Le dernier rapport annuel de la société Ernst&Young sur les biotechnologies, « Beyond borders – Reaching new heights » confirme l’explosion du secteur au plan mondial en 2014, avec une progression des revenus totaux de 24 %, à 123 milliards de dollars. Revenus, bénéfices nets, capitaux levés, capitalisation du secteur, nombre de produits autorisés, tous les paramètres suivis chaque année par E&Y sont au vert. Ils atteignent parfois des niveaux records qui, pour certains, se rapprochent des performances de la bulle génomique des années 2000.
Forte reprise des dépenses de R&D en Europe en 2014
En 2014, les revenus totaux ont progressé de 24 %, à 123 milliards de dollars (113,3 milliards d’euros). Si les autorisations des deux traitements de l’hépatite C de Gilead (Numéro 8 mondial de la pharma, avec 21,8 milliards d’euros) , Sovaldi® et Harvoni®, ont gonflé les résultats du secteur, les performances observées l’année dernière attestent que cette industrie est clairement parvenue au stade de la maturité. Une fois « l’effet Gilead » enlevé, les revenus 2014 enregistrent une hausse de 12 %, après une augmentation de 10 % en 2013. Encore une fois, les Etats-Unis tiennent le haut du pavé. Ils réalisent à seuls 75 % du chiffre d’affaires et 71 % des bénéfices. Ils concentrent également 59 % des effectifs, 56 % des sociétés cotées et 81 % des dépenses de R&D du secteur en 2014.
Le secteur qui est bénéficiaire depuis 2008, compte également 26 biotech avec une capitalisation supérieure à un milliard de dollars. Celles-ci n’étaient que trois (Human Genome Sciences, maintenant racheté par GSK, Regeneron Pharmaceuticals et Vertex Pharmaceuticals) en 2007 et 15 en 2013.
Bénéficiaire pour la troisième année consécutive, l’industrie biotech européenne a aussi connu une progression substantielle, avec une croissance de 15 % de ses revenus (+ 3 % en 2013) et des bénéfices qui ont triplé en 2014 pour atteindre 3,25 milliards de dollars. 77 % des sociétés européennes ont ainsi généré des revenus en 2014 et l’indice de survie établi par E&Y montre une baisse de 11 % du nombre de biotech européennes disposant de moins d’un an de trésorerie. Autre élément significatif de la confiance des sociétés européennes, la reprise des dépenses de R&D en Europe, qui, après un recul de 3 % en 2013, ont atteint plus de 5,5 milliards (+14%).
Biotechnologies 2014 : quelques points de repère en chiffres (milliards de $)
(Source : Biotechnology Industry Report 2015. Beyond borders – Reaching new heights. E&Y. Juin 2015)
Total
Etats-Unis
Europe
123,1
(+24 %)
93,1
(+29 %)
23,99
(+15 %)
35,4
(+20 %)
28,83
(+22 %)
5, 57
(+14 %)
14,9
(+231 %)
10,6
(+2,7%)
3,255
(+199 %)
1 063,4
(+34 %)
853,9
162,149
(+41 %)
183 610
(+ 9%)
110 090
(+10 %)
58,77
(+ 8 %)
714
(+ 15 %)
403
(+17 %)
196
2519
(+7 %)
2136
(-1%)
Une année historique pour la bourse
Au niveau des financements, 2014 se positionne comme la deuxième meilleure année de l’histoire de la biotech pour les introductions en bourse. Au total, 94 sociétés, 58 aux Etats-Unis et 32 en Europe, ont fait leur entrée sur les marchés boursiers l’année dernière. Les montants levés sont en hausse de 93 %, à 6,8 milliards de dollars (4,9 milliards de dollars pour les biotech US et 1,9 milliard de dollars pour les biotech européennes), tandis que les 79 IPO de 2000 avaient permis de lever 7,8 milliards de dollars. Il existe néanmoins, une différence notable entre ces deux phases de succès boursiers. Alors que la bulle de 2000 avait vu entrer en bourse une majorité de sociétés à un stade très précoce, E&Y souligne la maturité des sociétés de la vague de 2013 – 2014, avec 98 % des candidats à la bourse qui possédent des produits lead en phase 2. L’apport de la bourse s’est aussi traduit au niveau des levées secondaires qui ont permis de réunir 13,8 milliards de dollars (10,7 milliards pour les biotech US et 3,1 milliards pour les biotech européennes).
