Les vaccins contre l’hépatite B sont en rupture de stock depuis janvier dernier. Alors même qu’ils sont obligatoires pour les professionnels de santé, ces derniers peinent à s’en procurer. Les futurs infirmiers et infirmières qui entrent en formation en septembre sont en première ligne pour subir les carences du système de production alors même que le gouvernement Macron vient de placer la prévention en tête de gondole de la future stratégie nationale de santé.
L’hépatite B (VHB) est un virus qui s’attaque aux cellules du foie. Il entraine l’inflammation de ce dernier et figure parmi les hépatites dites virales. Ce virus est essentiellement présent dans le sang, le sperme et dans les sécrétions vaginales d’une personne infectée. Il peut demeurer vivant environ 5 à 7 jours à l’air libre. L’OMS estime que 257 millions de personnes vivent avec une infection par le virus de l’hépatite B (définie comme la positivité pour l’antigène de surface de l’hépatite B). L’organisation mondiale souligne qu’en 2015, 887 000 personnes sont décédées des suites d’une infection par l’hépatite B notamment de cirrhose ou de cancer du foie. Elle rappelle à cet égard que « l’hépatite B est un risque professionnel important pour le personnel de santé et qu’il est possible de prévenir l’hépatite B avec le vaccin sûr et efficace dont on dispose actuellement. » Le problème est que notre pays – comme d’autres dans l’Union Européenne – vit depuis des mois une rupture d’approvisionnement de ce vaccin dit « essentiel pour les professionnels de santé ».
Engerix® B (20 microgrammes/1 ml, suspension injectable en seringue préremplie), du laboratoire GSK, est depuis janvier 2017, précise l’ANSM, en rupture de stock sur le marché de ville, avec une distribution contingentée sur le marché hospitalier et connait depuis le 19 juin 2017 « une mise à disposition à titre exceptionnel et transitoire auprès des PUI des établissements de santé (hôpitaux et cliniques) d’unités d’Engerix® B20 en flacon et initialement destinées à un autre marché ». Le laboratoire a dans ce cadre adressé à la même époque une lettre aux professionnels de santé pour leur faire part des « tensions d’approvisionnement » de sa spécialité Engerix® B20 seringues préremplies et leur a proposé sa solution de substitution qui « ne diffère que par son conditionnement en flacon sans seringue ni aiguille ». Le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP), dans une note de février dernier (1) indique que la firme GSK a informé, en décembre 2016, les autorités d’une rupture de stocks sur l’ensemble de l’année 2017 de son vaccin Engerix B20® destiné aux personnes âgées de 16 ans et plus. Le Haut Conseil publie également un tableau complet des vaccins hépatite B ou combinés hépatite A/hépatite B potentiellement utilisables en France. Y figure également un autre vaccin contre l’hépatite B, HBVAXPRO 10 µg du laboratoire MSD, au prix public de 17,65 euros TTC, contre 18,03 euros TTC pour Engerix® B, tous deux étant remboursés à 65 % par la Sécu.
Gestion de la pénurie
A la même époque La Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (FNAIR) a fait connaître la situation dans un communiqué qui souligne que « la distribution de ces vaccins à l’hôpital serait contingentée ; en ville elle serait purement et simplement interrompue ». Or, ajoute la FNAIR, « le vaccin contre l’hépatite B fait partie des vaccinations indispensables chez les insuffisants rénaux, en particulier chez les hémodialysés en attente de greffe rénale . « Beaucoup de personnes qui embrassent la profession d’infirmière, de médecin, de policier doivent obligatoirement être vaccinées contre l’hépatite B », complète le Professeur Cohen. Le HCSP note également de son côté que » les personnes qui, dans le cadre de leur exercice professionnel, sont soumises à l’obligation vaccinale doivent être vaccinées en priorité. » Au nombre de ces dernières figurent notamment celles qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé, de prévention, de soins ou hébergeant des personnes âgées, exercent une activité professionnelle les exposant ou exposant les personnes dont elles sont chargées à des risques de contamination, ainsi que les élèves ou les étudiants des professions médicales et pharmaceutiques et des autres professions de santé listées dans l’arrêté du 6 mars 2007. Le Haut Conseil précise dans sa note la disponibilité des vaccins hexavalents et propose « de favoriser la production d’Engerix B20® fortement déficitaire au lieu de celle d’Engerix B10® ». Il demande également « aux autorités de santé d’obtenir de la firme [MSD] produisant le vaccin HBVAXPRO® 10μg la mise à disposition de doses supplémentaires de ce vaccin permettant de pallier à la pénurie de vaccin Engerix B20®. » *
