[singlepic id=151 w=320 h=240 float=left]Les syndicats médicaux reconnus représentatifs attendent beaucoup de la reprise des négociations conventionnelles. Les revendications des représentants des praticiens libéraux sont connues de l’assurance-maladie. La médecine libérale a fait, dans un proche passé, l’objet d’un nombre impressionnant de rapports. Pour autant rien ne se débloque sur le front conventionnel où l’on se demande si le tout puissant patron de l’UNCAM, Frédéric van Roekeghem (photo) ne jouera pas tout simplement la montre, faute de ressources pour engager un « new deal médical » digne de ce nom.
Rien de va plus dans les rangs de la médecine libérale qui est en stand by conventionnel depuis 4 ans ! Officiellement, les négociations en vue de la signature d’une nouvelle convention médicale doivent reprendre ce jeudi 7 avril pour aboutir avant l’été. Pour peu que le tout puissant patron de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM), le polytechnicien Frédéric van Roekeghem, reconduit dans ses fonctions l’an passé, se décide à relancer effectivement les débats autour d’un contrat dont le fonctionnement est bloqué depuis 2007, soit déjà depuis quatre années. En « régime arbitral » depuis mai 2010 (1), la convention attend désormais un nouveau texte pour lequel le conseil de l’UNCAM, où siègent les partenaires sociaux, a déjà arrêté les orientations de négociation avec les syndicats médicaux, le 17 mars dernier. Rien ne devait donc empêcher les parties prenantes de se mettre autour d’une table pour engager leur pourparlers.
La feuille de route des caisses est rédigée
Du côté des caisses, les objectifs sont à peu près établis : il faudra veiller au renforcement de l’égalité d’accès à des soins de qualité, mise à mal par une démographie médicale déclinante et des pratiques de dépassements d’honoraires devenues insupportables pour un nombre croissant de Français. Sur la feuille de route des caisses figure ainsi, pèle mêle, une meilleure répartition des médecins, l’accès à la prévention et aux soins, le tiers payant social, l’adaptation des avantages sociaux en contrepartie des tarifs opposables, et la création d’un nouveau secteur optionnel, éternel serpent de mer des négociations, très attendu des médecins mais bloqué en son temps par l’UNCAM ; la qualité des pratiques médicales figure également au menu des travaux, avec la prise en charge des pathologies lourdes sur la base de référentiels, la promotion de l’exercice coopératif, et le développement professionnel continu, un DPP qui se cherche des financements à la hauteur de ses ambitions ; sans omettre non plus l’accroissement de l’efficience de la prise en charge des patients par une maîtrise médicalisée, un aménagement du parcours de soins et de nouveaux modes de prise en charge ; outre la poursuite de la démarche de simplification administrative avec les caisses, la rénovation des modes de rémunération des médecins sera également à l’ordre du jour. Le patron de l’UNCAM n’a pas caché ses préférences pour des rémunérations des praticiens selon une structure à trois niveaux – des forfaits associés à une rémunération à l’acte et à un paiement lié à l’atteinte d’objectifs (CAPI)-.
Investir sur la médecine générale
La convention qui sera négociée dans une situation de sortie de crise, restera cependant marquée par les passifs antérieurs et à venir de la Sécu, qui a cumulé les « trous » et les dettes en dizaines de milliards depuis ces dernières années, soit autant de déficits qui ne laisseront guère de marge de manoeuvre aux ambitions manifestées par les syndicats de médecins. La branche généraliste de la Confédération des syndicats médicaux français, l’UNOF, a par avance réclamé « un véritable investissement pour la médecine générale ». Mais elle demande aussi que l’on clarifie les choses, face à des annonces qui pourraient progressivement faire sortir les praticiens libéraux du sacro-saint paiement à l’acte. « Que veut l’Etat sur le statut des médecins de premier recours ?, interroge son président, le Dr Michel Combier. Avant toute négociation, il va falloir stabiliser ce point car il conditionnera le niveau et l’opposabilité des tarifs. » Autre point que la CSMF veut clarifier, celui de la carrière libérale qui n’attire plus guère de jeunes médecins (seulement 12 % des jeunes médecins diplômés). « La lisibilité d’un plan de carrière évoqué dans le rapport du Docteur Elisabeth Hubert est maintenant indispensable pour à la fois maintenir les médecins en activité et accueillir les nouveaux venus dans la profession », poursuit le patron de l’UNOF. Et comme les jeunes générations tardent à entrer dans le métier, l’UNOF et sa maison-mère confédérale suggèrent « d’imaginer au-delà du remplacement un statut intermédiaire leur permettant de rejoindre des cabinets existants sans installation définitive dans un premier temps. » Le statut d’assistant médecin libéral tel qu’expérimenté dans certains départements lui paraît à cet égard être une piste. Quant à la négociation conventionnelle même, l’UNOF propose d’envoyer un « message fort » aux généralistes libéraux en leur confirmant que « la rémunération à l’acte doit rester majoritaire » et qu’un « complément d’honoraire doit être initié pour les personnes âgées dépendantes. » Il faudra mettre des sous sur la médecine de premiers recours, martèle la branche généraliste de la CSMF : « Une règle doit s’appliquer : Tout acte supplémentaire effectué en plus d’une consultation doit être accompagné d’une rémunération. Les tâches administratives, devenues chronophages, doivent être rémunérées. » Un vœu qui cependant risque de n’être que pieux dans le cadre budgétaire actuel !
