10 ans après avoir atteint un déficit historique (- 28 milliards en 2020), la Sécu renoue avec un « trou » largement creusé par la pandémie qui s’est répandue sur tous les continents depuis un an. La dégradation des comptes est particulièrement marquée pour la branche maladie (30,4 milliards de déficit) et la branche vieillesse (- 3,7 milliards).
A l’heure du bilan arrêté lors du vote de la loi de financement de la Sécu (LFSS) pour 2021, le déficit cumulé des 4 branches de la sécurité sociale (famille, maladie, vieillesse et accidents du travail) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) est évalué à 38,6 milliards d’euros pour l’année 2020 (contre 49 milliards initialement prévus). Il devrait atteindre 35,8 milliards d’euros en 2021 et pourrait s’élever jusqu’à 21,6 milliards en 2024. « Cette dégradation brutale et sans précédent, conséquence de la crise sanitaire et économique, conduit au déficit le plus élevé jamais enregistré dans l’histoire de la sécurité sociale » a fait savoir mi-mars le ministère de la Santé.
Dans le contexte de la pandémie, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2020 a été porté à 218,9 milliards d’euros dans la LFSS pour 2021, un niveau sans précédent. Il aura été relevé au cours de la discussion parlementaire pour tenir compte de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19. Pour 2021, les dépenses de l’ONDAM 2021 sont estimées à 225,4 milliards d’euro. La branche maladie a été abondée de quelques milliards de crédits supplémentaires (4,5 milliards annoncés) pour acheter des masques et des respirateurs, verser les primes « Covid » aux soignants, prendre en charge les tests PCR et une provision de 1,5 milliard est prévue pour l’achat et la distribution des vaccins.
Reprise des recettes fiscales en 2021
« La diminution de l’activité économique s’est traduite par une baisse massive des prélèvements sociaux et des recettes fiscales perçus par la sécurité sociale en 2020« , souligne toujours la LFSS votée en fin 2020. Avec des salariés en activité partielle, dont l’indemnité est exonérée de cotisations sociales et soumise, comme les allocations chômage et en tant que revenu de remplacement, à un taux de CSG réduit, les rentrées ont été amoindries. Autrement dit : « le recours à l’activité partielle, massif au cours du deuxième trimestre et encore élevé au cours des mois suivants, associé aux pertes d’emploi consécutives à la crise, a entraîné une forte baisse de la masse salariale privée (estimé à 8,9 % sur l’année) et, par conséquent, des recettes de cotisations et de la CSG. » C’est ainsi que les recettes du régime général et du FSV diminueraient de 5,4 % en 2020, soit 21,8 milliards d’euros. L’année en cours devrait renverser quelque peu la tendance, avec des recettes en rebond sous l’effet de la reprise économique, soutenue par le plan de relance. « Les cotisations sociales du secteur privé et la CSG augmenteraient fortement, tirées par le dynamisme de la masse salariale privée (+4,8 %). Au total, les recettes du régime général et du FSV augmenteraient de 7,1 %. »
Selon le bilan financier arrêté en mars, même si elles demeurent en très net recul par rapport à 2019, les recettes ont été sensiblement plus importantes que prévu, en particulier celles assises sur les salaires du secteur privé (+6,7 Md€ par rapport à la LFSS) du fait d’une assiette en diminution de – 5,7% contre – 8,9% retenu dans les lois financières. Les prélèvements sociaux sur les revenus des travailleurs indépendants ont également moins baissé qu’attendu, pour 1,4 Md€ de mieux qu’en prévision. C’est aussi le cas des recettes fiscales pour 2,3 Md€.
Vers la 5è branche
Du fait de la création de la branche Autonomie – loi organique du 7 août 2020 – financée à hauteur de 2,5 milliards d’euros en 2021, le périmètre des dépenses de la branche maladie se réduira de 25,9 milliards d’euros à ce titre, soit d’environ 10 %, ce qui correspond au montant de la CSG qui est affectée à cette dernière. Cette même CSG ne pèsera plus que 25 % des recettes totales, soit une part inférieure à celle des cotisations des employeurs et à celle de la TVA.
Enfin, pour faire face aux dépenses « record » liées à la pandémie, une contribution exceptionnelle à la charge des mutuelles et des assurances privées a été instituée. Cette « taxe Covid » doit rapporter 1 milliard d’euros en 2020 et 500 millions d’euros en 2021.
La branche maladie est la plus affectée
Les effets de la situation actuelle de la pandémie sur l’économie en général et la branche maladie en particulier ont été évalué récemment : » Par rapport à sa construction initiale dans la LFSS pour 2020, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie a été dépassé de 13,9 Md€, reflétant les mesures exceptionnelles prises pour faire face à la crise sanitaire, note la rue de Ségur en mars : indemnités journalières pour les personnes empêchées de travailler pendant le confinement, coûts des tests, coûts des équipements et matériels dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, 1ère étape des revalorisations du Ségur de la santé… Le dynamisme des dépenses en fin d’année 2020 au titre des tests et des indemnités journalières notamment a entraîné un dépassement de 0,6 Md€ par rapport à l’ONDAM rectifié dans la LFSS pour 2021.«
Au total, souligne, encore le ministère de la Santé, la situation financière de toutes les branches se dégradent en 2020 par rapport à 2019 et elles sont toutes déficitaires. La branche maladie est la plus affectée par la crise en raison de l’effet « de ciseau » sur ses recettes qui se contractent et ses dépenses qui accélèrent. Son solde s’établit à -30,4 Md€ en dégradation de près de 30 Md€ par rapport à 2019, qui affiche un déficit de seulement 1,5 Md€). Mais le déficit annoncé en mars est moindre que celui arrêté par la LFSS (tableau ci-dessus) de décembre dernier.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...