[singlepic id=608 w=320 h=240 float=left]Le gouvernement de la Province du Québec vient de mettre un terme à la « règle des 15 ans » qui prolongeait, pour les fabricants, le monopole de médicaments d’origine au-delà de la période d’exclusivité commerciale garantie par la loi canadienne sur les brevets. Cette règle, unique au Canada, a été instaurée en 1994 et visait alors à soutenir la croissance de l’industrie des médicaments de marque, contraignant le régime d’assurance médicaments à rembourser le prix du médicament d’origine, même après l’expiration du brevet et l’apparition d’équivalents génériques moins chers. Les génériqueurs réunis au sein de l’association canadienne du médicament d’origine (ACMG) se félicitent de l’abandon d’une mesure qui privait le budget de la santé de plus de 170 millions de dollars canadiens (132 millions d’euros). De leur côté, les compagnies de recherches pharmaceutiques du Canada (Rx&D) ont exprimé leurs « importantes préoccupations ».
La récente décision du laboratoire Pfizer de supprimer 11 % de ses effectifs au Québec, soit 300 postes, principalement des employés du siège social de Kirkland et du personnel de l’effectif de vente, aura peut-être accéléré la décision des autorités québecquoises. Car en juillet dernier, Pfizer Canada avait bénéficié d’une subvention de 2,67 millions de dollars (2, 072 millions d’euros) du Québec pour acheter des équipements de pointe et rénover son usine de fabrication de médicaments de l’arrondissement de Saint-Laurent, qui emploie environ 900 travailleurs. Ce soutien apporté par le gouvernement, alors même que le laboratoire américain décidait de réduire ses effectifs quelques mois plus tard, aura agit comme un détonateur dans les rangs d’un gouvernement qui, depuis 1994, fait bénéficier les industriels du médicament de marque d’une règle qui est aussi unique que profitable à ces derniers.
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Cette règle dite « des 15 ans », a consisté à autoriser le remboursement d’un médicament innovateur, par le biais de l’assurance médicaments du Québec, sur une période de 15 ans après son inscription sur la liste des médicaments remboursés, ce même si le brevet du médicament est échu et qu’il existe une copie générique moins chère de la spécialité brevetée. « L’inscription peut se produire à n’importe quel moment à l’intérieur de la période de protection de 20 ans, mais intervient en moyenne 10 ans après la demande de brevet », précise un rapport du ministère des Finances du Québec qui en a établit un premier bilan en 2002. « Il en résulte donc, en moyenne, une période supplémentaire de cinq ans pendant laquelle les médicaments innovants sont remboursés ». Ainsi, depuis 1994, la protection offerte par le Québec aux médicaments innovants est supérieure à celle en vigueur dans les autres provinces canadiennes qui limitent leur remboursement à la durée de base du brevet (20 ans).
L’abandon de cette règle favorable aux laboratoires princeps intervient donc dans un contexte marqué par de nombreuses défections : ainsi l’allemand Boehringer-Ingelheim a annoncé en octobre qu’il mettra bientôt la clé sous la porte de son centre de recherche de Laval, qui emploie 170 personnes. Une annonce qui était la quatrième du même type en deux ans dans la région montréalaise, Merck, Pfizer et AstraZeneca ayant également fermé leurs installations de recherche. Au total, ce sont plus de 2000 pertes d’emplois qui auront été enregistrées au Québec depuis 2006 dans l’industrie des sciences de la vie. Aussi, la « règle des 15 ans », qui visait à encourager les laboratoires de recherche à investir au Québec a brutalement été démentie par les faits. Il n’en fallut pas plus au gouvernement pour procéder à sa remise en cause, puis à son abolition.
Une facture gonflée de 200 millions de dollars par an
[singlepic id=609 w=220 h=140 float=left] »Ce cadeau à l’industrie a coûté aux Québécois 193 millions dans la dernière année afin d’attirer les investissements en recherche et développement (R&D), note récemment la presse québécoise. Pourtant, alors que la valeur du cadeau augmentait à grande vitesse, les retombées économiques de l’industrie allaient en décroissant : 180 emplois perdus après la fermeture du laboratoire Merck Frosst en 2010; 450 chez Pfizer en 2011-2012; 516 autres en 2012 dans les entreprises Johnson&Johnson, Boehringer Ingelheim, Sanofi-aventis et AstraZeneca. » Il restait ainsi peu de bonnes raisons au gouvernement de la Province pour maintenir une mesure adoptée en son temps afin d’encourager la R&D pharmaceutique et par laquelle les laboratoires concernés s’engageaient à investir 10 % de leurs revenus dans cette même recherche au Canada. En 2011, le ratio était tombé à 5,5 % et il continuait de diminuer. Reste que pour compenser l’élimination de la règle des 15 ans, le budget du ministre des Finances, Nicolas Marceau (photo), octroie un crédit d’impôt additionnel de 10 % aux big pharma, soit 125 millions de dollars (97 millions d’euros) sur cinq ans pour faciliter les partenariats de recherche avec les entreprises pharmaceutiques. « . La facture des Québécois en médicaments brevetés sera donc gonflée de 200 millions (155,25 millions d’euros) par année, sans augmentation significative d’investissements en R&D », expliquent Marc-André Gagnon et David Hughes, respectivement professeur adjoint en politiques publiques à l’Université Carleton et agent de recherche à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.
