L’Union européenne se cherche une nouvelle politique industrielle

octobre 31 00:21 2010 Imprimer l'article

[singlepic id=61 w=320 h=240 float=left]A l’heure où les feux de l’actualité sont encore largement focalisés sur l’impact financier de la crise économique et sur les conséquences sociales de cette dernière, la Commission européenne planche sur la politique industrielle à l’ère de la mondialisation. Comme si subitement, il fallait de toute urgence revenir à l’économie réelle dans un univers où la finance continue de déréguler le fonctionnement de nos économies et où les Cassandre pronostiquent un nouveau tsunami monétaire mondial. Voici donc que la très sérieuse Commission européenne dirigée par José Manuel Barroso insiste dans le contexte de la stratégie « Europe 2020 » sur le « rôle majeur que doit jouer l’industrie pour que l’Europe demeure une grande puissance économique ». Sans tarder, la députée européenne Françoise Grossetête lui répond.

On notera que l’ambition de l’Europe, vue par la Commission, est de « demeurer » une grande puissance, ce qu’elle n’est sans doute déjà plus face à la première puissance mondiale, les USA, et surtout derrière le dragon chinois qui nous souffle aux narines des taux de croissance à deux chiffres. Le document édité par la Commission, «une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation», est accompagné d’un rapport sur les performances des États membres en matière de compétitivité et du rapport 2010 sur la compétitivité européenne. On y apprendra que selon les dernières données disponibles, la reprise économique dans les secteurs industriels et manufacturiers se poursuit, mais à un rythme plus lent, à + 8 % au mois d’août dernier par rapport au même mois de l’année précédente. « La croissance de la production manufacturière suit une tendance positive depuis avril 2009. La production est néanmoins inférieure d’environ 12 % à son plus haut niveau, qui remonte au début de l’année 2008 », souligne le communiqué de la Commission. Ah ! que la vie était belle avant la crise financière d’octobre 2008 qui, comme le soulignait en son temps le quotidien Le Monde, a effacé de la planète quelque 23 000 milliards de dollars !

La salut vient de l’Asie

Au ralentissement actuel, qui se traduit par des taux de chômage élevés dans l’UE, s’ajoute une progression extrêmement ralentie des exportations et une demande intérieure comme une consommation privée relativement faibles. Tous les ingrédients sont là pour maintenir la Vieille Europe dans une phase de stagnation mâtinée de déflation, le tout combiné à un chômage structurel de longue période. Dans ce contexte pour le moins maussade, aucun grand plan d’ensemble de relance n’est proposé par les instances européennes, ni investissement, ni grands travaux ne semblent à l’ordre du jour. Car, comme le souligne encore la Commission Barroso, « les conditions macroéconomiques de la zone euro restent fragiles, comme le montrent le problème de la dette souveraine et l’incertitude qui entoure l’assainissement des finances publiques ». Il est urgent de ne rien faire ! N’était-ce de rétablir l’équilibre des comptes publics ! Seul point positif : « la forte croissance asiatique se poursuit, ce qui devrait, nous est-il expliqué, stimuler la croissance des exportations et de la production en Europe » également. le salut passe décidément par l’Asie !

La compétitivité de l’UE a faibli

Quant à notre politique industrielle, il lui faudra encore, pour nous permettre de demeurer dans la course, gagner en compétitivité ! Car, nous explique-t-on encore,  » la compétitivité internationale de l’UE faiblit »1. « La productivité moyenne dans l’UE est inférieure d’un tiers à celle des Etats-Unis, analyse toujours la Commission. S’agissant de la spécialisation industrielle, il apparaît que les États membres de l’UE continuent de s’appuyer sur les secteurs industriels de moyennes technologies et de moyennes qualifications plutôt que sur les industries de hautes technologies et de hautes qualifications. La productivité moyenne dans l’UE reste près d’un tiers en dessous du niveau américain ». Encore eut-il fallu pour redresser la barre que l’Europe respecte ses propres engagements, notamment celui d’investir plus massivement dans la recherche et l’économie de la connaissance, comme la stratégie adoptée à Lisbonne le lui a suggéré (1). Reste que la voie du redressement de cette compétitivité en déclin ne pourra que passer par l’action nationale. Et sans doute par une plus grande dérégulation du marché du travail !

