[singlepic id=45 w=320 h=240 float=left]Alors même que la Chine peine à reconnaître qu’elle a dans ses murs un prix Nobel de la Paix, l’Empire du Milieu semble être le terreau du développement à venir des groupes pharmaceutiques mondiaux. Alors que les systèmes de protection sociale des économies développées mettent la pression sur les niveaux de dépenses acceptables dans la santé, les pays en développement constituent de véritables relais de croissance pour une industrie actuellement en panne d’innovations et en butte à des pertes de brevets qui menacent le cœur même de sa création de valeur.
Après deux années écoulées moroses, l’heure semble être à la relance sur le marché mondial du médicament. Selon les dernières prévisions de croissance d’IMS pour 2011, ce dernier marché devrait croître dans une fourchette de 5 à 7 % l’an prochain (contre 4 à 5 % pour cette année) pour atteindre un montant global de 880 milliards de dollars (637 milliards d’euros).
De quoi réjouir les analystes boursiers et autres traders qui recommandent d’investir dans un secteur qui reste porteur de valeur. Mais l’essentiel de cette envolée mondiale ne se fera pas dans notre vieille Europe, où le marché se contentera de croître à un rythme compris entre 1 et 3 % sur le Top 5 de l’EU (Allemagne, France, Italie, Espagne et Royaume-Uni), ni sur le plus vaste marché du monde, les Etats-Unis, où le rythme attendu de croissance se situera entre 3 et 5 % en 2011, pour atteindre les 320 milliards de dollars (231,7 milliards d’euros contre 224,5 milliards d’euros cette année). Des chiffres qui selon IMS n’incluent pas l’impact des remises et réductions informelles.
Sur ces marchés matures, les pertes des brevets des blockbusters vont condamner les produits princeps représentant quelque 30 milliards de vente à passer en 2011 dans le camp des génériques, avec un impact qui se manifestera surtout dès 2012. Ainsi pour les seuls Etats-Unis, des blockbusters comme Lipitor®, Plavix®, Zyprexa® et Levaquin®, qui totalisent ensemble plus de 93 millions de prescriptions sur les 12 derniers mois et des ventes globales de plus de 17 milliards de dollars, devraient franchir le Rubicon des génériques et diminuer à concurrence des 2/3 le chiffre d’affaire des laboratoires concernés la 1ère année de leur générication. Toujours dans les pays développés, les mesures de réductions des coûts de santé et des dépenses d’assurance-maladie ont amené les pouvoirs publics à reconsidérer leurs politiques tarifaires, tant à l’égard des prestataires de soins que des industries de santé. L’Allemagne a ainsi durci sa politique de « remises obligatoires » des génériqueurs aux caisses d’assurance-maladie et bloqué les prix des nouveaux produits qui entrent sur le marché. En Espagne et au Canada, où les remises pharmaceutiques standard devraient être supprimées, il a été demandé de réduire les prix des génériques de manière substantielle par rapport à leurs référents de marque. D’autres pays pratiquent des réductions de prix à tous les niveaux (en Turquie, en Grèce de manière autoritaire et brutale). La France de son côté envisage de plafonner les prix des produits nouveaux qui ont déjà un équivalent sur le marché. « Il n’y aura plus de primes pour les nouveaux entrants » fait ainsi valoir le Comité économique des produits de santé (CEPS) dont le président Noël Renaudin précise « qu’il est normal que s’applique une simple règle de bon sens qui dit que si ce n’est pas mieux il faut que ce soit moins cher » (1). Ainsi pour ce dernier, qui quittera son poste n fin d’année, » le régime d’administration des prix est pour l’avenir une voie raisonnable ».
5 blockbusters nouveaux d’ici fin 2011
Dans ce contexte plutôt contraint par les retombées même de la crise économique dont les pays développés ont du mal à sortir, la croissance sera tirée sur ces derniers par des produits « censés répondre aux besoins non encore satisfaits des patients, et qui modifient de façon significative les paradigmes de traitement dans plusieurs aires thérapeutiques clés », commente IMS. Une dimension qui inclut les nouveaux traitements contre les AVC, les mélanomes, la sclérose en plaques, le cancer du sein et l’hépatite C. Autrement dit, ce sont les produits de spécialités qui tireront le marché à l’avenir. La société d’étude pharmaceutique avance que 5 blockbusters disposeront d’une AMM et seront lancés d’ici la fin 2011 sur le marché mondial. Mais cette manne ne suffira pas à compenser les manques à gagner générés par les pertes de brevets des produits phares, qui s’élèveront en cumul à quelque 130 milliards de dollars d’ici 2012. Aussi, selon Murray Aitken, vice-président IMS Health, dans le proche avenir, «pour les industries du médicament, il s’agira de se focaliser sans cesse sur l’apport de valeur ajoutée au patient, et les systèmes de santé seront essentiels pour piloter la dynamique du marché » Autant dire que toute régulation nouvelle du secteur du médicament pourrait conduire à une nouvelle diminution de sa croissance !
25 à 27 % de croissance en Chine
[singlepic id=44 w=320 h=240 float=left]Dans ce contexte rempli de promesses mais surtout d’incertitudes, les industriels du médicament – avec en tête notre champion national, sanofi-aventis-, misent surtout sur les marchés émergents, au nombre de 17 (dont les BRIC), selon IMS Health et qui connaîtront une croissance de 15 à 17 % pour 2011, pour atteindre de 170 à 180 milliards de dollars. « Beaucoup de ces marchés profitent de plus fortes dépenses des gouvernements dans la santé et d’un plus large financement public et privée de la santé, qui conduisent à une meilleure demande et un meilleur accès aux médicaments », commente encore IMS. La Chine, qui vient d’adopter un nouveau plan d’accès au médicament (voir Pharmanalyses ci-dessous) devrait croître de 25 à 27 % pour atteindre 50 milliards de dollars l’an prochain. « La Chine est maintenant le 3ème plus grand marché pharmaceutique mondial », confirme IMS. Autant dire qu’elle représente (enfin !) le relais de croissance qu’il manquait à la pharma mondiale pour surmonter sa faible croissance dans les pays où elle est historiquement implantée. Au total, le salut passe bien par l’Empire du Milieu, avec lequel il faut encore apprendre à composer. Son refus de reconnaissance du Nobel de la Paix à à Liu Xiaobo est là pour le rappeler.
J-J. Cristofari
(1) cF. Pharmaceutiques N° 178, juin/juillet 2010, « En Europe, l’avenir est aux prix administrés »
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...