[singlepic id=689 w=320 h=240 float=left]Depuis le 1er mars, la Sécurité sociale est placée sous la tutelle du Haut conseil des finances publiques créé en application du Traité européen sur la convergence budgétaire. Pilote de cette structure, la Cour des Comptes semble bien décidée à provoquer un grand big-bang dans la gestion du système de santé. Elle a d’ailleurs envoyé plusieurs signaux ces derniers mois.
Dans son rapport annuel publié le 12 février dernier, la Cour des Comptes a consacré pas moins de 4 chapitres à des sujets relevant des champs médico-économiques et de la santé : les accidents du travail, le parcours de soins, les restructurations hospitalières et la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Le 19 février, elle a rendu public un rapport sur le Dossier médical personnel, commandé par la Commission des finances de l’Assemblée nationale et enfin, le 20 février, elle a rendu public un rapport sur la politique vaccinale qui lui avait été demandé par la Commission des affaires sociales du Sénat. Les magistrats de l’institution financière de la rue Cambon tendent à devenir de véritables experts du système de santé et leurs analyses sont aussi percutantes que leurs solutions décapantes.
Un rouage essentiel de la gestion publique
La Cour des comptes n’est plus ce qu’elle était c’est-à-dire une institution vieillotte pointant du doigt les errements des administrations de l’Etat et des collectivités locales dans l’indifférence générale et peuplée de hauts fonctionnaires patientant sous les dorures en attente d’une affectation plus valorisante. Elle est devenue un rouage essentiel de la gestion des finances publiques au sens large : Etat, Sécurité sociale, collectivités locales et territoriales. Les acteurs du système de santé auraient tort de traiter avec légèreté les rapports relatifs à leur secteur et de penser qu’il suffit d’attendre que l’orage passe pour rependre une vie normale à l’abri des regards indiscrets.
L’intérêt de la Cour pour les questions de santé ne doit rien au hasard et surtout il ne va pas se relâcher. En effet, l’événement est passé inaperçu, mais le 1er mars, un véritable chambardement de la gestion des finances publiques s’est produit. Ce jour-là, « le Haut conseil des finances publiques » a vu le jour et il sera officiellement installé dans le courant du mois.
Les politiques sociales et sanitaires passées au crible[singlepic id=687 w=240 h=160 float=right]
Créé en application du traité européen de juin 2012 et de la loi organique de septembre, ce conseil « a pour mission d’agréer les prévisions économiques sur lesquelles se fondent les lois de finances de l’Etat, ainsi que les lois de financement de la Sécurité sociale ». Vous avez bien lu : le HCFP doit approuver les comptes de l’Etat et de la Sécurité sociale. Composé de 8 membres, il est présidé par le 1er Président de la Cour des Comptes, Didier Migaud (photo). Comme nous l’avons déjà noté dans ces colonnes, celui-ci devient de fait le véritable ministre du budget et le vrai patron de la Sécurité sociale donc de l’Assurance-maladie.
Si on regarde les sujets traités par la Cour dans ses derniers rapports et si on les lit avec un peu d’attention, on constate une évolution du mode de travail de l’institution. Jusqu’à ces dernières années, elle ne s’intéressait qu’aux aspects budgétaires et comptables. Désormais, elle se livre à une véritable évaluation des politiques sociales et sanitaires. Dans son dernier rapport sur la Sécurité sociale, elle a tancé l’Ordre des médecins et analysé la question des déserts médicaux sous tous les angles. Dans son rapport sur la vaccination, elle pointe la faible efficacité de la politique vaccinale et écrit que « la coexistence de vaccinations obligatoires et de vaccinations recommandées peut induire dans l’esprit du public, un doute sur l’opportunité des secondes »… Une remarque que l’on attendrait plus sous la plume du Haut conseil de la santé publique ou de la Haute autorité de santé. Dans le rapport sur le parcours de soins, elle dénonce l’absence de médicalisation du parcours de soins. On pourrait multiplier les exemples….
Au fond, tous ces rapports envoient le même message aux acteurs du système de santé : la récréation est finie et l’heure des réformes structurelles visant à rationnaliser le système et optimiser la dépense est arrivée. La situation budgétaire de l’Assurance-maladie est à l’opposé de celle de l’Etat. Celui-ci est confronté à un problème conjoncturel. Celle-là est face à des défis structurels. Dans son rapport sur l’Etat des finances publiques, la Cour a souligné qu’en 2013, il serait impossible d’atteindre la fameuse barre des 3 % de déficit en raison d’une croissance plus faible que prévue. Ce diagnostic a été confirmé par la Commission européenne et accepté – bien obligé d’ailleurs – par le gouvernement qui a revu à la baisse ses objectifs de croissance à 0,1 % contre 0,8 % initialement espéré. Ce correctif a suscité beaucoup de commentaires sur le thème de l’incapacité de François Hollande à tenir son engagement de réduction de la dette. Ce brouhaha a occulté le fait que la Cour soulignait qu’en raison des mesures budgétaires décidées, le déficit structurel se réduisait et se rapprochait de 0,5 %, la norme fixée par le traité européen. L’écart entre 3 % et la prévision de 3,7 % est la conséquence des aléas conjoncturels. Mais, structurellement, la « trajectoire » budgétaire, selon la nouvelle terminologie européenne est positive, ce qui explique que la France continue à emprunter à des taux extrêmement bas.
Un organisation du système pas optimale
La situation de l’Assurance-maladie est l’exact négatif de celle de l’Etat. Elle est conjoncturellement stabilisée, mais structurellement dégradée. En effet, depuis 2011, l’ONDAM est sous contrôle, exécuté conformément à sa définition et même avec un excédent en 2012. Mais, structurellement, les charges sont excessives parce que l’organisation du système n’est pas optimale, qu’il s’agisse du secteur hospitalier ou du secteur ambulatoire. C’est le sens des rapports thématiques de la Cour des comptes et nul doute que le Haut conseil des finances publiques ne laissera pas ces situations perdurer. L’assurance-maladie va connaitre un véritable big-bang.
La prochaine Convention médicale devra se négocier rue Cambon, à deux pas du Jardin des Tuileries et du musée du Louvre et non au siège de l’UNCAM, porte de Montreuil, tout près du marché aux puces alimenté par les biffins… Ce sera plus chic mais aussi plus choc.
Philippe Rollandin