la France leader
Avec Euronext Paris devenue la première place boursière européenne pour la biotech, la France est le pays européen qui a enregistré le plus grand nombre d’introductions en 2014. Une situation qui, conjuguée aux politiques de crédit impôt recherche hexagonales, devrait, selon E&Y, favoriser la création d’un écosystème plus favorable pour le capital-risque. Par ailleurs, l’étude relève que se pose la question pour les sociétés européennes de choisir une cotation sur leur marché domestique ou sur le Nasdaq. A l’exception notable de Circassia qui a levé 238 millions en mars 2014 via la première opération intervenue sur la place londonienne depuis 2006, E&Y indique que huit des dix principales introductions réalisées par des sociétés européennes ont eu lieu sur le Nasdaq. De plus, les performances post-IPO ont été supérieures sur le Nasdaq. 63 % des biotech US cotées sur le Nasdaq ont terminé l’année avec un cours supérieur à leur niveau d’introduction tandis que seules sept (23%) des sociétés européennes ont pu atteindre ce résultat en 2014.
Enfin, le capital risque retrouve des couleurs et enregistre aussi des résultats records. Après cinq années où les fonds levés sont restés de l’ordre de 5,5 à 5,7 milliards de dollars par an, ce sont 7,6 milliards de dollars (+ 28 %) qui ont été injectés par le capital risque en 2014. Ici, encore, l’essentiel des fonds a été drainé vers les sociétés américaines qui ont pu récolter 5,6 milliards de dollars, tandis que les biotech européennes se sont réparties les deux milliards de dollars abondés par le capital-risque en 2014. Ici, c’est le Royaume-Uni qui recueille la part la plus importante, avec 29 % de ces deux milliards (593 millions), devant la France et l’Allemagne. On notera également une réduction des tours de table en Europe, dont le nombre s’est établi à 183 en 2014 contre une moyenne annuelle de 218 sur les dix dernières années. Ces tours de table restent d’un montant inférieur de moitié à ceux réalisés par les sociétés américaines, incitant ainsi les sociétés européennes à conclure plus tôt des accords de licence pour financer leur développement et réduit leur pouvoir de négociation et leur possibilité de conserver des droits sur leurs produits.
Fusions pharma/biotech au plus haut
Néanmoins, l’évolution de la situation d’une industrie pharmaceutique toujours en quête de nouvelles molécules pour renforcer leurs portefeuilles de produits reste un point fort pour les acteurs de la biotech. En 2014, les opérations de fusion-acquisition entre pharma et biotech sont revenues à un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2009, avec en particulier 27 acquisitions impliquant une biotech européenne, à l’image de l’acquisition du danois Santaris Pharma par le suisse Roche ou du néerlandais Prosensa par l’américain BioMarin. Même évolution sur le front des partenariats, avec 152 accords de licence et le retour d’un nombre croissant d’accords d’une valeur potentielle supérieure au milliard de dollars tels que l’accord du français Cellectis avec Pfizer ou du belge Ablynx avec Merck&Co. De même, on observe aussi une augmentation significative du montant des versements initiaux revenus aux niveaux moyens de 11 % observés en 2005-2007. 13 accords ont généré des upfront supérieurs à 100 millions de dollars en 2014, deux d’entre eux, ont même franchi la barre des 700 millions de dollars. Ce sont les accords intervenus entre l’américain Celgene et l’irlandais Nogra Pharma sur un ADN antisens ciblant le traitement de la maladie de Crohn et entre le français Sanofi et l’américain Alnylam Pharmaceuticals pour des ARN interférents destinés au traitement de maladies rares.
Anne-Lise Berthier, rédactrice en chef de BioPharmAnalyses
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