[singlepic id=262 w=320 h=240 float=left]Les trois syndicats médicaux représentatifs des médecins libéraux (CSMF, SML et MG France) signent ce jour la nouvelle convention médicale qui a fait l’objet d’un protocole d’accord le 21 juillet dernier. Seul les spécialistes (chirurgiens, anesthésistes et gynéco-obstétriciens) du BLOC et la FMF ont refusé de parapher le texte final présenté par le directeur de la CNAMTS, Frédéric van Roekeghem. Cette convention de compromis, rédigée sur fond d’apparente unité syndicale retrouvée, s’inscrit dans la droite continuité de celle de 2005, avec quelques nouveautés. Dont l’introduction d’une prime à la performance, qui donne un nouveau statut, valorisé, à la prévention au sein même de l’activité des soins primaires. Elle tente également de répondre à la question des déserts médicaux, sans lui apporter de réelle réponse sur le fond. Celle des dépassements d’honoraires demeure quant à elle, suspendue à un avenant qui devra être signé par les assureurs complémentaires avant la fin du mois de septembre. Au total, cette convention ne présente qu’une facture limitée – 85 millions en 2012, 301 en 2013, selon les estimations faites – qui ne sera pas de nature à creuser davantage le trou de l’assurance-maladie.
C’est fait ! Après plusieurs mois de tractations, de ruptures et de rebondissements, médecins libéraux et assurance-maladie se sont accordés autour d’un texte commun, qui offre de nouveaux services et garanties de remboursement aux assurés sociaux et de nouvelles sources rémunérations aux praticiens, qui voient leur régime d’allocation supplémentaire de vieillesse préservé. « Le paiement à l’acte reste le socle de la rémunération de la médecine libérale » précise le texte conventionnel. Un rappel qui fait le bonheur des plus libéraux des médecins, dont ceux la branche généraliste de la CSMF, l’UNOF, qui se félicite du » maintien du contrat conventionnel avec les médecins de secteur 1, à honoraires opposables ». L’acte de consultation du généraliste, le C, revalorisé à 23 euros en janvier dernier, ne connaîtra cependant pas de nouvelle augmentation avant un moment, alors même que les médecins assis à la table des négociations, en tête desquels ceux de MG France, réclamaient depuis des lustres un réel investissement sur la médecine de premier recours.
[singlepic id=267 w=320 h=240 float=right]La prévention primée
Faute de grives, les médecins auront, pour certains, des merles ! Chanteurs de surcroît, puisque la hausse de leur rémunération passera pour l’avenir par une prime à la performance (versée à compter de 2013 pour ceux qui s’engageront) et par de nouvelles cotations « valorisant l’engagement des médecins sur des objectifs de santé publique relatifs à la prévention, au suivi des patients chroniques, à l’efficience et à l’organisation du cabinet pour répondre aux besoins de santé de l’ensemble des assurés sociaux ». Le tout en maintenant le dispositif de la précédente convention, le parcours de soins coordonnés grâce au médecin traitant de premier recours, dont on ignore cependant l’efficacité faute d’une réelle évaluation sur ses vertus présumées. Une chose est donc entendue : « les parties signataires conviennent de la nécessité de faire évoluer la rémunération des médecins de manière à valoriser l’activité du médecin et notamment du médecin traitant dans toute la dimension de son exercice médical centré sur le service rendu au patient, à la patientèle et à la santé publique par la mise en place d’une rémunération en fonction de l’atteinte d’objectifs de santé publique. » La prime à la performance, qui sera versée moyennant la pleine réalisation de 29 objectifs (de dépistage, de prévention, de santé publique, de prescription etc), fixés pour un panel actif de 800 patients, ne le sera cependant qu’à partir de 2013. Autant dire à long terme, alors même que les jeunes générations qui pourraient choisir de s’engager dans le camp libéral (ils ne sont plus que 12 % à vouloir le faire) se retrouveront avec un tarif de consultation bloqué – seulement amélioré d’une nouvelle cotation à domicile chez un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, à 66 euros – et quelques contraintes administratives de plus à remplir.
Une implication valorisée
[singlepic id=265 w=320 h=240 float=left] »C’est la fin d’une certaine médecine libérale », note à cet égard l’économiste de la santé Claude Le Pen (photo), qui estime que les libéraux vont « entrer dans une pratique codifiée, organisée, évaluée et orientée vers des résultats. » Une pratique que quelques milliers de médecins connaissaient déjà avec leur adhésion rapide au CAPI (1), organisé en 2009 autour de la prévention et le suivi des pathologies chroniques (diabète et HTA) et de l’optimisation des prescriptions (génériques, IEC, antibiotiques, sartans, statines, antihypertenseurs, antidépresseurs etc). Exit donc ce contrat individuel pour une prime conventionnelle conçue comme un nouveau mode de prise en charge des patients et qui s’assoit sur des objectifs de santé publique. « L’implication du médecin dans la prévention est par ailleurs reconnue et valorisée individuellement dans le cadre de la rémunération à la performance introduite dans la présente convention », note le texte de cette dernière. Cette prévention, focalisée sur une somme de programmes déjà mis en oeuvre (2), sera déclinée sur de nouveaux terrains : meilleure observance des calendriers vaccinaux, risques liés au tabac chez la femme, obésité de l’enfant. Les patients diabétiques, objet d’une attention particulière de l’assurance-maladie – compte tenu de la forte prévalence de la maladie en France – qui a mis en oeuvre son programme d’accompagnement dénommé Sophia, bénéficieront également de mesures nouvelles, via leur médecin traitant. Ce dernier sera également invité à renforcer sa participation sur d’autres pathologies (cardivasculaires, BPCO, asthme etc.) pour lesquelles des programmes seront initiés par les différents régimes d’assurance maladie. Au total, la nouvelle prime signe la reconnaissance active des praticiens libéraux dans les champs de la prévention, de l’éducation sanitaire, du suivi et de l’accompagnement des malades chroniques , pour lesquels ils ne bénéficiaient jusqu’alors que de leur seule lettre clé de visite ou de consultation, peu à même de différencier ce type d’acte des actes classiques de soins. La démarche concrétise ainsi la volonté de longue date du directeur de la CNAMTS de mieux gérer les risques en permettant aux médecins libéraux d’investir un domaine d’activité pour lequel leur implication n’a jamais été réellement reconnue et valorisée. Soigner autrement pour gagner différemment semble à cet égard la nouvelle règle du jeu conventionnel.