Faire sauter le goulet d’étranglement de l’accès au financement

Certes, il faudra dans le cadre des ambitions industrielles de l’Europe songer à desserrer les conditions du crédit faites aux PME souvent étranglées par leur banque. « L’accès au financement reste un goulet d’étranglement critique pour la croissance future », note encore la Commission. Il faudra espérer que nos banques, plus enclines à se refaire une santé qu’à soutenir les investissements et les risques que prennent nos chefs d’entreprises, desserrent le noeud. Enfin, selon une musique bien connue, nos institutions européennes s’en prennent par ailleurs au manque d’efficacité de l’administration publique et au « manque de concurrence dans le secteur des services » qui constitue à leurs yeux « un véritable défi ».

L’UE « reste un pôle attractif pour l’industrie

La commission encourage les Etats membres à « prendre des mesures temporaires supplémentaires pour encourager la recherche et l’innovation dans le cadre du système existant ». Car l’UE « reste un pôle attractif pour l’industrie ainsi que la R&D et l’innovation ». Une Union qui peut dans bien des process industriels récupérer la valeur, parce que cette dernière « provient surtout de la conception, de la R&D, de la marque, de la commercialisation et de la gestion, qui restent localisées dans l’UE. » Mais pour combien de temps encore ? La compétitivité de l’UE dans la nanotechnologie, la microélectronique et la nanoélectronique (y compris les semi-conducteurs), la biotechnologie industrielle, la photonique, les matériaux avancés et les technologies de fabrication avancées est remarquable, nous est-il expliqué à Bruxelles, tout comme le potentiel du marché mondial pour leurs applications. « Cependant, les qualifications, la R&D, le capital-risque, le maintien d’une base manufacturière et l’existence d’une réglementation adéquate sont autant de facteurs déterminants pour le développement d’applications de technologies clés génériques en Europe. » Autrement dit, une recherche efficace n’a de pertinence que si elle est adossée à une base productive solide. A défaut, l’une comme l’autre finiront par être délocalisé…en Asie ou ailleurs !

Renforcer l’arsenal antidumping de l’Europe

En réponse à la communication de la Commission européenne sur « une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation », la députée européenne Françoise Grossetête a déclaré : « L’industrie a été le fil rouge guidant la création de l’Union européenne (UE). En cette période de crise, c’est aujourd’hui le rôle de l’UE de contribuer au sauvetage ou développement de la prospérité de ses usines et de ses appareils de production.Je regrette une certaine fébrilité de la part de la Commission européenne sur les questions liées au renforcement de l’arsenal antidumping de l’UE ou l’application du principe général de réciprocité dans les échanges commerciaux avec les pays tiers. La pire des situations est celle d’un marché européen ouvert, face à des marchés concurrents fermés. A l’égard de la Commission européenne, j’en dirais de même sur la question de la « sacro-sainte » concurrence libre et non faussée au sein de nos frontières européennes. Nous ne pouvons pas être la seule zone économique mondiale qui applique unilatéralement les préceptes du libre échange, en parfaite méconnaissance du comportement de ses grands concurrents. L’UE n’est pas une île coupée du reste du monde! » Des propos que ne renieraient sûrement pas feu le prix Nobel d’Economie Maurice Allais !

Jean-Jacques Cristofari

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(1) L’objectif de cette stratégie fixé par le Conseil européen de Lisbonne est de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale». Les moyens envisagés sont la réalisation d’une série de réformes globales et interdépendantes, alors que les actions menées par l’un des États membres seront d’autant plus efficaces que les autres États membres agiraient de concert. Les champs de réforme sont l’innovation comme moteur du changement, l’«économie de la connaissance» et le renouveau social et environnemental. (Source : Wikipédia)

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Jean Jacques Cristofari
Jean Jacques Cristofari

Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...

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