre quelque 10 000 euros par an. « Cette mesure d’équité tarifaire entre tous les médecins est un des signes de reconnaissance dont la médecine générale avait besoin », se félicite Claude Leicher à la sortie des négociations, en ajoutant : « Le gouvernement a été sage de l’accorder ». Car dans cette négociation, MG France ne s’est pas contenté du rattrapage de la consultation de base à 25 euros, tarif de base de toutes les autres spécialités. « Nous avons obtenu la reconnaissance de la complexité de certains actes et l’amélioration de leurs rémunérations, poursuit son président. Les revalorisations importantes prévues dans ce texte conventionnel sont nécessaires, même si elles arrivent tardivement après 6 ans de blocage. Elles seront probablement insuffisantes à renverser une courbe démographique qui continuera à décliner dans les dix ans à venir « . Certains des actes de la médecine générale sont ainsi rémunérés à hauteur de 30 euros, en particulier ceux concernant la coordination dans le cadre du parcours de soins des patients, la pédiatrie ou la nécessité d’un avis urgent. Ce même acte pourra aussi atteindre 40 ou 46 euros dans un certain nombre de cas notamment les consultations en urgence à la demande des centres de régulation, les premières consultations de prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST) et de prescription de pilule, ou encore le suivi de l’obésité chez l’enfant. A elle seule, la majoration de la consultation à 25 euros devrait coûter 565 millions d’euros en année pleine dont 442 millions à charge de la seule assurance-maladie. Soit près de la moitié de l’enveloppe totale concédée par la CNAM qui s’élève à 978 millions d’euros. On comprend la satisfaction du seul syndicat qui représente les généralistes ex cathedra dans les négociations avec l’Assurance-maladie !
Des revalorisations et des forfaits
Le futur texte conventionnel devra cependant encore être accepté par au moins un syndicat pluri-professionnel (CSMF, FMF ou SML) pour être appliqué à tous les médecins libéraux. Y figurent diverses mesures qui ne devraient pas manquer d’améliorer les conditions d’exercice et les revenus des médecins et que ces mêmes centrales pluri-catégorielles auront du mal à refuser. Car outre la hausse du prix de la consultation de 2 euros, les médecins se sont vus accorder la hiérarchisation des consultations selon leur complexité (avec des actes à 25, 30, 46 et 60 euros), dont des majorations pour les actes concernant les consultations des enfants dans les différentes tranches d’âge. La convention inscrit également la création d’un forfait structure (entre 2275 euros en 2017 et 4620 euros en 2019) pour leurs cabinets médicaux (130 millions d’euros en année pleine), une autre mesure réclamée de très longue date par MG France, l’augmentation du forfait patientèle (1 200 euros de plus par médecin et par an) ou encore la mise en place d’une aide à l’installation en zone sous dense de 50 000 euros. Objectif : « Apporter une aide financière significative aux médecins s’y installant, lesquels doivent faire face aux frais d’investissement générés par le début d’activité en exercice libéral ». En contrepartie les jeunes médecins devront y exercer une activité minimal de 4 jours par semaine. Tous ces mesures, ajoutées à quelques autres ne connaîtront pas d’application avant, au mieux, le 1er mai 2017, et au plus tard au 1er avril 2018. C’est à dire que la note de 1,315 milliard supplémentaire pour les assurances obligatoire et complémentaire sera largement étalée dans le temps avant d’atteindre en 2018 leur pleine croissance.