La campagne est lancée
Du côté de MG France, premier et unique syndicat de généraliste du pays, le ton est résolument offensif. « Pour le Médiator, il a fallu trente ans pour identifier et régler un problème qui a paru évident d’emblée dans d’autres pays. Pour la médecine générale, c’est exactement la même chose », provoque le patron du syndicat, Claude Leicher dans une lettre ouverte aux élus, députés et sénateurs. Et de poursuivre sur la petite musique des élections de 2012, pour lesquelles les mêmes élus sont déjà partis en campagne : « la tentation est forte de mettre en place des engagements à effet différé, des décisions prises en 2011, mises en place en 2012, mais effectives … en 2013. Et la tentation est forte aussi de voter des mesures inefficaces sur le terrain mais permettant de communiquer. » Pourtant, il faudra que les élus s’acquittent d’une ardente obligation, celle améliorer l’accessibilité financière et géographique aux soins de premier recours de proximité. Nombreux ceux ceux qui dans les quartiers des banlieues difficiles ou dans les cantons ruraux les plus éloignés vivent déjà le drame de la carence sanitaire, faute de médecin nouveau installé ou de pharmacien, récemment parti ! Car « il faudra attirer les vocations et surtout les installations en médecine générale », plaide Claude Leicher qui récuse le discours du directeur de l’UNCAM avec son : les caisses sont vides, je n’ai pas de marge de manoeuvre ! ». « C’est inacceptable car ce n’est pas vrai, gronde le patron de MG France. Avec 225 milliards de dépense totale de santé, il y a en France de quoi rémunérer correctement les médecins généralistes français comme le font les pays comparables aux nôtres en Europe. Sinon, nous continuerons à expliquer à la population et aux élus de proximité, que faute de passer des discours aux actes, « après nous il n’y aura plus personne ». Les généralistes votent aussi avec leurs pieds : reconversion ou retraite anticipée, les alternatives ne nous manquent pas. » Mais s’il est exact que la médecine ambulatoire génère de telles dépenses, il n’en demeure pas moins que faute d’une réelle coordination entre ses acteurs et d’un parcours de soins du malade un peu plus organisé, les gaspillages sont légion. Et la nouvelle gouvernance régionale de la santé pilotée par les ARS ne devrait guère changer les choses, la médecine libérale échappant largement à leur tutelle. Autant dire que les choses ne devraient que peu évoluer dans le proche avenir. « Nous vous prendrons à témoin si la négociation n’apporte pas de réponses concrètes à nos propositions [voir ci-dessous], insiste Claude Leicher à l’attention des élus. A travers le début d’un nouveau mouvement de protestation le 7 avril, nous commençons aussi immédiatement à prendre l’opinion publique à témoin ». Si la négociation conventionnelle démarre bien ce même jour, la campagne pour les présidentielles semble, elle aussi, avoir été lancée, et même en avance, dans les rangs de la médecine générale. Le syndicat des généralistes appelle ce 7 avril à une journée d’action avec la fermeture des cabinets médicaux, des déclarations d’absence symboliques mais aussi des réunions publiques et conférences de presse locales.
Jean-Jacques Cristofari
(1) Après le « non renouvellement » de la Convention médicale de 2005, un règlement de transition organise les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie. Il a été approuvé par l’arrêté du 3 mai 2010 et est publié au Journal officiel du 5 mai 2010. Ce réglement reconduit la plupart des dispositions conventionnelles contenues dans la convention médicale de 2005, ainsi que des mesures nouvelles, dont le développement d’un tiers payant social pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, un dispositif d ‘incitation à la télétransmission et à l’utilisation des services en ligne, et enfin l’augmentation du tarif de la consultation des médecins généralistes (qui a été portée à 23 euros le 1er janvier 2011).
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[singlepic id=152 w=320 h=240 float=left]Les principales propositions et demandes de MG France à la table des négociations :
– Un volet conventionnel métier valorisant la fonction de médecin généraliste traitant, seule moyen d’attirer les vocations et surtout les installations en médecine générale. – La constitution autour des médecins généralistes d’équipes de santé de premier recours, libérales le plus souvent, interprofessionnelles toujours, construites autour d’un projet de santé. – Un moyen de rémunération structurant, le forfait médecin traitant, en complément du paiement à l’acte, rémunérant les taches de coordination et de santé publique. – La modernisation des formes d’exercice : maisons de santé avec ou sans les murs, SISA, etc.. L’exercice regroupé avec partage des données de santé est une orientation stratégique majeure, dont l’initiative doit être encouragée à l’initiative des professionnels. – L’intégration dans la convention de la rémunération sur objectifs de santé publique, nécessitant de produire des données de santé ambulatoires. – L’amélioration de l’accès géographique aux soins en proposant aux équipes de santé de premier recours une valorisation de leurs rémunérations contre une garantie territoriale d’accès aux soins. – L’amélioration de l’accès financier aux soins, par un parcours de soins à tarifs remboursés, un secteur optionnel et une vraie refonte de la nomenclature technique devant permettre une rémunération correcte des actes lourds faits en bloc opératoire et en salle d’accouchement.