[singlepic id=841 w=320 h=240 float=left]Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 entre dans la phase finale de son examen par les deux Chambres du Parlement. Fin novembre la Commission mixte paritaire aura la tâche de faire la synthèse entre députés et sénateurs. Pour autant le budget de la Sécu devrait rester en déséquilibre pour quelques années encore, en particulier dans la branche maladie qui se trouve désormais placée face à un défi épidémiologique durable.
Sans surprise, le Sénat a rejeté cette semaine le texte du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 que lui a transmis l’Assemblée nationale le 5 novembre dernier. Adopté de justesse en commission des Affaires sociales, le Sénat a finalement rejeté le texte le 14 novembre lors de son examen en séance publique, à 189 voix contre (UMP, centristes, et CRC) et 139 pour (socialistes ou écologistes). Marisol Touraine, ministre de la Santé a joué la carte du « vote bloqué », c’est-à-dire d’un vote unique sur le texte initial présenté par le gouvernement et renforcé par les amendements du rapporteur qu’il a approuvés. Tous les amendements déposés et votés par les sénateurs pendant le débat au Palais du Luxembourg ont été éliminés. Pour la seconde fois en deux ans, le budget de la Sécurité sociale est ainsi rejeté au Sénat, les communistes ne donnant pas aux socialistes la majorité requise à la Haute assemblée. « Vos amendements conduisent à un surcoût de plus d’un milliard d’euros, alors que la volonté du gouvernement est de réduire les déficits, sans faire peser la charge sur les épaules des assurés sociaux », a souligné Mme Touraine. L’Assemblée aura cependant le dernier mot. La commission mixte paritaire (CMP) Sénat-Assemblée se réunit le 18 novembre pour débattre du PLFSS et faire la synthèse sur le texte définitif.
Du 12 au 16 novembre 2013, le Sénat aura examiné le PLFSS 2014 en séance publique (1), à savoir comment poursuivre sur la voie de l’augmentation des recettes en maintenant la pression sur le terrain des dépenses. L’objectif clairement affiché depuis mai dernier par le gouvernement demeure bien de ramener le déficit à 13 milliards d’euros, soit une baisse de 2,9 milliards. L’assurance-maladie devra réaliser quelque 2,4 milliards économies en 2014, auxquelles s’ajoutent les 500 millions déjà engrangés cette année sur l’Objectif national des dépenses de l’assurance-maladie (ONDAM).
Pression sur le médicament
Le cap reste donc clairement indiqué, avec une volonté marquée de faire pression très directement sur l’industrie pharmaceutique, dans les rangs de laquelle les prix des médicaments (princeps et génériques) devront baisser à hauteur de 980 millions d’euros, mais aussi sur l’industrie du dispositif médical, à laquelle des baisses de coûts de l’ordre de 120 millions sont également demandés. A la lecture de la facture inscrite dans le PLFSS pour 2014, les mêmes industriels ont d’ores et déjà fait savoir que « les signes de « désattractivité » du pays s’accumulaient » et que la dizaine de taxes qui frappaient la branche du médicament atteignait déjà 4,2 % du chiffre d’affaires des entreprises. De plus, le PLFSS sorti de l’Assemblée nationale arrête une taxe due par tous les exploitants de 0,17 %, comme contribution de base sur toutes les spécialités vendues. En aval des producteurs, les grossistes-répartiteurs seront assujettis à une 3ème tranche de taxe, au taux de 20 % sur la fraction du chiffre d’affaires hors taxes réalisée par l’entreprise au cours de l’année civile. Ce qui correspond au montant de la marge rétrocédé aux pharmacies pour des raisons commerciales.
