Visite médicale : l’avant et après Médiator

by Jean Jacques Cristofari | 28 avril 2011 7 h 50 min

[singlepic id=158 w=320 h=240 float=left]Les industriels du médicament emploient à ce jour 17 295 visiteurs médicaux. Ils étaient plus de 20 000 il y a quelques années encore, du temps où le business modèle de la pharma puisait ses sources de développement dans un nombre important de blockbusters. Aujourd’hui ces derniers achèvent d’être génériqués et les laboratoires pharmaceutiques n’ont plus besoin d’aligner autant de réseaux de VM qu’hier pour promouvoir leurs produits. Depuis le scandale du Mediator, ces mêmes VM éprouvent des difficultés à faire passer leur information auprès de médecins plus sceptiques sinon réservés qu’ils ne l’étaient il y a peu encore. L’Association pour la qualité de l’information médicale (AQIM) vient de sonder médecins et pharmaciens pour mesurer les conséquences de l’affaire Mediator sur leurs relations avec les représentants des industries de santé.

Il y aura un avant et un après du Mediator. La chose est désormais entendue et la cascade de rapports qui va déferler avec les premiers jours de l’été , à l’issue des consultations en cours sur les Assises du médicament, devrait achever de convaincre ceux qui pouvaient encore en douter. Sans attendre, l’AQIM a pris les devants et poursuit avec constance une stratégie engagée il y a déjà quelques années visant à promouvoir dans les rangs de la visite médicale la seule chose qui puisse encore la sauver, entendu une certaine rigueur – éthique – dans la démarche, assortie d’une information qui ne prête pas – plus – le flanc à la critique et pour laquelle le mot qualité a encore un sens. Car la visite médicale va mal ! Le constat est là, accablant. Les VM ont plus que de coutume du mal à passer le barrage des secrétariats médicaux où ils étaient les bienvenus hier encore et certains essuient même des tirs nourris de médecins les accusant de les avoir conduit à prescrire des produits que l’Afssaps place désormais sous surveillance. En un mot la confiance est rompue entre les producteurs et les prescripteurs de médicaments qui se trouvent brutalement accusés de tous les maux, y compris de ne plus permettre de soigner efficacement les malades.

Détérioration de la qualité perçue du discours des VM

L’AQIM, association présidée par Marie-Noëlle Nayel, vient de constater à sa manière la dégradation dans les relations entre médecins et labos ainsi qu’une descente aux enfers de l’appréciation que ces mêmes médecins portent sur la visite médicale des laboratoires. Son indice de la qualité perçue de la visite médicale en ville, mesuré par son observatoire (1) entre juillet et décembre 2010, traduit une lente mais certaine érosion des chiffres – il se situe à 99,5 contre 100 en 2007, année de son lancement – et un retour à la situation que l’on pouvait observer autour de 2005 lors de la mise en place de la charte de la visite médicale. « Sur les premières études réalisées depuis début 2011, on assiste à une très nette dégradation des chiffres, notamment concernant la qualité perçue des discours produit » (2), commente l’OBSAQUIM qui note par ailleurs que « les indices du 2ème semestre 2011 seront très vraisemblablement les plus mauvais jamais enregistrés depuis 4 ans. »

Deux tiers des médecins confiants

Sur un registre plus directement lié à l’affaire Mediator, l’AQIM a par ailleurs fait réaliser une enquête auprès des médecins des différents modes et lieux d’exercice. Cette dernière fait ressortir que l’affaire Médiator n’aura pas vraiment étonné le corps médical. Près de 40 % des médecins répondant – soit 2 314 praticiens – semblaient y être préparés, tandis que 17 % seulement confient avoir été réellement surpris. Le battage médiatique autour de l’affaire n’a pas non plus étonné les sondés (plus de 50 %). L’enseignement le plus intéressant que nous livre l’enquête est que plus des deux tiers des médecins (68,5 %) nous disent que cette affaire n’aura pas fondamentalement altéré leurs relations avec les VM de l’industrie du médicament. Les 31,48 % qui disent le contraire précisent également pour 35 % d’entre-eux qu’ils seront à l’avenir plus critique sur les informations qui leur sont délivrées par les VM. Seulement 13 % confient qu’ils réduiront les visites qu’ils reçoivent, 11 % qu’ils n’accepteront plus de visites sur certains produits et enfin 11 % qu’ils ne recevront plus certains laboratoires.

La visite médicale devra s’adapter

L’enquête de l’AQIM fait également ressortir que les médecins ne modifieront pas fondamentalement leurs relations avec les visiteurs médicaux. Ils sont 82,48 % à l’attester, contre 17,52 %. Parmi ces derniers, 30 % confient qu’ils seront plus méfiants à l’égard des VM, 18 % qu’ils manifesteront un esprit plus critique et 10 % qu’ils cesseront de recevoir des visiteurs médicaux. La visite médicale devra donc s’adapter aux effets secondaires d’une affaire qui laissera des traces dans les esprits. Elle devra surtout améliorer la qualité de l’information qu’elle diffuse. Car l’enquête le démontre clairement : plus de la moitié des médecins (53,45 %) n’ont pas réellement pris la mesure de la réforme qui a affecté la visite médicale autour de sa certification, rendue obligatoire avec la charte adoptée en 2005. Sur les 46,55 % qui étaient informés, 51 % disent à en avoir effectivement constaté les effets. Soit moins d’un quart des praticiens français. Ce qui est peu face à une réforme dont l’objectif principal a bien été de tourner une page de l’histoire de la visite médicale, accusée de tous les maux. « Le procès qui lui est fait, notamment à travers les Assises du médicament, est celui de pratiques qui ont eu cours il y a 20 ans », commente la président de l’AQIM. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. Et la qualité de l’information véhiculée par la visite à celle de l’après Mediator.

Jean-Jacques Cristofari

(1) Créé en 2007, le premier et unique observatoire indépendant de la visite médicale, l’OBSAQIM, a permis d’expertiser à fin 2009 quelque 58 réseaux de délégués médicaux de l’industrie du médicament. Grâce à la participation de 10 000 médecins généralistes et spécialistes, et de 3000 médecins hospitaliers, il a pu mesurer et évaluer périodiquement tous les critères liés à la qualité de l’information médicale délivrée par les firmes pharmaceutiques.

(2) l’Indice de la qualité perçue du discours produit en ville se situe à 101,8 au 2ème semestre de 2010. Il mesure la qualité de l’information, l’environnement scientifique, l’information destinée au patient, le niveau de crédibilité, l’intérêt de la présentation et la satisfaction globale du médecin face à la visite dont il bénéficie.

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