Nombre d’acteurs impliqués dans la recherche clinique espéraient voir enfin le bout du tunnel avec la publication, en juin 2014, de la circulaire ministérielle concrétisant le contrat unique hospitalier (CUH). Un an et demi après son lancement, cette disposition tant attendue n’a pas encore tenu ses promesses. L’Association françaises des sociétés de recherche sous contrat (AFCROs) s’est est émue.
Considérée comme « la simplification administrative prioritaire » pour relancer l’attractivité de la France pour la recherche clinique, cette mesure devait permettre d’accélérer la mise en place des essais à promotion industrielle dans les établissements de santé grâce à l’utilisation d’une convention unique intégrant à la fois les engagements des parties prenantes et les différentes modalités de l’étude (honoraires des médecins investigateurs, modalités de facturation et de paiement, confidentialité, droits aux résultats, calcul des surcoûts…). Près d’un an et demi après son lancement, cette disposition tant attendue n’a pas encore tenu ses promesses. Entre oublis, manques et blocages, le contrat unique hospitalier se heurte toujours à une série de difficultés que l’Association françaises des sociétés de recherche sous contrat (AFCROs) s’est attachée à mettre à plat, en réunissant le 22 octobre dernier les principaux protagonistes (1) concernés (ministère de la Santé, Cnom, CODIRC, CRI-CDGCHU, CNCR, LEEM, Snitem).
Crispations et tensions
Première difficulté qualifiée de « pêché originel » par Gilles Montalescot, président du Codirc (Comité pour le Développement de l’Investigation en Recherche Clinique) et cardiologue à la Pitié-Salpétrière (AP-HP), la non inclusion des médecins investigateurs et de leurs associations de recherche dans les discussions préalables à la mise en place du CUH a entraîné de nombreux praticiens à arrêter les recherches à promotion industrielle. Depuis, de nouvelles discussions ont été engagées au ministère de la Santé intégrant cette fois, les représentants des associations de recherche, mais auxquelles cette fois, « ni l’AFCROs qui met en oeuvre la recherche clinique, ni les industriels du dispositif médical n’ont été conviés», remarque Denis Comet (photo), président de l’AFCROs. Initié sous la forme d’une instruction ministérielle qui a limité son poids réglementaire, le contrat unique hospitalier a également pâti d’un déficit de communication à destination des directions hospitalières et à l’intérieur même des établissements et d’un manque de visibilité du flèchage financier. Enfin, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), a priori non concerné par ces contrats intervenant entre industriels et établissements hospitaliers, a une lecture différente du texte et des obligations qu’il inclut, ce qui s’est traduit par une succession d’avis défavorables et de délais quand les dossiers sont soumis au CNOM.
Vers l’inscription dans la loi
Actuellement, le bilan dressé par l’AFCROs indique qu’à l’été 2015, 50 à 60 % des centres sollicités utilisent le contrat unique hospitalier avec de réelles réductions des délais de contractualisation. Si ce pourcentage augmente régulièrement, un certain nombre de centres et d’investigateurs importants ne participe pourtant plus à la recherche clinique à promotion industrielle. Un tableau précis de l’usage du CUH devrait pouvoir être disponible assez rapidement après la publication, début septembre, d’une instruction de la DGOS. Celle-ci vise à recenser les conventions conclues entre le 1er novembre 2014 et le 31 octobre 2015 et à générer une série d’indicateurs (temps d’instruction calendaire, nombre de conventions signées, nombre prévisionnel de patients à inclure). Cette instruction pourrait également exercer un réel effet incitateur pour les établissements, puisque ses résultats fonderont les délégations de crédits au titre des MERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation).
Enfin, l’inscription du contrat unique hospitalier dans le projet de loi de santé en cours de discussion au Parlement pourrait lui donner un coup d’accélérateur (article 37). Cette transcription dans la loi va non seulement le rendre obligatoire, mais elle devrait aussi permettre une remise à plat d’une série de confusions et d’ambiguïtés. Alors que la loi pourrait entrer en vigueur à partir de l’automne 2016, son application nécessite en effet la préparation de décrets pour lesquels les premières réunions sont prévues dès ce mois-ci au ministère de la Santé. L’ensemble des acteurs présents est convenu de la nécessité de mettre tous les protagonistes autour de la table (ministère de la Santé, industriels, CRO, médecins, hôpitaux, associations de patients) pour résoudre les problèmes qui subsistent.
Sans perdre de vue l’objectif premier de réduction des délais pour le démarrage d’une étude clinique, ces réunions auront notamment à clarifier les conditions de prise en charge des surcoûts liés à la recherche clinique et la délicate question de la transparence des flux financiers. Restent aussi à traiter des sujets tels que la possibilité d’élargir le contrat unique aux établissements privés, avec pour corollaire la nécessité d’utiliser des grilles de surcoûts différentes entre hôpitaux publics et cliniques privées ou encore la possibilité d’introduire des avenants au contrat unique pour prendre en compte d’éventuels amendements des protocoles cliniques. Quant à l’avis du Cnom, il ne devrait pas constituer un blocage pour le lancement d’une étude. Pour la DGOS, l’avis du CNOM n’est pas requis avant la signature du CUH, mais les conventions, une fois conclues, doivent lui être transmises.
Anne-Lise Berthier
(1) Les intervenants à la réunion organisée par l’AFCROs le 22 octobre sont : Eric Donois, coordonnateur expert du groupe de travail Recherche clinique industrielle CRI–CDGCHU et Francis Willig, responsable de la Cellule Filière Industrielle du Comité National de Coordination de la Recherche (CNCR) qui représentaient les directions hospitalières, le Pr Gilles Montalescot du CODIRC (Comité des Investigateurs de Recherche Clinique) pour les médecins investigateurs, François Rouselot pour le Cnom, Hélène Coulonjou, chef du bureau Innovation et Recherche Clinique de la DGOS du ministère de la Santé, Luc Duchossoy pour le LEEM, Marie Razani pour le Snitem, Pascale Cousin, Directrice des Affaires Règlementaires du Snitem, Denis Comet, président de l’AFCROs, Sophie Dufourmantelle et Mirella Laguerre Charpentier, membres du comité directeur de l’AFCROs.