[singlepic id=549 w=220 h=217 float=left]Exclusif : Didier Migaud (photo) sera le nouveau dirigeant de l’Assurance-maladie ! Il ne sera pas formellement nommé directeur général de l’Union nationale des Caisses d’assurance-maladie. Mais le traité européen sur la stabilité budgétaire et la loi organique instaurant la règle d’or budgétaire vont placer le Premier président de la Cour des Comptes en situation d’être le véritable « patron » de la Sécurité sociale. Objet d’intenses débats politiques, les nouvelles règles de gestion des finances publiques vont constituer un véritable big bang dans le monde, jusqu’à présent, préservé de la protection sociale. Explication.
Le monde médico-économique est-il dans le déni ou l’ignorance ? Il continue de fonctionner comme s’il ne voyait pas ou ne voulait pas voir la météorite qui va le frapper avec le traité européen et la règle d’or budgétaire.
Les partenaires conventionnels négocient le plafonnement des dépassements d’honoraires dans des conditions qui frisent le surréalisme. Les syndicats de médecins marchandent leur accord contre une revalorisation des tarifs opposables totalement impossible dans le contexte économique et politique actuel, mais le directeur général de l’UNCAM, Frédéric van Roekeghem (photo), fait mine de rentrer dans leur jeu en agitant la carotte d’une possible augmentation de certains actes et de quelques avantages pour les médecins acceptant de rejoindre « le contrat d’accès aux soins » qu’il a mis sur la table et qui ressemble furieusement à feu le secteur optionnel.[singlepic id=550 w=200 h=140 float=right]
Les vrais changements se préparent en coulisse
Pendant ce temps, le concours Lépine des trouvailles pour réduire les dépenses de santé bat son plein. Deux éminents professeurs de médecine – sorte de papys flingueurs récidivistes dans leur genre – ont découvert que la plupart des médicaments sont inutiles ou dangereux et qu’il suffirait de les retirer du marché pour économiser, sans coup férir, 10 milliards d’euros. Terra Nova – le Think Thank proche du PS – a publié un rapport qui est un véritable inventaire à la Prévert de solutions censées maitriser les dépenses de santé. Sur les 32 propositions, 10 consistent à modifier la gouvernance d’organismes ou à en créer d’autres comme par exemple des chambres régionales de santé qui seraient placées à coté, au dessus ou au dessous – l’histoire ne le dit pas – des Agences régionales de santé. Quelques observatoires et autres instances associant les patients donneraient l’indispensable touche démocratique à cette nouvelle organisation de la santé. Au moment où l’Inspection générale des finances demande de clarifier les rôles respectifs de structures comme l’ANAP, l’ARES et même la HAS, la pertinence de ces projets de création reste à démontrer….Pendant que ces jeux du cirque censés amuser le public ou détourner son attention se déroulent, les vrais changements se préparent. La Cour des comptes a publié son rapport annuel sur la Sécurité sociale. Un marronnier pourrait-on penser.
Un nouveau patron à la Sécu…
Il n’en n’est rien. Morigénant l’Ordre des médecins pour son inaction dans la lutte contre les dépassements tarifaires abusifs et s’interrogeant même sur sa légitimité, remettant en cause la prise en charge d’une partie des cotisations sociales des médecins par l’assurance-maladie et préconisant d’utiliser ce levier – 2,2 milliards d’euros – pour lutter contre les déserts médicaux, critiquant la procédure de certification des établissements hospitaliers parce qu’elle n’est pas fondée sur une logique de résultats, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, se comporte comme s’il dirigeait la Sécurité sociale. Excès de confiance en soi ou abus de pouvoir ? En fait, le patron de la Cour des Comptes ne fait, avec ce rapport, qu’anticiper le rôle qui sera le sien lorsque le Traité sur la coordination, la stabilité et la gouvernance (TSCG) et la loi organique sur le pilotage des finances publiques – la fameuse règle d’or – présentés en Conseil des ministres mercredi 19 septembre auront été votés par le Parlement.
Le principe de ces deux textes est que le déficit structurel des finances publiques, corrigés des effets conjoncturels, ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB. Par « finances publiques », il faut entendre les comptes de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale. L’objet de la loi organique est d’organiser le pilotage de cette gestion rigoureuse des finances publiques. A cet effet, le texte prévoit que « les lois de programmation des finances publiques fixent pour une période de 3 ans, l’objectif à moyen terme des administrations publiques sous la forme d’un solde structurel global, décomposé par sous secteur des administrations publiques » (Etat, collectivités locales et Sécurité sociale).
