[singlepic id=221 w=320 h=240 float=left]Lancées en février dernier dans la foulée de l’affaire Médiator – qui a fortement ébranlé l’ensemble des structures publiques participant à la gouvernance du médicament en France -, et du rapport de l’IGAS – qui met en évidence « les graves défaillances du système français de pharmacovigilance » -, les Assises du Médicament ont récemment achevé leurs travaux. Edouard Couty (photo), président et rapporteur de ces Assises, devait rendre son rapport le 22 juin, après d’ultimes consultations. Le rôle de la visite médicale et le statut de ses agents n’ont pas été tranchés lors des débats. Le LEEM a pris position et a mis sur la table son code de déontologie.
Il aura fallu pas moins de 46 réunions et 400 heures de séances de travail organisées pour et avec quelque 300 professionnels de santé issus de tous les horizons, en vue de participer aux six groupes de travail (voir plus bas) constitués pour les Assises du Médicament, afin de contribuer à la réforme prochaine du système de contrôle du médicament. Edouard Couty, conseiller maître à la Cour des comptes, missionné le 24 février dernier par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, pour construire à travers les Assises du Médicament « une vision stratégique nationale de la politique de santé » devait rendre le 22 juin un rapport de synthèse très attendu. Il fait suite à celui que vient de rendre la mission d’information parlementaire sur le Mediator, présidée par le député socialiste Géard Bapt, qui en précède un autre, toujours sur le Médiator, issu cette fois des rangs du Sénat. Le tout sera complété par un second rapport de l’IGAS en vue de la préparation de la future loi sur la gouvernance du médicament.
« Notre système n’est pas si mauvais ; il faut plutôt se pencher sur la manière dont on le fait fonctionner », confiait il y a peu Edouard Couty lors d’une réunion organisée par le mensuel Décision Santé et par la Fédération Hospitalière de France (FHF). Autant dire qu’il ne faudra pas s’attendre à un « grand soir » institutionnel avec fusion et restructuration d’agences qui ont pignon sur rue de longue date et surtout qui viennent d’être dotées de nouveaux patrons, avec le Pr. Dominique Maraninchi à l‘Afssaps et le Pr. Jean-Luc Harrousseau à la Haute-Autorité de Santé. L’un et l’autre s’étant empressés de nettoyer quelques écuries dès leur arrivée, c’est davantage à une toilettage des structures auquel nous assisterons et surtout à la remise de nouvelles feuilles de routes sur la base du futur texte législatif que devrait produire gouvernement et Parlement pour la rentrée prochaine. Car le temps presse et les élections présidentielles de 2012 approchant à grands pas, il ne saurait être question de laisser flotter un tel dossier en pleine campagne électorale où les comptes – et règlements de compte – ne manqueront pas d’être faits.
Un nouveau code de déontologie pour les industriels
Premier et impact le plus immédiat d’une affaire qui ne finit pas de défrayer la chronique, la transparence devrait à l’avenir devenir une règle de conduite permanente dans la gouvernance du médicament. Le « Sunshine Act », en vigueur Outre-Atlantique, devrait ainsi rapidement s’imposer – avec une version revisitée pour la France – comme une nouvelle norme dans la conduite des affaires pharmaceutiques. Le LEEM qui préside aux destinées des industriels du médicament, a, dans ce registre, réactivé son « Comité de parties prenantes des entreprises du médicament » (Coppem). « Ethique et transparence sont les deux mots clés qui doivent guider notre démarche de responsabilité sociétale dans nos activités de recherche, de promotion et d’information », précise à cet égard Patrick Errard, dg d’Astellas Pharma en France et président de la commission juridique du LEEM, en rappelant que le conseil d’administration de la structure syndicale a adopté en janvier dernier un code de déontologie appelé à être complété (1). L’objectif poursuivi par les représentants des industriels – qui viennent de se doter d’un site Internet entièrement rénové – est ainsi de reconfigurer une image fortement altérée par l’affaire Mediator, qui, aux yeux du président du LEEM, renvoie à une vision de l’industrie du médicament des années 80. Le LEEM entend désormais appuyer sa ligne de conduite sur la base de principes déontologiques nouveaux, au nombre desquels il place le respect de l’éthique et de la déontologie dans les activités opérationnelles, la qualité, fiabilité et clarté de l’information délivrée par les entreprises du médicament, la transparence des relations avec les acteurs de santé et enfin le respect de l’indépendance des partenaires de santé. « En adhérant au LEEM, les entreprises du médicament s’engagent à respecter ces dispositions », souligne le texte adopté par le LEEM en début d’année. « Elles s’engagent également à poursuivre leur démarche de progrès pour promouvoir et développer l’engagement de la profession à appliquer ces principes. » Il faudra pour l’avenir mesurer ces déclarations d’intentions à la pratique effective des laboratoires. Seule certitude du moment, le président du LEEM, Christian Lajoux, n’entend pas sombrer dans le défaitisme et l’auto-culpabilisation. Une brebis galeuse ne doit pas définir le label de qualité du troupeau !
