[singlepic id=597 w=320 h=240 float=left]Le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le domaine de la santé modifie les comportements et attentes des patients, les pratiques des professionnels. Si ces innovations apportent des bénéfices en matière de prise en charge, elles soulèvent aussi de nombreuses questions. La journée éthique 2012 organisée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a été l’occasion de réunir médecins, pharmaciens, agences réglementaires, assureurs, patients et autres acteurs de santé. Un CNOM qui souhaite l’organisation d’un débat public, citoyen, sous forme de conférence de consensus, sur la protection des données personnelles de santé. Tous se sont penchés sur différentes problématiques : faut-il un grand portail d’information pour s’orienter dans le système de santé ? Comment garantir la confidentialité des données personnelles sur internet ? Quels outils faut-il mettre en place pour faciliter les échanges entre professionnels ? Les réponses apportées sont multiples. Pas toujours facile de s’y retrouver…
Le paradoxe est bien réel : en matière de santé, l’information disponible sur internet est prolifique. Pourtant, les patients éprouvent des difficultés à trouver la bonne information, à entrer dans le système de soins par la bonne porte. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’information disponible sur le web est prolifique, éparse, hétérogène ; un travail important doit donc être réalisé pour la rendre lisible et accessible à tous. Quel outil pourrait permettre au patient de mieux s’orienter ? Quel acteur est le plus légitime pour le mettre en œuvre ? Les avis se suivent… et ne se ressemblent pas forcément.
Quelle est l’objectivité de l’information ?[singlepic id=600 w=240 h=160 float=right]
Bruno Delforge, directeur de la Direction des Assurés à la CNAMTS, estime que l’assurance maladie est tout à fait légitime en matière d’information. Le but d’Ameli-Santé, « une pièce médicale, pas encore très développée, dans la nébuleuse Ameli », est ainsi de donner de l’information sur des problèmes de santé du quotidien. Pour autant, ce site « n’a pas d’autre but que de permettre un accès à l’information parmi d’autres »… A l’heure du web 2.0, il ne propose ni forum, ni conseil personnalisé, mais des informations rigoureuses, référencées. Le trafic n’est « pas explosif », avec 350000 à 700000 contacts par mois. Petite satisfaction tout de même : les visiteurs passent en moyenne trois fois plus de temps sur Ameli-Santé que sur les sites enregistrant les plus gros trafics. Un moteur de recherche va être proposé dans les semaines qui viennent, ainsi qu’une base médicaments.
[singlepic id=602 w=220 h=140 float=left]La Mutualité Française développe aussi son propre outil, « Priorité Santé Mutualiste », destiné à répondre à trois objectifs : information, orientation, accompagnement. Pour Etienne Caniard (photo), son président, la première question à se poser est celle de l’objectivité de l’information. Il estime que « tous les acteurs sont légitimes pour fournir de l’information ». Pour autant, il faut être clair sur le statut de l’émetteur et de l’information délivrée, et fournir au destinataire les clés de décryptage. A ses yeux, une information garantie par l’Etat n’est pas par nature une bonne information : « le rôle de l’état est moins de mettre à disposition une information finie que de jouer un rôle plus fondamental en amont, en fournissant des informations indispensables à son interprétation, à la façon dont elle va être partagée entre les acteurs ». Le rôle de l’Etat serait donc de fixer des orientations, donner de grands principes… et laisser faire les différents protagonistes.
Les ARS pour une « marque de référence »
A l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, Nicolas Péju, directeur de la démocratie sanitaire, de la communication et des partenariats, rappelle de son côté que la volonté de l’agence est d’améliorer le parcours de santé global des citoyens, en favorisant l’accès à un système lisible, accessible, sécurisé. « Google ne peut pas être la porte d’entrée unique vers l’information. Il faut un service de base d’informations, qui ne se substituera pas aux autres, mais qui interviendra avec les autres. Il y a un vide à combler chez les pouvoirs publics ». Il estime que l’accès à l’information doit se concevoir localement : « Le rapport à la santé se situe dans l’environnement de vie du patient. L’organisation des soins, les déterminants de santé ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre ». Résultat : « l’ARS doit se saisir du sujet ».
Ce qu’elle fait ! L’ARS Ile de France travaille ainsi sur un projet de plateforme d’information de santé régionale, qui sera en place dès 2013, dans une première version. Il s’agit d’un carrefour des informations de santé régionales, où convergeront des informations qui, souvent, existent déjà mais sont disséminées. Nicolas Péju va plus loin et estime qu’il faudra avancer vers une logique de « marque de référence ». Il manque en effet, aujourd’hui, des points de repère, des lieux où on sait que l’on peut aller et que l’on s’y retrouvera. « Du point de vue des pouvoirs publics, il est important que l’on se coordonne pour pouvoir fournir cette information le plus facilement possible, avec le meilleur impact pour les citoyens. C’est un projet que l’on porte régionalement et qui, d’une certaine manière, révèle que, nationalement, il faudra aussi que cette problématique aboutisse à quelque chose ».