Depuis janvier, l’état des approvisionnements n’est cependant toujours pas réglé. La rupture est toujours la règle et le constat de l’ANSM du mois de juin relève d’une simple constat d’impuissance face à l’incapacité des producteurs de vaccins de permettre le retour à une situation normale ! A cet égard, le HCSP a dès février pris les devants et préconise de revoir le schéma vaccinal habituel en réduisant les doses de vaccins à administrer : « Au vu des résultats des études et dans la situation actuelle de tensions d’approvisionnement, les personnes seront vaccinées avec deux doses au lieu de trois dans le but d’économiser des doses de vaccin. » Du côté du ministère de la Santé, l’analyse de la situation a été faite le 3 mars, soit sous la gouvernance Hollande/Touraine. Le site Internet du ministère précise alors qu’ « afin de permettre aux personnes pour lesquelles la vaccination contre l’hépatite B est recommandée ou obligatoire, les laboratoires GSK et MSD vaccins, à la demande de l’ANSM, ont entrepris un contingentement des stocks et réservé leur distribution uniquement aux établissements de santé. Ces doses peuvent être dispensées aux patients non hospitalisés prioritaires sur prescription médicale. » Il ajoute plus loin : » L’ANSM étudie actuellement la possibilité d’importer des vaccins destinés à d’autres marchés européens. » C’est Napoléon qui attend Grouchy qui déjeune à Walhain à la table du notaire Höllert et termine son repas d’un plat de fraises au lieu de marcher au canon pour rejoindre la bataille. On sait comment se termina Waterloo !
Wait and see
Les leçons de la gestion passée de la grippe H1N1, dont on connaît l’efficacité et les succès rencontrés, n’ont visiblement pas été tirées. Pour les vaccins contre l’hépatite B – comme pour tant d’autres en rupture d’approvisionnement – le « wait and see » prédomine sans que cela n’inquiète grandement les nouvelles autorités sanitaires mise en place avec le gouvernement Macron ! Pourtant ce dernier a bel et bien placé la prévention en tête de gondole de ses priorités sanitaires à venir. » La prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé discutée à l’automne », déclare le premier ministre le 6 juillet lors de son discours devant l’Assemblée nationale. « Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire, poursuit Edouard Philippe. Des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France. Dans la patrie de Pasteur ce n’est pas admissible. » Dont acte. Mais les Français en général – parfois réticent à faire vacciner leurs enfants – et les professionnels de santé en particulier – souvent réticent à se vacciner eux mêmes ! – auront bien du mal à comprendre pourquoi face à des situations d’urgence les pressions ne sont pas exercées en direction des laboratoires pharmaceutiques pour qu’ils produisent enfin et mettent à disposition dans les meilleurs délais des produits qui répondent à des exigences de santé publique. La question est de longue date sur la place publique et attend une réponse à la mesure des enjeux.
Ubu au pays des vaccins
Car pour l’heure ce sont les futurs infirmiers et infirmières qui vont prochainement entrer en formation dans les écoles professionnelles de l’Hexagone qui se trouvent face à des situations ubuesques. En effet, du fait des pénuries de vaccins précitées, les candidats admis à une école sont invités sans tarder à aller se faire vacciner non pas à l’hôpital public le plus proche de leur domicile mais à celui de leur lieu de formation ! Ainsi un candidat reçu à Toulouse mais demeurant actuellement à Montpellier, ou une candidate demeurant à Clermont-Ferrand mais appelée à se former à Bordeaux, devra courir à l’hôpital à l’hôpital le plus proche de son école. Les Agences régionales de santé – dont on a mesuré les compétences durant la grippe H1N1 – ont mis en place ce système et imposé aux élèves de courir cet été se faire vacciner au plus vite à défaut de pouvoir s’inscrire dans leur école et d’y suivre leurs cours. Pour faire simple faisons compliqué semble être la règle en matière de vaccination. Aux uns d’attendre qu’un laboratoire puisse récupérer sur ses stocks placés à l’étranger, aux autres de courir la France pour avoir la chance de trouver leur vaccin. Prévenir c’est guérir dit le dicton. Mais faire de la prévention c’est aussi l’organiser en amont sans céder aux sirènes de l’improvisation, de l’incurie ou de l’impréparation. Il est grand temps que la France apprenne à conjuguer le verbe prévenir à tous les temps !
Jean-Jacques Cristofari
(1) « Avis relatif aux tensions d’approvisionnement de vaccins contre l’hépatite A et l’hépatite B », HCSP, 14 février 2017
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...