Le gouvernement vient de présenter les grandes lignes de sa « stratégie nationale de santé » pour les 5 années à venir. Un décret devrait fixer dans le marbre fin décembre le texte rendu public le 20 du même mois. Mais ce catalogue de la Redoute de mesures n’a pas grand chose de nouveau, n’était ce la volonté du gouvernement Macron de marquer à sa manière son territoire dans le domaine de la santé.
Le document sur la SNS aura été publié à la veille de la trêve des confiseurs. Inspiré du rapport remis par le Haut Conseil de la Santé Publique (1) sur l’état de santé de la population, le texte a fait l’objet d’une large concertation engagée ces derniers mois avec les acteurs de la santé et les autres ministères. Cette stratégie s’articulera autour de quatre grands axes : mise en place d’une politique de promotion de la santé, incluant la prévention; lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à la santé; volonté de garantir la qualité, la sécurité et la pertinence des prises en charge à chaque étape du parcours de santé; innover pour transformer notre système de santé en réaffirmant la place des usagers. Selon le ministère, la contribution publique a regroupé 5000 interventions émanant des professionnels de santé, des associations de santé et des usagers. Comme prévu, le décret portant la stratégie nationale de santé, signé de tous les ministres, devrait être publié avant le 31 décembre 2017. Il définira la ligne de conduite du gouvernement sur le registre de sa politique sanitaire pour l’avenir.
1ère stratégie nationale de santé
La démarche entreprise par le gouvernement d’Edouard Philippe ressemble à s’y méprendre à celle engagée en son temps par Jean-Marc Ayraud, alors Premier ministre du premier gouvernement Hollande. A l’époque un Comité des sages (2) fut chargé de préparer les contours d’une réforme de la santé que la ministre en charge du dossier, Marisol Touraine, n’était pas vraiment encline à impulser. Mi-décembre 2012, il y a donc 5 ans, la ministre de la Santé faisait part de sa volonté de lutter contre les déserts médicaux et annonça à Scorbé-Clairvaux, dans la Vienne, un « Pacte territoire-santé » assorti de 10 engagements (1) par lesquels elle estimait pouvoir engager un plan global de lutte contre les déserts médicaux. « Pour faire face au défi de l’accès aux soins, nous devons changer de modèle », déclarait alors Marissol Touraine. Dans les faits, c’est à un changement dans le modèle de gouvernance de la santé auquel les Français vont assister. Estimant que la conduite des affaires relatives à la santé n’était pas pilotée assez énergiquement, le Premier ministre décide sans attendre de reprendre la main sur le dossier. A Grenoble, le 8 février 2013, après une visite rapide aux urgences du CHU, suivie d’une autre au sein d’une maison de santé pluri-professionnelle, Jean-Marc Ayrault annonce son intention d’engager une réforme structurelle du système de santé, qui sera mise en œuvre par ce qu’il nomme une « Stratégie nationale de santé ».
L’objectif est clairement annoncé : il faudra dépenser mieux, sous entendu faire mieux avant autant sinon moins de moyens, réorganiser le système de santé, mieux coordonner la ville et l’hôpital et promouvoir à cet effet la « médecine de parcours ». Les modes de financement devront être revus « pour inciter au travail collectif », l’hôpital sera doté d’une nouvelle feuille de route – le rapport remis depuis par Edouard Couty en fixe les grandes lignes -, le dossier de la prévention sera ré-ouvert. En un mot, selon les propres mots du Premier ministre « un vaste chantier va s’ouvrir, pour « rendre notre système de santé plus efficace et plus solidaire ». » La politique sanitaire ne se résume pas à l’offre de soins, même si c’est essentiel, souligne Jean-Marc Ayrault. L’état de santé d’une population dépend aussi de la prévention des maladies et de l’éducation à la santé. Or la France ne consacre que 2 % de ses dépenses de santé à la prévention. On ne cesse de le répéter, il est temps, il est urgent d’agir. » « « Ce ne sera pas l’oeuvre de quelques mois, mais des cinq ans, voire des dix ans à venir », ajoute encore le Premier ministre.