Inquiétude des officinaux[singlepic id=843 w=320 h=240 float=right]
Les officinaux ne sont pas davantage en reste et leurs syndicats tirent quotidiennement la sirène d’alarme sur la baisse historique du chiffre d’affaires de leur secteur : « Le poste « médicaments » ne pourra pas supporter des efforts supplémentaires y compris dans un contexte de recettes inférieures aux prévisions », plaide à cet égard l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO) qui tient son colloque annuel mercredi 20 novembre. La taxation des ventes directes des laboratoires aux pharmacies, adoptée à l’issu d’un amendement déposé en catimini, ne leur va pas davantage. « Il s’agit d’un coup de poignard pour l’économie de l’officine au seul profit des grossistes-répartiteurs », avance Gilles Bonnefond, président de l’USPO, qui réclame un « engagement pluriannuel avec le gouvernement sur l’économie de l’officine « . Mais cette même économie demeure pour l’heure totalement suspendue aux décisions du patron de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem, qui, depuis des mois, traine à définir le montant, acceptable par les officinaux, d’un honoraire de dispensation dont l’annonce figure pourtant dans un texte conventionnel signé en mai 2012. La Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, présidée par Philippe Gaertner, qui déplore de son côté le relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 7 % sur les médicaments non remboursables et la baisse annoncée du prix des génériques, considère cependant que les négociations conventionnelles peuvent être reprises sur des bases constructives. La Fédération demande la création d’un honoraire de 1 euro par boite de médicament dispensé, la mise en place d’un honoraire de 0,50 euro HT pour les ordonnances complexes et une révision de l’arrêté relatif aux prix et marges des médicaments remboursables. « Sur ces bases, la FSPF entend aller plus loin dans les négociations, afin de renforcer la dimension professionnelle de la rémunération du pharmacien et de la déconnecter plus encore des volumes de médicaments dispensés ». L’USPO se dit « stupéfaite de ce changement radical de position de la FSPF qui, pour obtenir un minimum de perception d’un euro par boîte, accepte une baisse de marge sur toutes les tranches de la marge dégressive lissée. » » L’USPO, déclare son président, est défavorable à la proposition d’un minimum de perception d’un euro par boîte compensée par une baisse de marge des pharmacies, qui ne revalorise en aucun cas la marge globale du réseau. » En attendant les uns comme les autres sont priés d’expérimenter la délivrance du médicament à l’unité, objet d’un rapport qui sera remis en juillet 2017 et de déclarer les remises qui leur sont faites sur les génériques en vue d’une meilleure « transparence » du système.
[singlepic id=847 w=260 h=180 float=left]Réforme de la complémentaire santé
Dans le projet de loi actuellement en examen au Sénat, l’hôpital figure également en bonne place : il lui est demandé de réaliser quelque 577 millions d’économies, dont une large part portera sur les médicaments et dispositifs médicaux de la liste dite en sus (138 millions, partagé en 88 millions pour les médicaments et 50 pour les dispositifs médicaux). Il leur faudra cependant attendre mai 2014 pour connaître quel sort sera donné à leur modèle de financement, basé sur la T2A dont la réforme est actée. Par avance, une tarification au parcours sera expérimentée d’ici cette date pour l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie.
Pour ne pas être en reste, le PLFSS prévoit une réforme de la protection sociale complémentaire santé, avec une modification des conditions d’accès à la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUc), un renforcement de l’attractivité de l’ACS en améliorant le rapport qualité-prix des contrats souscrits par la mise en concurrence des organismes complémentaires et un plafonnement de la prise en charge des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins libéraux (par décret à venir). Les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) pour les frais d’optique verront leur reste à charge réduit par extension du dispositif d’encadrement des tarifs optiques.
Au total, le budget 2014 devra être contenu pour la maladie dans une enveloppe de 174,9 milliards d’euros, avec un objectif d’évolution des dépenses ramené à 2,4 % et un déficit maintenu à 5,9 milliards. Autant dire que l’exercice sera difficile. D’autant plus difficile que ce budget s’appuie sur des hypothèses macro-économiques de reprise de l’activité qui ne devraient pas suffire à relancer les indispensables recettes. En particulier celles tirées des cotisations payées sur la masse salariale (pour laquelle un point de croissance rapporte 910 millions de cotisations et près de 2 milliards d’euros au régime général). « Une opération de reprise de dette par la CADES (2), avec transfert de ressources correspondantes, sera indispensable dans un proche avenir pour couvrir le besoin de financement né du reliquat des déficits des branches « famille » et « maladie, note Yves Daudigny, rapporteur sur les Équilibres financiers généraux du PLFSS au Sénat le 6 novembre dernier. Autant dire qu’un retour à l’équilibre des comptes n’est pas pour demain.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Pour en savoir plus : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/plfss2014.html
(2) 76,8 milliards d’euros de dette ont été amortis depuis 1996 par la CADES, qui a pour mission de reprendre et d’amortir les déficits de la sécurité sociale. En 2012, les ressources de la CADES ont atteint 16,1 milliards d’euros, permettant de verser 4 milliards d’euros d’intérêts aux porteurs des obligations émises par la CADES et d’amortir la dette sociale à hauteur de 12,1 milliards d’euros, conformément à l’objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
L’ONDAM par type de dépenses dans le PLFSS pour 2014
Au titre de l’année 2013, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros)
Objectif national de dépenses
80,0
56,6
19,8
8,4
8,7
1,3
174,9
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...