[singlepic id=551 w=220 h=170 float=left]…pour un nouveau pilotage de la Sécu
La Sécurité sociale devient donc une administration publique. En un mot, ce qui restait de la fiction d’une Sécurité sociale indépendante, gérée par les partenaires sociaux vole en éclat. Pour assurer un pilotage, il faut un pilote. En l’occurrence, ce sera – selon le projet de loi – « un haut conseil des finances publiques ». Composé de 8 membres, placé auprès de la Cour des Comptes et présidé par le 1er président de ladite Cour, ce Comité aura pour mission d’agréer les prévisions économiques sur lesquelles se fondent les lois de finances de l’Etat, ainsi que les lois de financement de la Sécurité sociale, de suivre l’évolution budgétaire des administrations publiques et enfin d’alerter publiquement le gouvernement et le Parlement sur la nécessité de déclencher un mécanisme de correction permettant de revenir dans les clous.
Fin de la récréation
Les termes sont clairs. Le Premier président de la Cour des Comptes est le commandement de bord des finances publiques et à ce titre, il devient tout à la fois le véritable patron de la Sécurité sociale, le vrai ministre du budget et le tuteur de toutes les collectivités locales.Cette profonde mutation dans la gestion des finances publiques renvoie les négociations conventionnelles à de la gesticulation politique. Malgré l’intervention du Président de la République annonçant 10 milliards d’euros d’économies et 20 milliards d’euros d’impôts nouveaux, tout le monde ne semble pas avoir compris que la récréation est terminée. Le débat sur le caractère nécessaire ou non de ce qui n’est plus de la rigueur ni même de l’austérité mais une purge est dépassé.Les chiffres sont connus mais leur rappel en dit plus long que toutes les démonstrations : – Endettement public : 1800 milliards d’euros, – Taux de la dette sur le PIB : 90% – Emprunt quotidien de l’Etat pour assurer les dépenses courantes : 500 millions d’euros, – Coût annuel pour le budget de l’Etat des seuls intérêts de la dette : 50 milliards d’euros.
La conclusion de ces chiffres est que la France est un ménage surendetté. S’il ne prend pas les mesures nécessaires pour sortir du cercle infernal de l’endettement, notre foyer hexagonal finira par être traité par ses créanciers – les mythiques autant qu’invisibles marchés financiers – comme le sont les ménages portugais, espagnol ou grec…Il est dommage que cette purge nécessaire soit associée à l’Europe. De fait, c’est le traité européen qui l’impose. Mais cette contrainte extérieure est la conséquence de 32 ans d’incapacité nationale à une meilleure gestion publique. Tous les gouvernements et les Présidents de la République précédents, de Valery Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy ont cédé à la facilité. Ce dernier, avant de se convertir à la rigueur et coproduire avec Angela Merkel le traité, a aussi laissé filer les dépenses publiques : selon les économistes de tous bords, la dette publique a augmenté de 500 milliards d’euros entre 2007 et 2012. L’ancien président aurait du écouter son Premier ministre qui, dès 2007, déclarait être à la tête d’un Etat en faillite.
Il faut changer de paradigme[singlepic id=553 w=220 h=170 float=right]
Europe ou pas Europe, l’obligation de redresser les comptes pour éviter la faillite est une réalité. Le paradoxe est que l’Euro a été un anesthésiant puisqu’il a permis à la France d’accéder aux financements mondiaux à des taux faibles. C’est l’effet de cet anesthésiant qui disparait et rend le réveil douloureux. Dans ce contexte-là, s’agissant de la Sécurité sociale, les plans petits bras consistant à dérembourser chaque année quelques médicaments, à décoter les actes des radiologistes et à rajouter ici ou là une franchise ne sont plus à la hauteur. Au demeurant, à ce jour, le problème de l’assurance-maladie n’est pas celui de l’évolution des dépenses courantes, mais de l’organisation structurelles et des recettes.
Les dépenses sont maitrisées. En effet, depuis 2 ou 3 ans, l’ONDAM, le fameux objectif national des dépenses d’assurance-maladie est respecté au prix de quelques ajustements et de transferts budgétaires. Les principaux acteurs – médecins et hôpitaux – se plaignent et crient à la faillite, ce qui est vrai pour certains. Mais, globalement, il n’y a plus de dérapages. En termes de gestion du système, des réformes structurantes sur l’organisation hospitalière, sur les relations ville-hôpital, sur les systèmes d’information, sur la cogestion des urgences, sur le mode de rémunérations des médecins libéraux, sont nécessaires mais sans cesse différées. Mais, à court terme, le problème de l’assurance-maladie est celui de ses recettes très dépendantes de la situation économique. Chaque augmentation du chômage provoque un effondrement des recettes. Il faut donc changer de paradigme. Comment ? La CSG qui, avec une assiette plus large a un rendement meilleur ? La TVA, sociale ou non ? D’autres impôts à inventer ? Un autre financement des dépenses de santé via les mutuelles et les complémentaires ? Toutes les options sont ouvertes ou plutôt devraient l’être parce que l’indigence et la superficialité des débats actuels laissent craindre que l’on passe à coté de l’essentiel. A moins que Didier Migaud, lorsqu’il sera aux commandes des finances publiques, ouvre les vrais chantiers…
Philippe Rollandin