L’arbitrage retenu par le patron de la CNAM a également entrainé la revalorisation de la visite longue (VL, 60 euros 3 fois par an), très attendue par les généralistes pour prendre en charge les personnes âgées ou les cas plus lourds à domicile. A cela s’ajoutera la création d’un forfait pour tous les patients de plus de 80 ans (42 euros, qui passent à 72 euros si le patient est en ALD) ou encore d’un autre forfait annuel pour les consultations dédiées à la prise en charge de l’obésité entre 3 et 12 ans (46 euros par an). Les généralistes bénéficieront également d’un forfait médecin traitant enfant (FMTE), de 6 euros par an et par enfant de 0 à 6 ans et de 5 euros par enfant de 6 à 16 ans. Une mesure demandée par MG France depuis son congrès à Marseille en 2013, inscrite par la suite dans la loi de modernisation du système de santé adoptée en 2015 et qui coûtera 20 millions d’euros à la CNAM. Enfin, d’autres mesures concernent la Rémunération sur objectif de santé publique (ROSP), dont les indicateurs seront simplifiés et qui sera étendue à tous les spécialistes, ou encore la vie conventionnelle en vue de permettre une « normalisation » des rapports avec les caisses maladie. La carte vitale sera solvabilisée : même si le dossier du patient n’est pas à jour, son utilisation entraînera de facto la garantie de la rémunération par le médecin. Un long chapitre concerne également l’application du tiers payant, non obligatoire et dont ont connaît les difficultés de mise en route pour le seul régime obligatoire..
Enfin, concernant la question des dépassements d’honoraires et pour répondre à l’épineuse question de « l’insuffisance de l’offre de soins à tarifs opposable de certaines spécialités », les partenaires conventionnels ont prévu de « poursuivre la dynamique initiée avec le contrat d’accès aux soins (CAS) instauré dans le cadre de la précédente convention en créant une option pratique tarifaire maîtrisée (OPTM) visant à améliorer l’accès aux soins des patients, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes, en développant l’activité à tarif opposable et en améliorant le niveau de remboursement par l’assurance maladie obligatoire. » Ici l’objectif clairement affiché par le patron de la CNAM est de mettre un frein à l’explosion passée des dépassements en proposant une nouvelle formule qui, au demeurant, n’est pas du goût des médecins spécialistes du secteur 2.
Le rôle du généraliste conforté
Au total, la future convention prévoit de conforter le rôle de premier recours du médecin traitant dans le suivi des patients (y compris des enfants) et dans l’organisation des interventions de second recours par d’autres spécialités que celle de la médecine générale. Ils sont, à cet effet, invités à éviter le recours aux hospitalisations inutiles et faciliter le retour à domicile des patients en sortie d’hospitalisation, à renforcer leurs échanges d’informations ou encore leurs actions de prévention. En un mot, le médecin traitant favorisera la coordination avec les autres professionnels et services participant aux soins de ses patients. « Son intervention contribue à la continuité ainsi qu’à la qualité des soins et des services apportés à la population », indique le texte final.
De nouveaux moyens – encore insuffisants de l’avis des syndicats, dont MG France – ont été dégagés pour répondre aux attentes des médecins généralistes libéraux. Mais il faudra attendre le 25 août à minuit, pour voir si les adhérents des syndicats ayant participé aux négociations accepteront le texte proposé et négocié avec l’Assurance-maladie. MG France a d’ores et déjà donné son accord (tout comme le BLOC, rassemblant les chirurgiens) et réunira ses instances le 10 septembre prochain – pour se prononcer sur le texte signé par Claude Leicher. La Fédération des Médecins de France reste sous la pression des ultra libéraux de l’UFML qui lui ont permis de réaliser un beau score lors des dernières élections aux URPS. Sa décision sera connue le 21 août. L’UNOF-CSMF réunira son Assemblée Générale Extraordinaire le mercredi 24 août 2016 – la veille de la date butoir fixée par le gouvernement – pour « se positionner sur la proposition de texte », qu’elle estime toutefois de nature à « améliorer les conditions d’exercice des médecins généralistes et rendre leur spécialité médicale attractive pour les jeunes médecins ». Il parait difficile au « collège » des généralistes présidé par Luc Dusquesnel de renoncer à toutes les avancées inscrites dans le texte. Mais il devra toutefois attendre que sa maison-mère, majoritairement tenue par les autres spécialités de l’UMESPE, assez hostiles au projet d’accord, indique sa position ! Le 25 août nous dira quelles conclusions auront tiré les spécialistes libéraux d’un marathon qui engagera la profession pour les 5 ans à venir. Ils ne sont pas les gagnants de la négociation. Une fois n’est pas coutume.
J-J Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...