Le 15 mai dernier, la ministre de la Santé, Agnès Byzyn, a reçu les représentants des organismes d’assurance-maladie complémentaire pour évoquer la future réforme sur les restes à charge zéro. Le calendrier de la mise en œuvre de cette réforme – prévue pour 2019 – sera annoncé en juin. La discussion a mis en avant le rôle des réseaux de soins qui viennent de faire l’objet d’une note technique de Terra Nova.
« Le hasard ne favorise que les esprits préparés ». La veille de la rencontre au ministère de la Santé des représentants des trois familles de complémentaires santé (Mutuelles, sociétés de prévoyance et assureurs privés) avec le Pr. Agnès Buzyn, le think tank Terra Nova, proche du parti socialiste, a diffusé une note technique très détaillée (1) en faveur d’une « plus large reconnaissance des vertus et bénéfices des réseaux de soins ». « Au moment où les pouvoirs publics pourraient être tentés de les contourner dans le cadre de la réforme en faveur d’un reste à charge zéro, la note recommande de s’appuyer sur leur expérience », souligne en introduction le texte d’une quarantaine de pages, signé sous un pseudonyme par un « spécialiste des politiques de santé » qui ne veut pas dire son nom.
Un impact positif sur les prix
La note revient longuement sur le poids des réseaux de soins, initiés avec le tiers payant il y a une trentaine d’années dans notre système de santé. Des réseaux qui rencontrent ou suscitent avec le temps de fortes résistances dans les rangs des professionnels de santé libéraux, voire des débats houleux et des contentieux. Elle explique les raisons qui ont justifié leur développement et souligne les modalités de leur mise en place, assises sur les partenariats entre assureurs, gérés par des plateformes – au nombre de six à ce jour – et formalisés par des conventions avec les professionnels de santé sélectionnés et ayant choisi de s’inscrire dans le réseau. « Près de 50 millions de personnes y ont aujourd’hui accès, contre seulement 30 millions en 2010, précise Terra Nova. Cette croissance exponentielle devrait se poursuivre, près de 10 millions de personnes étant couvertes par une assurance santé privée sans néanmoins bénéficier d’un réseau de soins ». Les domaines de l’optique, des prothèses dentaires ou auditives – secteurs où les principaux financeurs sont les assureurs santé complémentaire et les ménages -, n’ont pas échappé à la logique des réseaux, du fait de la faible prise en charge publique des dépenses totales. Reste que « les réseaux de soins se situent actuellement au milieu du gué » et « si la dernière mission Igas sur les réseaux de soins (2) a observé un impact positif des réseaux sur le prix des soins et le reste à charge des ménages, elle a en même temps déclaré ne pas être en mesure de faire la part entre les pratiques de qualité et les autres, au sein et en dehors des réseaux ».
Des leviers d’améliorations
La note sur les réseaux précise encore que ces derniers font partie des « leviers d’améliorations pour un meilleur système de santé demain » et avance qu’ils ne doivent être « ni minorés, ni empêchés ». Mais ils ne doivent pas non plus être cantonnés aux seuls secteurs où les assureurs santé privés sont des financeurs majoritaires. « Les pouvoirs publics seraient avisés de rouvrir le dossier des réseaux de soins en envisageant une régulation qui allierait liberté d’action et évaluation de la qualité », ajoute le think tank. Il suggère à cet égard de leur permettre d’agir à tous les niveaux et sur différents registres : modes de rémunération nouveaux, prise en charge des pathologies chroniques, renforcement de l’accessibilité aux services de santé, nouvelles organisations, soutien aux patients dans leur prise en charge, expérimentation de nouvelles solutions. « A chaque fois, les réseaux de soins peuvent être l’une des clés de l’amélioration du système de santé, sans jamais être la seule et unique solution possible. »
Les réseaux de soins sur la touche
La réforme du reste à charge zéro, pour laquelle la ministre fixera prochainement son calendrier, aurait, de l’avis de la note précité, laissé les réseaux de soins sur la touche. Aussi, l’auteur du texte suggère-t-il de restaurer la confiance dans les réseaux de soins par trois types de mesures qu’il développe longuement : se doter des moyens nécessaires à l’évaluation de la qualité ; rendre la gouvernance plus transparente et responsable ; et enfin ouvrir des possibilités de contractualisation dérogatoires.
Les quatre organisations reçues par la ministre de la Santé se sont emparées de l’analyse du think tank pour mettre en avant le rôle des réseaux de soins dont, à leur avis, « la capacité de négociation permet d’agir sur les prix et les restes à charge tout en garantissant des prestations santé de qualité par un dialogue avec les professionnels de santé respectueux de l’économie de chacun ». Elles se sont engagées à « renforcer la lisibilité des contrats complémentaires » et souhaitent désormais et en vue de la réforme pouvoir disposer « du temps nécessaire pour intégrer l’offre reste à charge zéro dans leurs contrats à partir du 1er janvier 2020 ». La concertation qui se poursuit jusqu’en juin devra dire si les assureurs complémentaire ont été entendus.
Jean-Jacques Cristofari
(1) « La santé en réseaux. Qualité des soins, entreprise à mission et contrats dérogatoires », Terra Nova, mai 2018.
(2) « Les réseaux de soins », rapport IGAS n°2016-107R, juin 2017.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...