La VM entre information et promotion
[singlepic id=224 w=320 h=240 float=right]« C’est l’information qui est au centre de toutes ces préoccupations, souligne début juin Edouard Couty (photo) lors d’un débat organisé par l’ACIP (2). « En effet, ajoute le conseiller, le drame a été un choc pour l’industrie, et pour les professionnels. Il a aussi été un choc pour les patients et les victimes. Le déficit de confiance et la détérioration d’image sont à prendre au sérieux. » Pas question à ses yeux de laisser perdurer ce « déficit de confiance » dans le médicament : « C’est le mandat du ministre donné dans ma lettre de mission, c’est le point central », ajoute le président et rapporteur des Assises. La question de la visite médicale, objet du groupe 4 des Assises, continue aux delà des travaux et échanges à faire question : source d’information pour les médecins – premier média après la presse médicale – elle ne pourra plus à l’avenir se déployer comme dans le passé, sans contrôle effectif de la qualité des messages délivrés. Mais sans doute devra-t-elle être accompagnée d’autres sources d’information publiques indépendantes des industriels, comme le suggère Edouard Couty.
[singlepic id=222 w=320 h=240 float=left]Pour le pdg de Pfizer en France, Emmanuelle Quilès (photo), par ailleurs présidente de l’Agipharm (3) et vice-présidente du LEEM, « le VM n’est pas là pour faire de l’information, il est là pour faire de la promotion sur des produits spécifiques. » Faut-il pour autant abandonner le statut de ces « acteurs de l’information et de la pharmacovigilance » dont le métier, précise le syndicat des laboratoires « consiste à « délivrer aux professionnels de santé une information médicale de qualité sur le traitement, et à en assurer le bon usage » ? Sur cette question, le groupe 4 des Assises laisse la porte largement ouverte à une redéfinition contractuelle de leur statut, ce d’autant que la HAS revient en force sur la certification de la visite, rendue obligatoire par la Charte de 2004 (4) et qui a permis de réduire considérablement les dérives promotionnelles condamnées à travers l’affaire Mediator. « Les industriels sont ouverts à une amélioration de la qualité de la visite médicale dans le cadre existant de la Charte conclue avec l’Etat, précise dans ce cadre le patron du LEEM, dans une lettre adressée à Edouard Couty. Ils ont par ailleurs émis des propositions tendant à donner un statut aux activités d’information distinct de celui de la promotion, afin de clarifier le rôle et les missions des visiteurs médicaux »
Revenir sur ce statut pour consacrer le seul volet « promotion » de la visite médicale reviendrait ainsi à transformer les 15 500 VM encore employés en 2011 par les laboratoires, de « délégués à l’information médicale » en « attachés commerciaux multifonctions » : du médecin au pharmacien en passant par l’hôpital, avec dans leur valise tous types de médicaments (princeps, OTC ou générique). A l’heure où les produits éthiques à promouvoir auprès des médecins diminuent comme peau de chagrin, on comprendra que cette remise en cause pourrait intéresser plus d’un laboratoire, qui pourra ainsi déployer son action promotionnelle à bon escient en élargissant son domaine d’action pour mieux rentabiliser son réseau. Mais un tel projet ferait aussi litière de la qualité de la visite (5), définie par la Charte et âprement défendue par certains, dont l’AQIM ou l’ADREV (6), comme du statut du VM qui se transformera rapidement en « pharmaceutical reps » à l’américaine, plus dépendant du service marketing que de la direction médicale. Une alternative sur laquelle un futur texte législatif devra bien trancher, à défaut de voir une fois encore la visite médicale au cœur de nouvelles polémiques.
Jean-Jacques Cristofari
(1) « Responsabilité sociétale, rapport 2010 », LEEM, mai 2011.
(2) « Vers quelle information pour les médecins demain », débat organisé le 7 juin par l’Association des cadres de l’industrie pharmaceutique (ACIP), présidée par Michel Hannoun, directeur des études Monde aux laboratoires Servier
(3) Association des groupes internationaux pour la pharmacie de recherche
(4) Une Charte qui précise en préambule que « la visite médicale doit favoriser la qualité du traitement médical dans le souci d’éviter le mésusage du médicament, de ne pas occasionner de dépenses inutiles et de participer à l’information des médecins de ville et des médecins et pharmaciens hospitaliers. »
(5) Le critère 4.2 du référentiel de la certification définit qu’une bonne VM est caractérisée par la qualité des informations délivrées (selon Bon Usage Conseil pour le LEEM, en 2009 67 % des médecins estiment que c’est le critère le plus important) et la qualité des pratiques relationnelles (33 %).
(6) Association pour la qualité de l’information médicale (AQIM), présidée par Marie-Noëlle Nayel et Association des Directeurs de Réseaux de la Visite Médicale (ADREV), présidée par Benoît Guillotin
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Six groupes de travail au chevet du médicament
Groupe 1 : Faire évoluer l’autorisation de mise sur le marché
Président : Jean-François Girard
Groupe 2 : Renforcer le système de surveillance des médicaments
Président : Dominique Costagliola
Groupe 3 : Encadrer les prescriptions hors AMM
Président : Hubert Allemand
Groupe 4 : Développer l’information sur les produits de santé
Président : Alain-Michel Ceretti
Groupe 5 : Optimiser la gouvernance et clarifier les missions des organismes intervenant dans les produits de santé
Président : Claude Huriet
Groupe 6 : Renforcer le contrôle et l’évaluation des dispositifs médicaux
Président : Eric Vicaut
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...