Pertes d’économies pour le budget de la santé[singlepic id=614 w=220 h=140 float=right]
Dans les rangs de l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), on se félicite de l’abandon de la règle des 15 ans. « En choisissant d’éliminer un obstacle à la vente de médicaments génériques, le gouvernement réalisera des économies de près de 175 millions de dollars par an », souligne M. Jim Keon (photo), son président. « Le recours accru aux médicaments génériques constitue une solution incontournable pour contrôler la hausse des coûts en santé et pour assurer la viabilité des régimes d’assurance médicaments, publics et privés, partout au Canada », ajoute ce dernier. « L’élimination de la « règle des 15 ans » était devenue nécessaire et attendue, d’autant plus que le désinvestissement des fabricants de médicaments de marque au Québec s’est accéléré rapidement ». Mais les économies attendues de la fin de la règle pourraient cependant être menacées : car l’Union européenne (UE), dans le cadre des négociations avec le Canada, a fait des demandes visant à prolonger les monopoles des médicaments de marque partout au Canada. « Cela aurait pour effet de gonfler la facture annuelle en médicaments de plus de 800 millions de dollars (621 millions d’euros) par an au Québec, dont la moitié (400 millions de dollars) devrait être assumée directement par le gouvernement », note la presse canadienne. Dans cette attente les génériqueurs de l’ACMG ont fait leurs calculs des impacts réels sur les coûts du régime public d’assurance médicament des prix plus élevés des médicaments : « en 2009, le gouvernement se serait privé d’économies de plus de 160 millions de dollars (source : Budget des dépenses 2010-2011, Conseil du trésor du Québec). C’est plus que six fois plus qu’en 2005 (25 millions de dollars)!”, note l’association, pour qui cette explosion trouve ses sources dans une utilisation accrue des médicaments de marque, une diminution significative du prix des médicaments génériques depuis 2008, une apparition de produits «gros vendeurs» dans la liste des médicaments protégés par la règle et enfin une augmentation des prix des médicaments d’origine. Mais l’ACMG dénonce surtout le recul majeur de l’industrie du médicament de marque dans le pays – moins 20 % d’emplois directs depuis 2005, baisse des dépenses de R&D – alors même que les rangs des génériqueurs grossissent avec des effectifs directs en hausse de plus 85 %
[singlepic id=610 w=240 h=140 float=left]Nicolas Marceau, ministre des Finances, a ainsi confirmé lors de la présentation de son budget 2013-2014, que la règle instaurée en 1994 avait « beaucoup contribué à l’essor du secteur biopharmaceutique au Québec », mais qu’elle ne répondait plus à l’objectif de favoriser la recherche dans la province. Il a également annoncé l’introduction d’une « contribution santé progressive » à compter de l’année prochaine. « Plus du deux tiers des contribuables paieront moins ou en seront exemptes en 2013 et chaque personne paiera en fonction de sa propre capacité financière », a-t-il dit. Face à cette décision, les grandes sociétés de recherche pharmaceutique se sont dites « préoccupées » et « déconcertées ». « Nous voulons participer activement au développement d’une stratégie de transition qui permettrait au Québec de maintenir sa différenciation avec le reste du Canada et à l’international, afin de continuer d’attirer des investissements en recherche », a affirmé Russell Williams (photo), le président de Rx&D, équivalent du LEEM français. « Au cours de la dernière décennie (2000-2010), les membres de Rx&D [ 50 compagnies] ont attiré au Québec 45 % des investissements de recherche et de développement au Canada, même si le Québec ne représente que 20 % de leurs ventes », ajoute l’organisation des big pharma canadienne, qui avance que ces dernières ont investi plus de 1,2 milliard de dollars (931,5 millions d’euros) dans la R&D en 2010 et qu’elles financent 27 % de toute la recherche et développement en sciences de la santé au Canada. « Dans cette phase de transition que nous souhaitons la plus progressive possible, il sera fort important d’assurer de la prévisibilité, puisqu’il s’agît d’un facteur d’investissement fondamental pour les entreprises de recherche pharmaceutique », ajoute Claude Perron, président du Comité Québec de Rx&D et président-directeur-général de Shire Canada Inc. Reste que la décision gouvernementale marque indéniablement la fin d’une époque au Québec, qui, à l’instar de tous les pays développés, a décidé de profiter des gisements d’économies que peuvent lui apporter les génériques.
Jean-Jacques Cristofari
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[singlepic id=611 w=200 h=120 float=left]Les dépenses en santé au Canada
l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) indique que les dépenses totales en santé au Canada devraient s’élever à 207 milliards de dollars canadiens (160,69 milliards d’euros) en 2012, soit environ 5 948 dollars (4617 euros) par habitant. Les dépenses en santé des gouvernements provinciaux et territoriaux devraient croître de 3,1 % en 2012, soit la plus faible hausse depuis 1997, toujours selon l’ICIS. Par contre, les dépenses assumées par le secteur privé ne cessent d’augmenter et devraient atteindre 62,8 milliards de dollars (48,750 milliards d’euros) cette année. Les dépenses provinciales et territoriales, quant à elles, devraient atteindre 135 milliards de dollars (104,8 milliards d’euros) cette année.
Ce sont les gouvernements du Québec et de la Colombie-Britannique qui investissent le moins par habitant, soit 3 513 dollars et 3 690 dollars respectivement. Les dépenses de l’Alberta devraient s’élever à 4 606 dollars par personne, selon l’organisation.
Le taux de croissance des dépenses consacrées aux médicaments devrait ralentir et sera de 3,3 % en 2012, par rapport à 4 % l’année dernière. Selon l’ICIS, il est en baisse depuis 10 ans « ce qu’on peut sans doute attribuer au fait que peu de nouveaux médicaments ont été mis en marché. » Les brevets de plusieurs médicaments de marque sont arrivés à échéance et les provinces et les territoires ont commencé à contrôler le prix des médicaments génériques, a poursuivi l’ICIS.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...