A la Haute Autorité de Santé, en revanche, l’idée d’un grand portail ne fait pas recette. Jean-François Thébaut, Président de la Commission de l’amélioration des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients, admet qu’il existe des domaines spécifiques dans lesquels les patients ont besoin d’informations validées, légitimes, fiables. Pour autant, il estime qu’ « imaginer que l’on puisse mettre en œuvre, demain, un grand site d’information qui règlerait tous les problèmes serait un peu utopique ». La HAS, même si elle a vocation à émettre de la science, de la connaissance, ne peut de toute façon pas tout faire : elle n’a pas de capacité de production encyclopédique.
Quelles technologies pour renforcer les coopérations ?
[singlepic id=603 w=220 h=120 float=right]Au-delà de l’information, d’autres problématiques surgissent quand il est question de TIC en santé : celle des technologies permettant de renforcer les coopérations entre professionnels de santé et, derrière, la question de la confidentialité lors d’échanges de données. « Les questions de confidentialité, de sécurité doivent être dictées par l’intérêt du patient », c’est ce qu’explique Jean-Yves Robin (photo), directeur de l’ASIP Santé, pour qui la coopération entre les acteurs, les prises en charge pluridisciplinaires et l’échange de données entre professionnels de santé deviennent de plus en plus créateurs de valeurs pour la prise en charge : « C’est un facteur de qualité, dans l’intérêt du patient ». Or, le périmètre du partage et des acteurs qui échangent des données évolue et il convient donc, aujourd’hui, de « réfléchir à la définition de l’équipe de soins et à une extension hors de l’hôpital » afin d’élargir le cercle du partage pour intégrer l’ensemble des professionnels participant à la prise en charge. Cette analyse est confortée par Bernard Le Douarin, Conseiller national au CNOM, qui estime qu’il ne faut pas qu’il y ait, au travers d’une application drastique du secret professionnel, une perte de chance pour le patient. L’équipe de soins doit donc être définie : « notre souhait serait qu’il y ait un élargissement de l’équipe de soins, permettant aux équipes du médico-social de pouvoir travailler avec des balises claires, dans des conditions de sécurité, réglementaires, légales, tout à fait satisfaisantes ».
[singlepic id=607 w=240 h=120 float=left]Transparence renforcée pour le DP
Les pharmaciens, de leur côté, ont déjà un outil de partage : en 2007, ils ont en effet créé le dossier pharmaceutique (DP), un outil leur permettant d’avoir accès aux médicaments délivrés aux patients qui en sont détenteurs, lors des quatre derniers mois. 95 % des pharmacies d’officine proposent ce service. Les retours des patients en matière de confiance, de recueil de consentement, de confidentialité des données sont largement positifs. Pour autant, Patrick Fortuit, Vice-Président du Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, revient sur un reproche qui a parfois été fait : des DP auraient été créés de façon aléatoire, sans que le patient ne soit au courant. Dans trois départements, un test va donc être instauré pour pallier ce problème : un stick va être apposé sur la carte vitale des patients possédant un DP. En outre, l’Ordre des pharmaciens évalue un module permettant, en cas de besoin, de connaître l’origine de la création du DP.
On le voit, toutes ces problématiques soulèvent la vigilance des professionnels de santé, des ministères, des agences… Mais qu’en pensent les patients ? René Mazars, Secrétaire général de l’AFPric (Association Française de Polyarthrite et des risques inflammatoires chroniques) et trésorier du CISS, est affirmatif : « Les patients ont une approche assez pragmatique. La pratique réelle de ce qui se passe sur le terrain, voilà ce qui nous préoccupe. L’important, pour nous, est d’être soigné, d’avoir le meilleur soin possible, au meilleur moment, au meilleur endroit, si possible dans la proximité. On est satisfait dans l’ensemble du système qui existe actuellement. La confiance est là ». Il ajoute que chacun doit mettre à disposition du reste de la communauté les informations dont il dispose, pour le bénéfice des patients : un principe éthique et l’objectif des prochaines années.
Pour Jacques Lucas (photo), Vice-Président du CNOM, « l’éthique et la déontologie se déclinent dans les réalités du quotidien ».[singlepic id=604 w=200 h=100 float=right] Il appelle de ses vœux une déontologie praticienne et, sur le volet Informations, incite les médecins à créer leur site, en regroupant les structures, afin de faciliter la diffusion d’une information fiable, par les médecins eux-mêmes. Le CNOM souhaite par ailleurs l’organisation d’un débat public, citoyen, sous forme de conférence de consensus, sur la protection des données personnelles de santé. L’Ordre demande aussi que des priorités soient définies, via un conseil national des systèmes d’information, œuvrant sous le pilotage du ministère de la santé, et réunissant les ministères concernés, les représentants des médecins et des autres professionnels de santé, des patients, de l’assurance maladie et des assureurs complémentaires.
Pas de doute, un long chemin reste à parcourir en matière d’informations, de transparence, de sécurisation des données santé sur le web…
Valérie Moulle