[singlepic id=268 w=320 h=240 float=right]Des bonus pour combler les déserts médicaux
La question des déserts médicaux (4) a également reçu une réponse conventionnelle, alors même que la récente modification de la loi HPSP, votée par le Parlement à partir des textes du sénateur Fourcade, supprimait les éléments les plus contraignants à l’égard des médecins libéraux, telles la déclaration obligatoire d’absence des congés ou encore l’obligation d’exercer une partie de son activité en zone déficitaire pour le médecin installé en zone surdotée. Désormais les praticiens exerçant en zone déficitaires auront droit à un bonus, de 10 % des honoraires (C et V) annuels pour les médecins qui exercent dans un groupe (dans la limite d’un plafond de 20 000 euros) et de 5 % pour ceux qui exercent dans le cadre d’un pôle de santé (dans la limite d’un plafond de 10 000 euros). Le tout complété par une aide à l’investissement de 5000 euros par an pour les professionnels exerçant au sein d’un groupe et de 2 500 euros pour les pôles de santé. Une « option solidarité » s’ajoute au dispositif, pour les médecins volontaires qui exerceront au moins 30 jours par an dans une zone déficitaire. En contrepartie de leur engagement, les signataires bénéficieront d’une rémunération complémentaire de 10 % de leur activité annuelle (C+V) dans la limite d’un plafond de 20 000 euros. Cela suffira-t-il à encourager les jeunes praticiens à s’installer dans les zones rurales les plus éloignées ou dans des zones urbaines peu sécurisées ? Rien n’est moins sûr ! Pour l’heure, les mêmes jeunes praticiens préfèrent exercer leurs talents dans un exercice moins périlleux et surtout plus lucratif : celui de médecin remplaçant ! Un statut parfaitement reconnu et protégé par les syndicats de médecins et par l’Ordre des médecins, qui veut que 10 000 médecins itinérants « se promènent » à leur plus grand profit et sans contraintes dans le système de santé ! Il est vrai qu’en période pré-électorale, il n’est pas bienvenu d’attiser certaines braises.
Last but not least, la convention laisse sans réelle réponse la question des dépassements d’honoraires et reporte le secteur optionnel à des temps meilleurs. Véritable arlésienne de la convention, ce secteur attend désormais un nouveau feu vert des assureurs complémentaires, qui craignent un nouveau coup de Jarnac lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécu pour 2012. Car accepter de prendre en charge les dépassements d’honoraires « encadrés » (3) et subir une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaire sont deux couleuvres que la Mutualité Française n’entend pas avaler à la fois. Aussi, si le principe d’un nouveau secteur réservé aux spécialités dites de « plateau technique » est bien posé, à la condition que les complémentaires le solvabilisent, selon les propos de Frédéric van Roekeghem, son éventuelle application ne fait pas l’affaire des associations de patients qui rappellent par la voix du CISS que les dépassements de ces spécialités ne représentent qu’un quart de la masse totale des dépassements d’honoraires. « La seule vraie mesure en faveur des patients est une mesure qui ne coûte rien à l’assurance-maladie, fait savoir le CISS : la généralisation du tiers payant qui permettra aux usagers qui avaient du mal à réunir la somme pour payer une consultation de pouvoir le faire plus commodément. ». Une hypothèse qui n’est cependant pas retenue par la convention !
Jean-Jacques Cristofari
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(1) Contrat d’amélioration des pratiques médicales, signé par 15 000 généralistes
(2) Les programmes de prévention déjà mis en oeuvre sont : – le dépistage des cancers (sein, colorectal), – la prévention des pathologies infectieuses aiguës (vaccination antigrippale, vaccination ROR) ; – la prévention des complications liées aux pathologies chroniques (diabète, pathologies cardiovasculaires, pathologies respiratoires) ; – programmes dédiés à certaines populations (dépistages néonataux dont celui de la surdité, prévention bucco-dentaire chez les enfants et les adolescents, facteurs de risque liés à la grossesse, iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées).
(3) Selon le schéma en discussion, seuls les médecins actuellement en secteur 2 auraient accès au secteur optionnel (sauf exceptions pour des médecins en secteur 1 ayant des titres universitaires). Ils s’engageraient alors à plafonner leurs dépassements, dans une limite de 50% au-dessus du tarif opposable qui sert de base de remboursement à la Sécu et à réaliser un minimum de 30 % d’actes sans dépassements. En contrepartie, ils bénéficieraient d’une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Les complémentaires santé prendraient alors en charge ces dépassements encadrés. Cet accord fera l’objet d’un avenant à la convention d’ici fin septembre, si les Mutuelles ne s’estiment pas lésées par le PLFSS.
(4) voir à ce sujet le rapport d’information du Sénat n°600, « Santé et territoires : à la recherche de l’équilibre« , 15 juin 2011, présenté par Par Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Journaliste spécialisé en économie de la santé En savoir plus ...