Sanofi dans l’oeil du cyclone en Algérie

Sanofi dans l’oeil du cyclone en Algérie
avril 25 21:42 2012 Imprimer l'article

[singlepic id=457 w=320 h=240 float=left]Sanofi aventis Algérie, filiale du géant français de la pharma piloté par Chris Viehbacher (photo), est dans le pays le 1er groupe pharmaceutique privé. Son autre filiale, Winthrop Pharma Saïdal, née en 1997 d’un partenariat avec le groupe public Saïdal, produit des génériques de marque pour le marché local. Depuis quelques mois, le groupe est accusé par les autorités sanitaires algériennes de surfacturation et, de l’avis de la presse locale, pourrait perdre son agrément d’importateur en Algérie. Le ministre algérien de la santé, Djamel Ould Abbès, l’a même accusé d’être en partie responsable de la pénurie de médicaments dans le pays.

Rien n’irait plus vraiment comme avant pour le leader français de la pharma en Algérie. Depuis quelques semaines, la presse algérienne se fait l’écho d’une mise en cause des pratiques économiques du laboratoire par le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès (photo en Une), qui multiplie les accusations contre le groupe français, sans le citer officiellement cependant. Comme d’autres big pharma opérant dans le pays, Sanofi Aventis Algérie est soupçonné de pratiquer des surfacturations sur les produits qu’il importe et, par voie de conséquence, de transfert illégal de devises, rapporte le journal algérien la Tribune. Si la pratique de surfacturation des prix de cession est monnaie courante dans les transferts de matières premières ou de médicaments d’un pays à l’autre entre filiales d’un même groupe pharmaceutique, elle n’est pas pour autant du goût des autorités algériennes qui les évaluent ici à quelque 95 millions de dollars. Pas de quoi fouetter un cheval, sachant que Sanofi a importé en 2011, selon les chiffres officiels, pour 3 milliards de dollars de médicaments et que le laboratoire pèse pour 12 % du marché algérien où il a vendu l’an passé 70 millions d’unités de produits. Reste que cette pratique de prix de cession majorés est en vigueur de longue date et aurait coûté plusieurs milliards de dollars à l’Etat algérien. Le dg de la filiale algérienne, Thierry Lefèvre, qui confie en mars ne pas avoir été saisi de cette affaire, avance vouloir tout faire « pour clarifier la situation », en expliquant que « Sanofi Aventis a toujours travaillé avec le gouvernement algérien et dans le plus total respect des lois algériennes ». L’objet de la mise en accusation concerne précisément des matières premières, dont le prix d’acquisition auprès de la maison-mère aurait été majoré. Les douanes, rapporte encore le journal Le Soir, auraient ainsi noté l’été dernier qu’un principe actif entrant dans la fabrication de médicaments antidiabétiques, le glimepiride, a été facturé 1 139 410,00 euros par Sanofi Winthrop Industrie France, la filiale de production de génériques du groupe Sanofi. Ce même principe actif aurait été acheté pour la somme de 38 219,75 euros auprès de Sanofi Aventis Deutschland. « Ce sont donc 1 101 191 euros qui auraient été transférés en une seule opération, note le journal algérien, en avançant que « les investigations menées par la suite ont démontré que le laboratoire aurait usé de cette technique depuis 2008 ». Un  autre principe actif, l’alpha amylase, enzyme à visée anti-inflammatoire utilisé en ORL, est également en cause dans les pratiques de surfacturation.

