[singlepic id=105 w=320 h=240 float=left]Les rabais obligatoires imposés aux industriels allemands du médicament par la loi sur la restructuration du marché pharmaceutique – dénommée AMNOG – leur coûtera en année pleine quelque 2 milliards d’euros. La crise financière commence outre-Rhin à affecter le secteur de la santé, jusque là épargné. Les deux-tiers des laboratoires de la pharma considèrent que leur chiffre d’affaires reculera, sinon stagnera cette année. Les filiales des big pharma présentes dans le pays broient du noir.
Ce n’est pas la déprime, mais cela lui ressemble. Selon un sondage réalisé par le VFA, qui représente les intérêts des filiales de groupes étrangers installés en Allemagne, à peine 32, 5 % des entreprises du médicament pensent qu’elles connaîtront en 2011 une hausse de leurs ventes. La croissance ne sera donc pas au rendez-vous dans un système de santé qui vient de mettre en oeuvre de nouvelles réformes dont une qui concerne très directement le secteur des médicaments. Car le gouvernement dirigé par Angela Merkel sait que pour éviter à l’assurance-maladie de sombrer dans un nouveau trou, il n’est que deux solutions : augmenter les recettes, ce que la coalition vient de faire en rehaussant les cotisations sociales et en abondant par voie fiscale le Fonds de Santé chargé de régler au global les dépenses, ou faire pression sur les coûts. Cette 2ème disposition est également en oeuvre : la hausse conséquente des rabais obligatoires imposés aux fabricants, portés à 16 %, ajoutée à un blocage quasi général des prix des produits pharmaceutiques jusqu’en 2013, devrait être de nature à renflouer le déficit que rien, cette fois, ne parvient à endiguer. Car ce dernier est d’ores et déjà programmé à 9 milliards d’euros pour cette année, les mêmes causes (vieillissement de la population, explosion des maladies chroniques…) produisant les mêmes effets, de part et d’autre du Rhin.
Des prévisions pessimistes
Ce pessimisme qu’affichent les industriels est relativement nouveau. Il y a un an encore, les deux tiers des sociétés pharmaceutiques misaient sur la croissance. Cette fois, rien de semblable : 19 % attendent une stagnation de leurs affaires et 48,8 % misent même sur une régression de leur CA. Une entreprise sur dix est même convaincue que la chute sera sévère ! Ces prévisions pessimistes auront des conséquences sur les investissements en recherche des laboratoires implantés en Allemagne : un tiers de ces derniers planifient mêmes des suppressions d’investissements, même si un autre tiers entend au contraire les renforcer. Selon le VFA, les investissements en R&D par tête devraient ainsi au minimum demeurer stables. Cette situation n’aura pour autant pas d’effet sur le nombre de nouvelles molécules qui seront introduites cette année sur le marché, soit une trentaine au total, avec un tiers d’entre-elles pour des indications dans les maladies rares. Le VFA prévoit que de nouveaux médicaments seront introduits dans les domaines du traitement des cancers du poumon et de la prostate. Deux nouveaux antibiotiques permettront de mieux combattre les bactéries résistantes à d’anciennes molécules. D’autres produits s’ajouteront à l’arsenal thérapeutique existants.
Un ministre de la Santé très critiqué
L’état général de la pharma ne manquera pas non plus d’affecter le monde officinal, qui a vu sa situation s’aggraver en 2009 et qui s’attend pour 2011 à vivre une vraie crise économique interne. à son secteur. De l’analyse de 266 bilans de pharmacies allemandes, il ressort un rendement net de 0,3 %. En 2008, ce dernier était encore de 0,8 %. Les petites pharmacies (jusqu’à 5 employés) sont d’ores et déjà dans le rouge. Au total, 87 % des pharmaciens d’officines allemands misent en décembre dernier sur un développement défavorable de leurs affaires. Ils n’étaient que 62 en septembre. Entre temps, la politique des rabais les a également frappé : les ristournes que les pharmaciens doivent faire aux caisses d’assurance-maladie ont ainsi grimpé de 1,75 euros à 2,05 euros par conditionnement. La note totale pour le secteur officinal a ainsi atteint les 200 millions d’euros. Les officinaux allemands sont dans ce cadre très déçus de la politique conduite par le libéral ministre de la Santé, Philipp Rössler, membre de la FDP. Un récent sondage réalisé par un institut allemand fait ainsi ressortir que 80 % des officinaux jugent la politique conduite par la coalition « inadaptée » ou « inefficace ». La colère est tout aussi manifeste à l’encontre du ministre dans les rangs de la principale organisation professionnelle, l’ABDA, qui a échoué dans son combat contre les ventes de médicaments par correspondance et par Internet, comme dans sa campagne contre les pharmacies détenues par des propriétaires extérieurs à la profession. L’année 2011 commence sous les nuages…
Jean-Jacques Cristofari
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...