Quatre ans pour réussir
Quatre ans plus tard, la partition est restée la même et la petite musique de la réforme est à nouveau fredonnée à l’oreille des acteurs de la santé. La prévention – tarte à la crème de tous les gouvernements depuis plus de 30 ans – figure en tête de gondole de la nouvelle SNS. Celle ci veut ainsi « mettre en place une politique de promotion de la santé, incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie ». L’objectif clairement affiché est de « réduire des facteurs de risque qui induisent des coûts sociaux considérables » (20,4 milliards d’euros pour l’obésité, 15 milliards d’euros pour l’alcool et 26,6 milliards d’euros pour le tabac), ainsi que les inégalités sociales de santé qui affichent des écarts considérables sur les territoires. Alimentation, pratiques addictives, activité physique régulière sont autant de thèmes énoncés dans la SNS et qui entrainent autant de recommandations de bon sens pour « les prochaines années ». Car en la matière, il faut du temps. Et le temps est un facteur sur lequel le président de la République aime s’appuyer, dans la santé comme dans d’autres secteurs.
Les autres chapitres de la nouvelle SNS raisonnent comme autant de propositions déjà formulées dans le passé. Il faudra « transformer l’offre de santé des territoires pour répondre aux nouveaux besoins de la population », nous est-il dit. les soins primaires, un thème cher à MG France, sont explicitement mis en avant : « Les soins primaires, ou de premier recours, constituent un maillon essentiel pour la performance globale du système de santé, souligne le document de la ministre. Ils sont en effet en première ligne pour les soins courants délivrés à la population et constituent de ce fait la pierre angulaire de toutes les politiques de santé, qu’il s’agisse de prévention, de suivi des pathologies chroniques, d’adressage pertinent aux spécialistes de ville ou à l’offre hospitalière, de retour ou de maintien à domicile. » Le rôle du médecin généraliste semble donc une fois encore pleinement valorisé, d’autant que la population vieillit, que les malades chroniques continuent de voir leurs rangs gonfler et le maintien à domicile des patients s’imposer progressivement à tous et en particulier aux financeurs. Cette priorité, outre une organisation coordonnée des soins entre les acteurs, supposera de faire évoluer les financements « pour permettre aux professionnels de coopérer autour d’épisodes de soins ou de parcours du patient. » D’autres révolutions se préparent !
Le texte final qui développe les contours de la nouvelle SNS est assez complet et mérite une lecture attentive en particulier des recommandations qui accompagnent chaque mesure présentée. Mais comme toute grande réforme dans la santé, il faudra encore que les différents acteurs s’emparent de cette stratégie, se coordonnent entre eux et qu’ils la fassent vivre sur le terrain. La France, privée de pétrole, n’a jamais manquée d’idées, dans la santé comme ailleurs. Mais elle n’en est pas à sa première réforme de la santé et il faudra une impulsion forte pour que celle-ci se mette en oeuvre. Le Pr. Agnès Buzin a-t-elle le tempérament d’un chef d’orchestre pour mettre toutes les partitions de la SNS en musique ? Il lui reste quatre ans pour nous le démontrer.
Jean-Jacques Cristofari
(1) cf : « Stratégie nationale de santé : Contribution du Haut Conseil de la santé publique » (2) Le « comité des sages » était composé de : Alain Cordier, président, Geneviève Chêne (pôle santé publique CHU de Bordeaux), Gilles Duhamel (Inspecteur des Finances), Pierre de Haas (généraliste dans l’Ain), Emmanuel Hirsch (directeur de l’espace éthique AP-HP), Françoise Parisot-Lavillonnière (directrice région centre de l’institut de formation de la Croix-Rouge , Dominique Perrotin (président de la Conférence des Doyens).
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...