Sanofi investit à l’Ouest d’Alger[singlepic id=460 w=180 h=140 float=right]

Le groupe français tient d’autant plus à lever les accusations de fraudes qu’il est est présent dans le pays depuis 2000, avec deux unités de production de médicaments, qui emploient 650 personnes : une usine à Aïn Benian (Alger), qui produit 12 millions d’unités (formes liquides), et une autre en partenariat avec le groupe Saidal (J.V Winthrop Pharma Saïdal), qui produit actuellement 20 millions d’unités (formes sèches). Sanofi Aventis Algérie a par ailleurs, en 2011, confirmé son intention d’investir à l’ouest d’Alger, dans une seconde usine de médicaments et d’un centre de stockage au pôle pharmaceutique et biotechnologique de la nouvelle ville de Sidi Abdellah. Le montant estimé de cet investissement est initialement de 6,6 milliards de dinars algériens (66,7 millions d’euros). La future usine de Sidi Abdellah permettra d’employer plus de 133 jeunes diplômés algériens. Il a cependant perdu un contrat important avec le groupe Saïdal pour la production d’insuline au bénéfice de Novo Nordisk, à Constantine, où son usine mettra à disposition d’ici 2014 les cartouches d’insuline Penfil produites sous son label. Cette perte serait liée à un engagement que le groupe français n’aurait pas tenu pour satisfaire la demande locale et qui lui avait valu les foudres d’Alger, dont l’objectif est de développer la production locale des médicaments afin d’arriver à couvrir 70% des besoins du pays.

Un train en cache un autre[singlepic id=459 w=320 h=240 float=right]

Reste que cette affaire est également à mettre en parallèle avec celle qui concerne la dette de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) aux hôpitaux français, qui s’élève fin 2011 à quelque 32 millions d’euros. Rappelé par la secrétaire d’Etat à la Santé française, Nora Berra, au ministre de la Santé Djamel Ould Abbès (photo), lors de son récent passage à Alger, le montant est cependant contesté par la CNAS. Pour cette dernière, il n’y aurait que des factures de soins en litige, dont le montant est estimé au plus à 16 millions d’euros, factures qui  « sont dues à l’absence de transmission par les hôpitaux français concernés de documents probants les justifiant comme étant à l’indicatif de la CNAS». Un comité de travail devait être mis en place avec la direction de la Sécurité sociale pour tenter d’y apporter une réponse. Interrogée sur le différend qui oppose Sanofi à Alger, Nora Berra est restée prudente et a fait savoir qu’elle ne commentait pas une affaire de justice. Le 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, fêté en mars dernier, n’a pas évacué totalement d’anciennes rancunes. Sanofi pourrait avoir été ici une victime collatérale de différends qui ne concernent pas vraiment le laboratoire, n’était ce qu’il est notre champion national. Le futur président de la République qui sortira des urnes en mai devra s’atteler à apaiser une fois encore les esprits de l’autre côté de la Méditerranée et boucler un dossier dont le traitement aura certainement été retardé par le récent score de Marine Le Pen en France.

Jean-Jacques Cristofari

NB : Dans un entretien avec Tsa-algerie.com, le 25 mai 2012, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, est revenu sur l’affaire qui oppose Sanofi aux autorités douanières algériennes. Voici ce qu’en dit le ministre algérien de la Santé :

Tsa-algérie : Sanofi‑Aventis Algérie a été condamné par la justice pour surfacturation de médicaments. Allez‑vous prendre des mesures supplémentaires contre ce laboratoire ?

Djamel Ould Abbès : « La sanction que j’ai prise contre Sanofi‑Aventis est de transmettre le dossier à la douane, à la justice, aux finances et au commerce. Mon rôle s’arrête à ce niveau. Je continue à contrôler. J’ai remis douze dossiers de surfacturation à la justice. Je ne peux pas donner de noms. Il y a l’obligation de réserve et la présomption d’innocence. Il faut que la justice tranche. Il n’y a pas que des étrangers, il y a aussi des laboratoires algériens,  avec des sommes faramineuses. Pour 2012, 153 millions de dollars de surfacturation. L’enquête sur ce dossier dure depuis des années. Concernant Sanofi‑Aventis Algérie, il a été condamné à 20 millions d’euros d’amende et un an de prison avec sursis pour son directeur général. D’autres vont suivre. »

NB : Voir encore ce qu’en dit la presse algérienne, notamment El Moudjahid en mai 2012

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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